Question d'origine :
bonjour, Je possède un exemplaire des 10 décades de Tite Live éditon Froben in folio de 1535, qui est abondamment annoté . Ma question est la suivante . Qui a bien pu faire ses annotations et dans quel but . ? Merci Bien cordialement ; Sylviane
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 29/01/2021 à 12h48
Bonjour,
la librairie Froben (tenue en 1535 par les héritiers de Johann Froben décédé en 1527) qui a réalisé cette édition des décades de Tite-Live en 1535 est connu pour ses éditions humanistes de qualité.
Dans la première moitié du XVIe siècle s'épanouit un mouvement intellectuel, l'humanisme, dont l'un des piliers est la redécouverte, l'analyse et le commentaire des textes antiques. Une édition "humaniste" s'entend de l'édition d'un texte antique, fortement annoté et commenté par des érudits. C'est le cas de votre édition de Tite-Live.
Ces commentaires, réalisés à partir du XVe siècle, portaient souvent sur l'établissement du texte lui-même, et mentionnaient notamment les variantes offertes par les différents manuscrits par lequel le texte était parvenu jusqu'au XVIe siècle. En effet, il faut rappeler que les textes antiques étaient copiées à la main. Les copies de l'époque de Tite-Live (Ier siècle avant et après) sont extrêmement rares, et pour Tite-Live, inexistantes. Les textes des auteurs classiques latins ne nous sont donc parvenus que par des copies manuscrites plus tardives, généralement réalisées dans des monastères chrétiens. Lors de ces copies, des variantes ont pu se développer, la graphie a pu induire d'autres sens de lecture et des modifications de mots, les livres ont parfois été résumés, des passages repris car compris différemment, etc. Quand les érudits des XVe et XVIe siècle redécouvrent ces manuscrits non chrétiens, ils effectuent alors des études sur la graphie, les variantes et donc le sens du texte antique afin de retrouver un texte le plus proche de l'original. Ils ajoutent souvent lors de l'édition des commentaires qui mentionnent les autres possibilités et défendent les choix effectués.
Outre les commentaires sur l'établissement du texte, d'autres commentaires permettaient aussi d'éclaircir pour le lecteur le sens des mots, le contexte de l'écriture, l'explicitation de passages difficiles avec parfois des paraphrases, le contexte de l'écriture du texte (chronologie, contexte politique et culturel, liens avec d'autres oeuvres). Plus rarement, les commentaires permettaient un dialogue entre l'éditeur scientifique et le texte antique.
Ces commentaires sont imprimés en même temps que le texte, soit à la manière d'une glose, autour du texte; soit en notes (dans la marge, en bas de la page, renvoyée en fin de chapitre ou de livre, etc.); soit en introduction ou au contraire après le texte (généralement par chapitre). N'ayant pas pu voir d'exemplaire de votre édition, je ne pourrais pas vous aider à décrire la disposition de ces commentaires. Vous trouverez des exemples dans l'exposition virtuelle réalisée par la bibliothèque de Lyon en partenariat avec l'université de Leipzig : Impressions premières.
Votre édition des Décades est ainsi largement commentée. La notice de la Bibliothèque nationale de France donne le détail des différents commentaires imprimés :
"La 1re partie, précédée des épîtres dédicatoires d'Érasme à Charles Mountjoy, 1531, et de Sigismundus Gelenius à Franciscus Dilphus, comprend les "Annotationes" de Beatus Rhenanus pour les 1re et 3e Décades et celles de S. Gelenius pour la 4e Décade. Les autres parties sont constituées comme dans l'édition précédente. Toutefois la "Chronologia", précédée d'une nouvelle épître dédicatoire et augmentée par son auteur, est encore complétée par celle de Gregorius Haloander ; elle ne comporte pas de pagination. L'Index, différent de celui de l'édition précédente et sans faux titre, porte au titre de départ : "per Nicolaum Episcopium congestus".
Les épîtres d'Erasme à Charles Blount, jeune baron de Mountjoy (1516-1544), ont été édité pour la première fois en préambule de l'édition qu'Erasme avait donné du texte de Tite-Live en 1531, déjà chez Froben. C'est l'édition que la note mentionne comme "l'édition précédente". Cette édition de 1531 est célèbre car c'est la première fois que les 5 premières décades ont été publiées, à partir d'un nouveau manuscrit découvert vers 1530 à Lorsch par Simon Grynaeus, un autre humaniste.
En 1535, Froben propose donc une nouvelle édition du texte, augmentée des commentaires de Beatus Rhenanus, un humaniste alsacien proche des Froben, et de l'humaniste tchèque Sigismond Gelenius. En effet, les humanistes ne considéraient pas l'édition d'Erasme comme définitive et préparaient une édition fortement annotée, bénéficiant pour l'établissement du texte, de nouveaux manuscrits retrouvés, en plus de celui de Lorsch. Les commentaires de cette édition de 1535 portent principalement sur l'établissement du texte (ecdotique).
L'article de Pierre Assenmaker, "Bâle, épicentre de la reconquête de Tite-Live : à propos d'une édition de 1543" paru dans Tite-Live, une histoire de livresTite-Live, une histoire de livres, Namur : 2017, replace cette édition de 1535 et les commentaires de Rhenanus et Gelenius dans leur contexte. Je vous en recommande la lecture.
Cette édition de 1535 fera référence. Cela signifie que le texte établi de cette édition sera considéré comme le plus proche du texte original de Tite-Live. Il sera repris par de nombreux autres libraires jusqu'au début du XVIIe siècle.
A ces commentaires imprimés dans cette édition de 1535 s'ajoutent peut-être dans votre exemplaire des annotations manuscrites, en marge le plus souvent. Elle témoignent de la lecture par un ancien possesseur de votre exemplaire particulier. En l'absence d'information supplémentaire sur l'existence de notes manuscrites, et de marques de possesseurs (ex-libris, reliure aux armes, etc), il m'est impossible d'aller plus loin dans cette direction.
En espérant vous avoir été utile,
Le Fonds ancien
la librairie Froben (tenue en 1535 par les héritiers de Johann Froben décédé en 1527) qui a réalisé cette édition des décades de Tite-Live en 1535 est connu pour ses éditions humanistes de qualité.
Dans la première moitié du XVIe siècle s'épanouit un mouvement intellectuel, l'humanisme, dont l'un des piliers est la redécouverte, l'analyse et le commentaire des textes antiques. Une édition "humaniste" s'entend de l'édition d'un texte antique, fortement annoté et commenté par des érudits. C'est le cas de votre édition de Tite-Live.
Ces commentaires, réalisés à partir du XVe siècle, portaient souvent sur l'établissement du texte lui-même, et mentionnaient notamment les variantes offertes par les différents manuscrits par lequel le texte était parvenu jusqu'au XVIe siècle. En effet, il faut rappeler que les textes antiques étaient copiées à la main. Les copies de l'époque de Tite-Live (Ier siècle avant et après) sont extrêmement rares, et pour Tite-Live, inexistantes. Les textes des auteurs classiques latins ne nous sont donc parvenus que par des copies manuscrites plus tardives, généralement réalisées dans des monastères chrétiens. Lors de ces copies, des variantes ont pu se développer, la graphie a pu induire d'autres sens de lecture et des modifications de mots, les livres ont parfois été résumés, des passages repris car compris différemment, etc. Quand les érudits des XVe et XVIe siècle redécouvrent ces manuscrits non chrétiens, ils effectuent alors des études sur la graphie, les variantes et donc le sens du texte antique afin de retrouver un texte le plus proche de l'original. Ils ajoutent souvent lors de l'édition des commentaires qui mentionnent les autres possibilités et défendent les choix effectués.
Outre les commentaires sur l'établissement du texte, d'autres commentaires permettaient aussi d'éclaircir pour le lecteur le sens des mots, le contexte de l'écriture, l'explicitation de passages difficiles avec parfois des paraphrases, le contexte de l'écriture du texte (chronologie, contexte politique et culturel, liens avec d'autres oeuvres). Plus rarement, les commentaires permettaient un dialogue entre l'éditeur scientifique et le texte antique.
Ces commentaires sont imprimés en même temps que le texte, soit à la manière d'une glose, autour du texte; soit en notes (dans la marge, en bas de la page, renvoyée en fin de chapitre ou de livre, etc.); soit en introduction ou au contraire après le texte (généralement par chapitre). N'ayant pas pu voir d'exemplaire de votre édition, je ne pourrais pas vous aider à décrire la disposition de ces commentaires. Vous trouverez des exemples dans l'exposition virtuelle réalisée par la bibliothèque de Lyon en partenariat avec l'université de Leipzig : Impressions premières.
Votre édition des Décades est ainsi largement commentée. La notice de la Bibliothèque nationale de France donne le détail des différents commentaires imprimés :
"La 1re partie, précédée des épîtres dédicatoires d'Érasme à Charles Mountjoy, 1531, et de Sigismundus Gelenius à Franciscus Dilphus, comprend les "Annotationes" de Beatus Rhenanus pour les 1re et 3e Décades et celles de S. Gelenius pour la 4e Décade. Les autres parties sont constituées comme dans l'édition précédente. Toutefois la "Chronologia", précédée d'une nouvelle épître dédicatoire et augmentée par son auteur, est encore complétée par celle de Gregorius Haloander ; elle ne comporte pas de pagination. L'Index, différent de celui de l'édition précédente et sans faux titre, porte au titre de départ : "per Nicolaum Episcopium congestus".
Les épîtres d'Erasme à Charles Blount, jeune baron de Mountjoy (1516-1544), ont été édité pour la première fois en préambule de l'édition qu'Erasme avait donné du texte de Tite-Live en 1531, déjà chez Froben. C'est l'édition que la note mentionne comme "l'édition précédente". Cette édition de 1531 est célèbre car c'est la première fois que les 5 premières décades ont été publiées, à partir d'un nouveau manuscrit découvert vers 1530 à Lorsch par Simon Grynaeus, un autre humaniste.
En 1535, Froben propose donc une nouvelle édition du texte, augmentée des commentaires de Beatus Rhenanus, un humaniste alsacien proche des Froben, et de l'humaniste tchèque Sigismond Gelenius. En effet, les humanistes ne considéraient pas l'édition d'Erasme comme définitive et préparaient une édition fortement annotée, bénéficiant pour l'établissement du texte, de nouveaux manuscrits retrouvés, en plus de celui de Lorsch. Les commentaires de cette édition de 1535 portent principalement sur l'établissement du texte (ecdotique).
L'article de Pierre Assenmaker, "Bâle, épicentre de la reconquête de Tite-Live : à propos d'une édition de 1543" paru dans Tite-Live, une histoire de livresTite-Live, une histoire de livres, Namur : 2017, replace cette édition de 1535 et les commentaires de Rhenanus et Gelenius dans leur contexte. Je vous en recommande la lecture.
Cette édition de 1535 fera référence. Cela signifie que le texte établi de cette édition sera considéré comme le plus proche du texte original de Tite-Live. Il sera repris par de nombreux autres libraires jusqu'au début du XVIIe siècle.
A ces commentaires imprimés dans cette édition de 1535 s'ajoutent peut-être dans votre exemplaire des annotations manuscrites, en marge le plus souvent. Elle témoignent de la lecture par un ancien possesseur de votre exemplaire particulier. En l'absence d'information supplémentaire sur l'existence de notes manuscrites, et de marques de possesseurs (ex-libris, reliure aux armes, etc), il m'est impossible d'aller plus loin dans cette direction.
En espérant vous avoir été utile,
Le Fonds ancien
Commentaire de
sylvianesueur :
Publié le 29/01/2021 à 16:23
A bml_anc
Bonsoir,
C' est un plaisir de vous lire . Merci pour vos recherches .
Bien Cordialement .
Sylviane Sueur.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 1
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter