Réponse de la Documentation Lyon et Rhône-Alpes Bonjour,
Lorsque l’on pense à l’humour lyonnais, une figure se détache tout d’abord :
Félix Benoît. Ce joyeux drille fut le créateur de l’Ordre du Clou, une sorte d’Académie non-académique, si l’on voulait qualifier ce cercle d’une manière britannique (cf. Lewis Carroll). Le maître-mot de ce type d’humour est l’absurde. Comme ceux qui aiment rire sont souvent d’un naturel à profiter de la vie, Félix Benoît fut également critique gastronomique. Gravitaient autour de lui des personnalités du monde de la grande cuisine, telles que Paul Bocuse.
Félix Benoît a justement consacré un ouvrage à cette piquante question de définition en 1981 :
L'humour lyonnais. Un savoureux chapitre de ce livre fait l’« anthologie des écrivains d’humour à Lyon ».
Son compère Charles Exbrayat écrit dans la préface de l’ouvrage : «
Et l’humour lyonnais ? c’est une variété de cet humour auquel chaque famille d’esprits apporte sa note personnelle ou en retranche ce qui est contraire à son tempérament, à ses valeurs propres, à ses dévotions particulières et traditionnelles. Cela représente des différences importantes et cela se comprend : comment pourrait-on croire, en effet, que le comportement intellectuel est identique chez le buveur de thé et l’assoiffé de beaujolais ? C’est la raison fondamentale qui, par exemple, sépare l’humour du cockney et celui du gone. Les juger frères est une de ces hérésies qui reviendrait à penser qu’une assiette de porridge vaut un saucisson brioché. Alors, de quelle façon caractériser l’humour lyonnais ? d’abord, par son excellente santé, ensuite par son bon sens et ce merveilleux goût de la vie qui gîte au cœur du Lyonnais apparemment le plus froid, le plus sévère. L’humour des bords de Saône met de l’ironie dans le sérieux afin de le rendre plus aimable. Pour se manifester, l’humour lyonnais a un besoin vital des petites rues sombres (qu’éclairent, par taches, les devantures éclatantes des charcutiers et des pâtissier), où passent des silhouettes furtives et pressés de dames anxieuses de retrouver le foyer conjugal où mijote le plats dont leurs imaginations ménagères hument à l’avance la roborative senteur, ou les silhouettes plus lasses de dames flâneuses en quête du gone qui, avant de la convier à d’autres jeux, lui paiera le canon de beaujolais ou de mâcon-village. Tout ceci pour affirmer que l’humour de la première capitale provinciale ne s’exporte guère, car plus que tout autre, il a besoin de cette atmosphère particulière que l’on respire au confluent de la Saône et du Rhône.Voilà qui statue concernant les rapports entre humours lyonnais et britannique !!! Alors pourquoi cette question mérite-t-elle encore d’être posée ?A noter : quelques pages du
Bulletin Municipal de Lyon du 15 octobre 2007 rendent hommage à Félix Benoît.
Rapportons-nous à l’ouvrage
Sociologie de Lyon. Les auteurs abordent les stéréotypes véhiculés sur les Lyonnais, pour la plupart élaborés au 19e et au début du 20e siècles.
Nous pensons justement que ce rapport entre les humours lyonnais et anglais provient de ces stéréotypes. En 1926 en effet, paraît un roman qui sera largement diffusé en France (et plusieurs fois réédités) :
Calixte : ou l'introduction à la vie lyonnaise.
Sociologie de Lyon décortique ce roman dans son introduction : «
Lyon, ville bourgeoise. L’association est courante et l’image solidement ancrée dans les représentations de Lyon et de ses habitants.[…]
La bourgeoisie lyonnaise y est décrite comme une société très fermée, composée d’un petit nombre de grandes familles, pleines de traditions et de convenances, profondément respectueuses de la morale et de la religion, ayant le souci de l’exemple, de l’ordre et de l’économie et l’horreur du scandale, du bluff et de l’ostentation. Par extension, les Lyonnais sont dépeints comme des individus soucieux de considération, circonspects, froids, tristes, cultivant le pessimisme, l’amertume et la rancœur, en particulier envers Paris. Et, à leur image, le Lyon de Calixte est une ville sombre, obscure, « où les gens, avec des airs de conspirateurs, ont des pudeurs de séminaristes », une ville triste, où l’on travaille et où l’on s’ennuie. »
Le proverbe cité dans l’archive de l’INA que vous évoquez, « Au travail on fait ce qu’on peut, à table on se force » auquel certains esprits gouailleurs ajoutent « au lit on fait ce qu’on doit » dénote en effet d’un humour que l’on qualifie de « pince-sans-rire ».
De là à rapprocher humour lyonnais et humour anglais, nous vous laissons juge !Mais remontons encore un peu dans le temps. L’humour lyonnais peut aussi être qualifié de populaire. A ce moment, nous rencontrons bien sûr le personnage de Guignol. Ce personnage créé par Laurent Mourguet n’était pas destiné aux enfants au 19è siècle.
Les auteurs du
Dictionnaire historique de Lyon écrivent ainsi : «
L’ambiance entretenue dans les lieux de spectacle est propice à des échanges hauts en couleurs, qui ne reculent ni devant la verdeur ni devant la grivoiserie. On est très loin des spectacles pour enfants ; qui vont faire la célébrité de notre marionnette lyonnaise ! Quand, au milieu du 19è siècle, arrivent le Second Empire, les autorités en place vont prendre ombrage de ces lieux où la morale semble mise à mal. ». En effet, les spectacles de Guignol ne seront développés à l'intention des enfants que plus tard.
Guignol ne détient pas l'unique voix de l'
humour lyonnais. Les almanachs sont un type de documents où des maximes humoristiques populaires sont véhiculées.
Par exemple :
-
Almanach du Lyonnais et du Beaujolais-
Almanach 1995 du lyonnais et du beaujolais : petits et grands secrets de LyonDe l’humour populaire, on dérive évidemment vers l’argot. Comment mieux caractériser l’humour lyonnais autrement que par ses (bons) mots, son vocabulaire populaire ? Sur ce point, citons un autre personnage important, représentant la sagesse populaire et parlant l’argot : la
Mère Cottivet. Son créateur, Elie Périgot-Fouquier (1871-1971), lui prêta des bavardages pendant de nombreuses années sur Radio-Lyon.
La
Mère Cottivet a, depuis, intégré le cénacle des marionnettes de Guignol. Des recherches à son sujet ont été faites dans le
Bulletin-Société des amis de Lyon et de Guignol.
Citons ses bons mots les plus populaires, bien que non argotiques :
« En descendant montez donc, vous verrez le petit comme il est grand ».
La boucle est bouclée, nous revenons vers le comique absurde de Félix Benoit. De là à penser aux absurdes Monty Python, why not ? Ils furent rois de l'utilisation d'un mot pour un autre outre-Manche.
Versons alors quelques larmes de rire à la santé de Kaamelott, série créée par les frères Astier, Simon et Alexandre, humoristes nés à Lyon.
Mais n’est-ce simplement le propre de tout humour, de jouer sur les mots, sur l’absurdité de leur sens au travers des situations les plus triviales ?Enfin, concernant le dessin humoristique, Dubouillon est un dessinateur né à Lyon, qui a illustré un ouvrage tout à fait truculent :
La cuisine des bouchons lyonnais.
Nous ne résistons pas à vous signaler l’irrésistible carte postale « Les petits métiers de Lyon », dont nous laissons le plaisir de la surprise
ici.
A signaler aussi :
Lyonnaisiana ou recueil de bons mots et de traits anecdotiques sur Lyon.