Question d'origine :
Bonjour! J’ai lu un article sur l’archevêque Rémi de Reims, qui aurait envoyé une lettre à l’archevêque de Rouen Gui, dans les années 912-914, concernant la conversion des Vikings. J’ai donc essayé de trouver cette lettre, mais je ne sais comment faire. Si vous pouviez me renseigner sur cette lettre, et me dire où la trouver, je vous en serais très reconnaissante ! Bien à vous,
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 23/02/2021 à 10h56
Dans les années 912-914 Guy (ou Gui), l'archevêque de Rouen, a écrit à Hervé, l'archevêque de Reims, pour solliciter son aide. La lettre de Guy a disparu, mais la réponse d’Hervé (860 env.-922) a été conservée. L'archevêque Hervé de Reims a pris l’initiative de consulter le Pape Jean X sur la question délicate de conversion des païens.
Depuis la fin du VIIIe siècle, les Vikings menacent de nombreux sites chrétiens du Nord de l’Europe – monastères, églises, châteaux et villes – qu’ils pillent systématiquement. Les Anglo-Saxons et les Francs s’organisent afin de faire obstacle à ces raids dévastateurs effectués à l’improviste.
La pénétration des Vikings se réalise par vagues et connaît des raisons bien précises. Comme le rappelle Régis Boyer dans son ouvrage « Les Vikings. Histoire et civilisation », éd. Perrin, 2002, ces hommes du Nord, aussi bien Norvégiens, Suédois que Danois, étaient tout d’abord des commerçants qui avaient établi des comptoirs pour échanger avec les indigènes. Parmi les causes principales figurait donc l’élan commercial, activité indispensable pour maintenir la dynamique de leur culture. Le phénomène de centralisation du pouvoir a entraîné, lui aussi, de nombreux départs en exil. Par ailleurs, le climat scandinave étant peu propice à l’agriculture, les Vikings se sont lancés sur les mers pour s’enrichir.
A l’automne 911, le roi des Francs, Charles III le Simple, signe avec Rollon, un chef Viking, le traité de Saint-Clair-sur-Epte. Il permet l’établissement des Vikings en Neustrie en échange de leur protection de ces territoires contre les invasions de ses congénères. Rollon rend hommage à Charles le Simple et comprend que son pouvoir ne sera pas reconnu s’il ne devient pas chrétien.
Le texte du traité ne nous est pas parvenu, mais Dudon de Saint-Quentin, un chroniqueur et historiographe picard du Xe siècle, en a restitué le contenu dans son œuvre « De moribus et actis primorum Normanniae ducum », « Des mœurs et des Actions des premiers Ducs de Normandie ».
La conversion des Normands est relevée dans différents documents, où l’on peut saisir la façon dont elle est perçue ou ressentie et noter une divergence de points de vue des auteurs sur l’attitude à adopter vis-à-vis des problèmes que posent les néophytes. A l’origine de deux pièces, il y a eu, selon toute probabilité, une question que l’archevêque de Rouen Guy a posée à son homologue de Reims, l’archevêque Hervé. Il lui a adressé une lettre pour lui demander que faire face aux Normands qui, après avoir reçu le "rebaptême", et donc après avoir été baptisés à nouveau, se comportaient comme des païens.
Dans son article sur « La conversion des Normands peu après 911. Des reflets contemporains à l’historiographie ultérieure (Xe- XIe siècle), paru dans les Cahiers de la civilisation médiévale, 1981, l’historien du droit Olivier Guillot, précise que l’allusion au « rebaptême » qui distingue la question de Guy destinée à Hervé et que ce dernier rappelle au début de sa lettre, se trouve également dans la question que Hervé avait posée au Pape Jean X, avant de répondre à l’archevêque de Rouen, Guy. La lettre de Hervé à Guy ainsi que la correspondance entre Hervé et le Pape ont été conservées, à la différence de la lettre de l’archevêque de Rouen adressée à son homologue de Reims.
Dans la partie préliminaire de sa réponse à Guy, l’archevêque rémois écrit :
« Comme vous avez demandé à notre humble personne de rechercher dans les divins oracles comment il vous faudrait traiter à l’avenir ceux qui, une fois rebaptisés (sic), ont, tout autant qu’avant le baptême, suivant l’habitude des païens, tels des porcs retournés à leur bourbier, et des chiens à ce qu’ils ont vomi, pris plaisir aux jeux et rites impies des païens… et à l’égard de ceux qui n’ont pas encore mérité de recevoir le baptême… » (Bibl. nat., ms. Lat. 4280 A, fol. 102r°).
Ce passage indigné rédigé avec des propos qu’on peut qualifier de outranciers, est identifié, par l’historien, comme le rappel du contenu de la missive de Guy. Elle en restitue l’esprit et, probablement, une partie des formulations. Par ailleurs, ce fragment se distingue très nettement du reste de la lettre de Hervé qui expose une conception de la conversion toute autre que celle de Guy, étroitement liée et limitée à l’acte même du baptême. Celui-ci, bien qu’essentiel premier pas vers la conversion, n’est qu’une étape d’un long chemin, parsemé d’efforts qui peuvent entraîner des rechutes, selon l’archevêque rémois.
Cette vision est portée par le Pape Jean X. Affligé par tant de violences et de maux qui s’abattent sur les fidèles, étant l’œuvre non seulement de païens, mais aussi de chrétiens, Jean X est animé par la volonté d’accomplir sa vocation de pasteur pour faire grandir ceux qui ont entamé la voie du christianisme.
Un autre historien, chroniqueur et poète de l’époque carolingienne, Flodoard de Reims
(894-966), auteur de Historia Remensis Ecclesiae et d’Annales (919-966), donne également quelques mentions relatives au baptême des Normands, proches de l’an 911, c.a.d. datant du moment où le chroniqueur était proche de l’archevêque Hervé. Il reprend la question de la conversion comme une marche vers la foi qui devient une plante qu’il faut veiller à faire croître.
Il s’agissait donc de problèmes liés à la conversion des Normands dans la correspondance entre l’archevêque de Rouen Guy et l’archevêque de Reims Hervé. L’importance de cette question et des différents aspects, tactiques, politiques, théologiques, aussi bien théoriques que pratiques qu’elles soulevait est soulignée par l’appel au Pape Jean X qui, en tant que chef de l’Eglise, est mis au courant et apporte son conseil aux évêques dans une affaire aussi délicate et de haute portée stratégique.
Plus de onze siècles nous séparent des évènements abordés dans le cadre de cette question et des personnages concernés. Bien que la lettre de l’archevêque Guy ait disparu, nous parvenons aujourd’hui à trouver l’objet de ce document ainsi que certaines formulations qui ont pu être employées par son auteur.
Les documents anciens mentionnés ici sont conservés à la Bibliothèque nationale de France et en partie consultables en ligne sur Gallica. La recherche se poursuit et les interrogations qui l’animent peuvent mener également à Reims, à la Bibliothèque Diocésaine Jean Gerson de Reims ou encore à Rouen ou vers d’autres archives et bibliothèques patrimoniales.
Depuis la fin du VIIIe siècle, les Vikings menacent de nombreux sites chrétiens du Nord de l’Europe – monastères, églises, châteaux et villes – qu’ils pillent systématiquement. Les Anglo-Saxons et les Francs s’organisent afin de faire obstacle à ces raids dévastateurs effectués à l’improviste.
La pénétration des Vikings se réalise par vagues et connaît des raisons bien précises. Comme le rappelle Régis Boyer dans son ouvrage « Les Vikings. Histoire et civilisation », éd. Perrin, 2002, ces hommes du Nord, aussi bien Norvégiens, Suédois que Danois, étaient tout d’abord des commerçants qui avaient établi des comptoirs pour échanger avec les indigènes. Parmi les causes principales figurait donc l’élan commercial, activité indispensable pour maintenir la dynamique de leur culture. Le phénomène de centralisation du pouvoir a entraîné, lui aussi, de nombreux départs en exil. Par ailleurs, le climat scandinave étant peu propice à l’agriculture, les Vikings se sont lancés sur les mers pour s’enrichir.
A l’automne 911, le roi des Francs, Charles III le Simple, signe avec Rollon, un chef Viking, le traité de Saint-Clair-sur-Epte. Il permet l’établissement des Vikings en Neustrie en échange de leur protection de ces territoires contre les invasions de ses congénères. Rollon rend hommage à Charles le Simple et comprend que son pouvoir ne sera pas reconnu s’il ne devient pas chrétien.
Le texte du traité ne nous est pas parvenu, mais Dudon de Saint-Quentin, un chroniqueur et historiographe picard du Xe siècle, en a restitué le contenu dans son œuvre « De moribus et actis primorum Normanniae ducum », « Des mœurs et des Actions des premiers Ducs de Normandie ».
La conversion des Normands est relevée dans différents documents, où l’on peut saisir la façon dont elle est perçue ou ressentie et noter une divergence de points de vue des auteurs sur l’attitude à adopter vis-à-vis des problèmes que posent les néophytes. A l’origine de deux pièces, il y a eu, selon toute probabilité, une question que l’archevêque de Rouen Guy a posée à son homologue de Reims, l’archevêque Hervé. Il lui a adressé une lettre pour lui demander que faire face aux Normands qui, après avoir reçu le "rebaptême", et donc après avoir été baptisés à nouveau, se comportaient comme des païens.
Dans son article sur « La conversion des Normands peu après 911. Des reflets contemporains à l’historiographie ultérieure (Xe- XIe siècle), paru dans les Cahiers de la civilisation médiévale, 1981, l’historien du droit Olivier Guillot, précise que l’allusion au « rebaptême » qui distingue la question de Guy destinée à Hervé et que ce dernier rappelle au début de sa lettre, se trouve également dans la question que Hervé avait posée au Pape Jean X, avant de répondre à l’archevêque de Rouen, Guy. La lettre de Hervé à Guy ainsi que la correspondance entre Hervé et le Pape ont été conservées, à la différence de la lettre de l’archevêque de Rouen adressée à son homologue de Reims.
Dans la partie préliminaire de sa réponse à Guy, l’archevêque rémois écrit :
« Comme vous avez demandé à notre humble personne de rechercher dans les divins oracles comment il vous faudrait traiter à l’avenir ceux qui, une fois rebaptisés (sic), ont, tout autant qu’avant le baptême, suivant l’habitude des païens, tels des porcs retournés à leur bourbier, et des chiens à ce qu’ils ont vomi, pris plaisir aux jeux et rites impies des païens… et à l’égard de ceux qui n’ont pas encore mérité de recevoir le baptême… » (Bibl. nat., ms. Lat. 4280 A, fol. 102r°).
Ce passage indigné rédigé avec des propos qu’on peut qualifier de outranciers, est identifié, par l’historien, comme le rappel du contenu de la missive de Guy. Elle en restitue l’esprit et, probablement, une partie des formulations. Par ailleurs, ce fragment se distingue très nettement du reste de la lettre de Hervé qui expose une conception de la conversion toute autre que celle de Guy, étroitement liée et limitée à l’acte même du baptême. Celui-ci, bien qu’essentiel premier pas vers la conversion, n’est qu’une étape d’un long chemin, parsemé d’efforts qui peuvent entraîner des rechutes, selon l’archevêque rémois.
Cette vision est portée par le Pape Jean X. Affligé par tant de violences et de maux qui s’abattent sur les fidèles, étant l’œuvre non seulement de païens, mais aussi de chrétiens, Jean X est animé par la volonté d’accomplir sa vocation de pasteur pour faire grandir ceux qui ont entamé la voie du christianisme.
Un autre historien, chroniqueur et poète de l’époque carolingienne, Flodoard de Reims
(894-966), auteur de Historia Remensis Ecclesiae et d’Annales (919-966), donne également quelques mentions relatives au baptême des Normands, proches de l’an 911, c.a.d. datant du moment où le chroniqueur était proche de l’archevêque Hervé. Il reprend la question de la conversion comme une marche vers la foi qui devient une plante qu’il faut veiller à faire croître.
Il s’agissait donc de problèmes liés à la conversion des Normands dans la correspondance entre l’archevêque de Rouen Guy et l’archevêque de Reims Hervé. L’importance de cette question et des différents aspects, tactiques, politiques, théologiques, aussi bien théoriques que pratiques qu’elles soulevait est soulignée par l’appel au Pape Jean X qui, en tant que chef de l’Eglise, est mis au courant et apporte son conseil aux évêques dans une affaire aussi délicate et de haute portée stratégique.
Plus de onze siècles nous séparent des évènements abordés dans le cadre de cette question et des personnages concernés. Bien que la lettre de l’archevêque Guy ait disparu, nous parvenons aujourd’hui à trouver l’objet de ce document ainsi que certaines formulations qui ont pu être employées par son auteur.
Les documents anciens mentionnés ici sont conservés à la Bibliothèque nationale de France et en partie consultables en ligne sur Gallica. La recherche se poursuit et les interrogations qui l’animent peuvent mener également à Reims, à la Bibliothèque Diocésaine Jean Gerson de Reims ou encore à Rouen ou vers d’autres archives et bibliothèques patrimoniales.
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