Question d'origine :
J'aimerai plus d'infos concernant cette cellule et même des visuels (photos). Je connais pas mal de propriétés concernant l'animal mais pas assez au niveau cellulaire. Comment se manifestent ces propriétés de survie extrême au niveau cellulaire ?
Réponse du Guichet
bml_sci
- Département : Sciences et Techniques
Le 03/01/2015 à 14h39
Bonjour,
Pour commencer, nous définirons succinctement ce qu’est un tardigrade :
Les tardigrades sont de minuscules animaux translucides qui vivent un peu partout sur la planète. Ils mesurent en moyenne un demi-millimètre (500 micromètres) de longueur. Avec un bon éclairage, on peut souvent les distinguer à l’œil nu. On les surnomme parfois « oursons d’eau », car leur morphologie évoque une sorte de panda. […]
Les tardigrades se déplacent avec lenteur, escaladant posément de minuscules débris. Leur nom vient du latin tardigrada, qui signifie « marcheur lent ». Ils possèdent huit petites pattes boudinées, situées sous leur corps et ne dépassant pas sur les côtés, d’où leur démarche nonchalante et pataude.
Certaines espèces vivent dans les eaux douces ou salées. D’autres, dites terrestres, élisent domicile dans les endroits humides, au sein des mousses, des lichens, de l’humus des forêts, du sol ; en réalité, ces espèces ne sont que limnoterrestres, c’est-à-dire qu’elles vivent dans de minuscules poches d’eau interstitielle au sein de ces habitats. Tous les tardigrades sont donc des animaux aquatiques.
Le corps d’un tardigrade est composé de cinq parties : une tête bien définie, et quatre segments dotés chacun d’une paire de pattes griffues, la forme des griffes variant selon les espèces. La dernière paire de pattes est dirigée vers l’arrière, dans une configuration unique au sein du monde animal. Les tardigrades l’utilisent pour s’accrocher et pour accomplir des mouvements lents et acrobatiques, plutôt que pour marcher.
Leur anatomie et leur physiologie sont similaires à celles d’animaux plus gros. Ils ont un appareil et un canal digestifs complets. La bouche est suivie d’un pharynx, d’un œsophage, d’un estomac, d’un intestin et d’un cloaque. Les muscles sont bien développés. En revanche, ils ne disposent que d’une seule gonade.
Le cerveau des tardigrades est placé dorsalement et relié à un système nerveux ventral (celui des humains, situé dans la colonne vertébrale, est dorsal). Leur corps est empli d’un fluide en contact avec toutes les cellules, assurant une nutrition efficace et les échanges gazeux, sans recours à des appareils circulatoire et respiratoire.
Le corps des tardigrades est recouvert d’une cuticule robuste mais souple, qu’ils rejettent en grandissant. C’est pourquoi ils sont placés dans la lignée évolutive des ecdysozoaires, définie par cette caractéristique. Ils y côtoient des animaux tels que les nématodes et les arthropodes (araignées, insectes, crustacés, etc.), qui effectuent aussi une ou plusieurs mues cuticulaires au cours de leur développement. L’été, on trouve un peu partout leurs dépouilles abandonnées sur les troncs d’arbre.
Les tardigrades sont surtout connus pour leur aptitude à supporter des conditions extrêmes. En laboratoire, ils ont été soumis à des températures de 0,05 kelvin (–273,10° C, pratiquement le zéro absolu) pendant 20 heures, avant d’être réchauffés et réhydratés : ils sont alors revenus à la vie active. Ils ont été placés à –200° C durant 20 mois et ont survécu. Ils ont été exposés à une température de 150° C, bien supérieure au point d’ébullition de l’eau, et n’ont pas succombé pour autant. Ils ont supporté une pression de 75 000 atmosphères et des concentrations élevées de gaz asphyxiants (monoxyde et dioxyde de carbone, azote, dioxyde de soufre...). Ils ont même résisté au rayonnement ultraviolet présent dans l’espace.
Seules certaines espèces de tardigrades terrestres ont développé ces capacités de survie hors du commun. Leurs formes marines et d’eau douce n’en ont pas eu besoin, car leur environnement reste stable. En revanche, le microenvironnement humide des tardigrades terrestres se modifie régulièrement, par exemple en s’asséchant (on parle de dessication) plus ou moins vite en raison de variations climatiques, et est parfois soumis à des conditions météorologiques extrêmes. En outre, les mousses et les lichens dans lesquels les tardigrades élisent domicile peuvent être exposés, pour des périodes plus ou moins longues, aux rayons ultraviolets du Soleil. Cet habitat ne leur procure qu’une mince couche de protection, il est loin de les isoler totalement des agressions de l’environnement.
Leurs capacités de survie sont alors étonnantes : les froids intenses, par exemple, feraient éclater des cellules ordinaires, majoritairement constituées d’eau. En effet, l’eau se dilate lorsqu’elle approche du point de congélation, raison pour laquelle la glace flotte. À une température de 4 °C, elle atteint un volume suffisant pour faire éclater une grosse pierre qui en est imbibée, un récipient métallique qui en est rempli ou des cellules vivantes. Comment les tardigrades y survivent-ils ? Comment résistent-ils aux chaleurs intenses, qui devraient faire bouillir leur eau interne ? Et pourquoi les rayonnements spatiaux n’endommagent-ils pas irréversiblement leur ADN ?
Source : Les tardigrades, survivants de l'extrême, article de Pour La Science.
Vous pourriez trouver de l'information pertinente dans les ouvrages référencés dans le Sudoc (catalogue unifié des bibliothèques universitaires) :
* Joseph Seckbach, Aharon Oren, Helga Stan-Lotter, Polyextremophiles: Life Under Multiple Forms of StressP. Springer Science & Business Media, 2013 - 634 pages. (ressource électronique)
* Yves Séméria, Tardigrades continentaux : Oligohydrobiontes et Hétérohydrobiontes. Fédération française des sociétés de sciences naturelles, 2003.
* Ian M. Kinchin, the biology of tardigrades. Portland Press, 1994.
Pour en savoir plus :
* le film de Vincent Amouroux Créatures du froid. CNRS, 2011.
* Rôles des protéines LEA et des protéines de choc thermique (HSP)
* Peering Inside a Tardigrade (Discover)(en anglais)
* Tardigrades (Wikipédia)
* Bdelloïdes, vedettes déchues dans l’ombre des tardigrades
* Cryptobiose (Wikipédia)
Bonne année 2015
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