Question d'origine :
Bonsoir,
De quand date le clown avec son nez rouge ?
Y aurait-il un lien avec Gnaffron, célèbre marionnette créée par Laurent Mourguet au 19e siècle ?
Je vous remercie.
Très belle continuation @ toute l'équipe.
Réponse du Guichet

Bonjour,
Nous pouvons affirmer sans trop de risques d’erreur que le nez rouge des clownsne vient pas de celui de Gnafron .
Créé en 1805 par Laurent Mourguet selon l’Encyclopaedia universalis, c’est-à-dire avant même Guignol, Gnafron sert un comique de mot dont un (franc-)parler typiquement lyonnais est un élément-clé ; or, à la même époque, le cirque était très différent de ce que nous connaissons aujourd’hui : spectacle acrobatique centré sur la voltige équestre, il était, en France en tout cas, entièrement muet, du fait d’un édit royal promulgué en 1719 interdisant la parole aux spectacles de foire, afin de mettre « fin à une concurrence jugée déloyale par la troupe de la Comédie-Française » et qui restera en vigueur jusqu’en 1864.
Selon Une histoire du cirque [Livre] / Pascal Jacob, le mutisme obligatoire n’empêchera nullement l’art des clowns de se développer à la même époque, mais au travers d’un univers entièrement construit par le visuel, la gestuelle et le maquillage. Mais il faut souligner, que, jusqu’à 1864 encore – sans que nos sources n’y affirment un lien de cause à effet –, le clown est solitaire, et son apparence correspond à peu près à celle d’un clown blanc d’aujourd’hui :
« Solitaire et victime, il endosse d’abord la panoplie du souffre-douleur et devient celui qui reçoit des gifles, le « Môssieur clown » dont on se moque, l’éternel fâcheux, maladroit et pitoyable. Transfuge du personnage de Pierrot, il est l’amoureux transi de l’écuyère [et] comme lui, le clown a le visage fardé, couvert d’un blanc onctueux et lisse, rehaussé d’un peu de carmin et de charbon, le corps perdu dans une ample souquenille qui dissimule ses formes et lui autorise toutes les cabrioles. »
En 1864, le clown acquiert un partenaire, au maquillage et au costume beaucoup plus coloré : l’auguste. A cet égard l’ouvrage Costumes de cirque [Livre] / Serge Airoldi ; photographies de Philippe Salvat contient plusieurs éléments intéressants.
Tout d’abord, pendant des décennies, on dit le clown ET l’auguste sont nettement distingués. Ils vont d’ailleurs peu à peu se développer l’un par rapport à l’autre, par contraste :
« Dès la fin du XIXe siècle, jusque-là personnages solitaires, le clown et l’auguste s’unissent en piste pour constituer des duos, voire des trios, comme par exemple celui des Fratellini. Le clown blanc incarne l’autorité, parfois l’arrogance. Intellectuel, plus calculateur et rusé, il s’oppose à l’auguste, « un ardent marginal », note Pascal Jacob, plus humain, naïf, innocent et extravagant. »
Ajoutons à cela que l’origine la plus probable du rôle de l’auguste est allemande : en 1864 donc, un écuyer anglais du nom de Tom Belling, engagé dans le cirque Renz à Berlin, « trébuche en sortant de la piste où il venait de transporter des accessoires, il provoque un torrent de rires, les spectateurs le rappellent, « auguste, auguste, auguste », comprenez « idiot, idiot, idiot », en argot berlinois ».
Selon le même ouvrage, il est probable que ce soitAlbert Fratellini , auguste du trio Fratellini, actif dès 1914, « qui ait imposé le nez rouge » - à savoir un gros nez sphérique et amovible, et pas seulement un maquillage – de même que les « sourcils en U inversés » et la « grande bouche souriante ».
L’histoire du cirque est celle d’un art populaire, nomade, en constante évolution, aussi les sources sont souvent lacunaires, raison sans doute des réserves de nos auteurs à affirmer la paternité du nez rouge ; toujours est-il qu’en parcourant deux magnifiques ouvrages consacrés à l’iconographie des clowns, 1 000 clowns, more or less [Livre] : a visuel history of the American clown = die Geschichte des Amerikanischen Clowns in Bildern = L'histoire en images du clown américain / H. Thomas Steele et Clowns de cirque : histoire mondiale des comiques de la piste / Dominique Denis, on se rend compte qu’en matière de gros nez rouge, il y a un avant et un après Albert Fratellini – qu’il ait ou non créé l’accessoire-phare du clown d’aujourd’hui, il lui a au moins donné ses lettres de noblesse.
Bonne journée.
Nous pouvons affirmer sans trop de risques d’erreur que le nez rouge des clowns
Créé en 1805 par Laurent Mourguet selon l’Encyclopaedia universalis, c’est-à-dire avant même Guignol, Gnafron sert un comique de mot dont un (franc-)parler typiquement lyonnais est un élément-clé ; or, à la même époque, le cirque était très différent de ce que nous connaissons aujourd’hui : spectacle acrobatique centré sur la voltige équestre, il était, en France en tout cas, entièrement muet, du fait d’un édit royal promulgué en 1719 interdisant la parole aux spectacles de foire, afin de mettre « fin à une concurrence jugée déloyale par la troupe de la Comédie-Française » et qui restera en vigueur jusqu’en 1864.
Selon Une histoire du cirque [Livre] / Pascal Jacob, le mutisme obligatoire n’empêchera nullement l’art des clowns de se développer à la même époque, mais au travers d’un univers entièrement construit par le visuel, la gestuelle et le maquillage. Mais il faut souligner, que, jusqu’à 1864 encore – sans que nos sources n’y affirment un lien de cause à effet –, le clown est solitaire, et son apparence correspond à peu près à celle d’un clown blanc d’aujourd’hui :
« Solitaire et victime, il endosse d’abord la panoplie du souffre-douleur et devient celui qui reçoit des gifles, le « Môssieur clown » dont on se moque, l’éternel fâcheux, maladroit et pitoyable. Transfuge du personnage de Pierrot, il est l’amoureux transi de l’écuyère [et] comme lui, le clown a le visage fardé, couvert d’un blanc onctueux et lisse, rehaussé d’un peu de carmin et de charbon, le corps perdu dans une ample souquenille qui dissimule ses formes et lui autorise toutes les cabrioles. »
En 1864, le clown acquiert un partenaire, au maquillage et au costume beaucoup plus coloré : l’auguste. A cet égard l’ouvrage Costumes de cirque [Livre] / Serge Airoldi ; photographies de Philippe Salvat contient plusieurs éléments intéressants.
Tout d’abord, pendant des décennies, on dit le clown ET l’auguste sont nettement distingués. Ils vont d’ailleurs peu à peu se développer l’un par rapport à l’autre, par contraste :
« Dès la fin du XIXe siècle, jusque-là personnages solitaires, le clown et l’auguste s’unissent en piste pour constituer des duos, voire des trios, comme par exemple celui des Fratellini. Le clown blanc incarne l’autorité, parfois l’arrogance. Intellectuel, plus calculateur et rusé, il s’oppose à l’auguste, « un ardent marginal », note Pascal Jacob, plus humain, naïf, innocent et extravagant. »
Ajoutons à cela que l’origine la plus probable du rôle de l’auguste est allemande : en 1864 donc, un écuyer anglais du nom de Tom Belling, engagé dans le cirque Renz à Berlin, « trébuche en sortant de la piste où il venait de transporter des accessoires, il provoque un torrent de rires, les spectateurs le rappellent, « auguste, auguste, auguste », comprenez « idiot, idiot, idiot », en argot berlinois ».
Selon le même ouvrage, il est probable que ce soit
L’histoire du cirque est celle d’un art populaire, nomade, en constante évolution, aussi les sources sont souvent lacunaires, raison sans doute des réserves de nos auteurs à affirmer la paternité du nez rouge ; toujours est-il qu’en parcourant deux magnifiques ouvrages consacrés à l’iconographie des clowns, 1 000 clowns, more or less [Livre] : a visuel history of the American clown = die Geschichte des Amerikanischen Clowns in Bildern = L'histoire en images du clown américain / H. Thomas Steele et Clowns de cirque : histoire mondiale des comiques de la piste / Dominique Denis, on se rend compte qu’en matière de gros nez rouge, il y a un avant et un après Albert Fratellini – qu’il ait ou non créé l’accessoire-phare du clown d’aujourd’hui, il lui a au moins donné ses lettres de noblesse.
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Le Cardinal de Richelieu est-il le précurseur des échaliers...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter