Question d'origine :
Bonjour à toutestous, éclectiques bibliothécaires , toujours sur la brèche et ne redoutant aucun effort pour servir la noble cause du savoir . J'ai reçu un courriel montrant des pièces de monnaies romaines à caractères pornographiques destinées, d'après le texte, à payer les services d'un prostituée Je n'ai rien trouvé sur les sites numismatiques C'est un gag, ou est-ce sérieux ? Bien amicalement. Pinous57000
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 24/02/2021 à 15h21
Bonjour,
Si nous ne pouvons présumer de l'authenticité de celles qu'on vous a montrées, l'existence demonnaies pornographiques dans la Rome antique est un fait attesté. Selon le Dictionnaire de numismatique [Livre] / sous la dir. de Michel Amandry ; Michel Dhénin, Michel Popoff, François Thierry, Christophe Vellet, on les appelle spintriae ou tessères spintriennes :
"spintriennes. Nom moderne donné à des tessères [objets servant "de jeton de présence ou d'identité"] romaines de bronze ou d'orichalque sur lesquelles figure au droit une scène érotique de copulation ou de fellation et au revers un chiffre romain de I à XVI. Ces scènes sont au nombre de treize, mais chaque scène n'est pas couplée à l'ensemble des chiffres. Ces tessères ne portent ni légende, ni date, ni indication du lieu de fabrication. Elles datent de l'époque julio-claudienne, probablement du règne de Tibère, mais leur usage reste mystérieux."
Il ne semble pas que l'usage des spintriae soit encore élucidé. Dans un article de 2012, relatant la découverte de spécimens dans la Tamise, le journaliste du Guardian Jonathan Jones semblait tenir pour acquis qu'il s'agissait de "jetons" ou de monnaie à usage exclusif dans les maisons closes permettant de louer les services d'une prostituées - et soulignait au passage l'influence que ces représentations sexuelles eut sur l'art érotique de la Renaissance. Toutefois, un billet du blog La Voie du bitcoin datant de 2014 en fait plutôt une hypothèse :
"Est-ce par respect pour César ou par précaution que l'on y inventa une monnaie affectée, comme nous dirions aujourd'hui ? En tout cas, si le premier bordel semble avoir été athénien (et bon marché) les premiers jetons de maisons closes datent de l'époque romaine. On les appelle tessères spintriennes ou spintriae d'un mot latin désignant la débauche.
Le mot tessera désignait en général un jeton et il en existait de toutes sortes. Dans la ville qui garantissait au petit peuple du pain et des jeux, on distribuait en fait des tesserae de matières et de motifs divers, donnant droit à une entrée dans le Cirque ou à une ration de froment. Je ne dis pas que l'on ait distribué des bons pour une passe, mais l'usage du jeton pour entrer quelque part était bien établi. Effectivement, autant ne pas mettre la figure de César sur cela, même si on se souvient que l'empereur Vespasien se moquait bien de voir sa monnaie transiter par les latrines ! [...]
On voit mal ces jetons servir de monnaie à l'extérieur comme nos tickets restaurants qui sont plus ou moins admis par les épiciers. Cependant leur aspect prend progressivement celui de pièces, avec des chiffres au côté pile."
L'historienne Judith Fraitag affirme sur le forum Quora rapporte qu'"utiliser l'image des empereurs pour payer la fornication était un sacrilège" et qu'on connait "un cas bien documenté d'un cavalier sous Caracalla, qui a été condamné à mort pour avoir apporté une pièce de monnaie avec l'image de l'empereur dans un bordel", avant d'être gracié par l'empereur lui-même - nous vous conseillons au passage - si vous êtes majeur ! - de consulter cette page qui présente une riche iconographie allant du répertoire de positions au pénis ailé.
Dans une étude très riche sur le sujet, "De l’usage de jetons à motifs érotiques : les spintriae romaines", se trouve aux pp.421 à 426 d'un numéro de 2017 du Bulletin de la société française de numismatique, consultable en ligne sur halshs.archives-ouvertes.fr, Marie-Adeline Le Guennec bat en brèche les hypothèses les plus communément admises : d'abord, parce que la dénomination de spintriae ainsi que leur assimilation à la prostitution datent de la Renaissance, où, dans un contexte chrétien, les scènes explicites furent associées à la débauche supposée de l'empereur Tibère, conspué par l'historien romain Suétone ; ensuite, parce qu'aucun de ces jetons n'a été retrouvé dans un contexte particulièrement lié à la prostitution : les Romains n'avaient pas le même rapport que nous à la représentation du sexe, et de telles scènes érotiques pouvaient tout à fait se retrouver comme élément de décoration d'un salon. Selon l'historienne, trois hypothèses quant à l'usage de ces pièces s'affrontent aujourd'hui. Il pourrait s'agir de jetons d'entrée à aux jeux (du cirque), de billets d'accès aux lupanars, ou, et, c'est cette dernière interprétation qui a la préférence de l'autrice, de simplespièces de jeux de société :
"C’est finalement la dernière interprétation, qui voit dans ces jetons des tesserae lusoriae utilisées soitdans le déroulement du jeu proprement dit, soit pour marquer les points , qui apparaît la moins suspecte des trois. Cette hypothèse, originellement avancée par R. Mowat (1898), permet de replacer les spintriae dans un ensemble plus large de jetons à revers numéral qui en partagent les caractéristiques formelles mais qui portent d’autres motifs à l’avers, parmi lesquels les portraits impériaux évoqués supra. L’iconographie érotique n’est d’ailleurs pas sans évoquer le fait que les Romains désignaient un coup de dés ou d’osselets favorable, le Venerium, par une référence à la déesse de l’amour. Le recours à des jetons de séries distinctes aurait permis de distinguer les joueurs. En conservant l’idée d’une émission par les ateliers monétaires impériaux, on pourrait alors imaginer que ces jetons étaient distribués lors de fêtes publiques, peut-être les cérémonies de triomphe impérial, ce dont témoignerait la couronne de laurier : cette suggestion expliquerait leur présence dans des contextes provinciaux, en lien avec la circulation des légions. Cette hypothèse semble corroborée par la découverte de différents accessoires de jeu dans la tombe de Mutina où a été mise au jour une copie artisanale de spintria . S’il s’agissait de jetons destinés à pratiquer un jeu précis, on n’en a toutefois conservé de manière assurée ni le nom, ni les règles."
Bonne journée.
Si nous ne pouvons présumer de l'authenticité de celles qu'on vous a montrées, l'existence de
"
Il ne semble pas que l'usage des spintriae soit encore élucidé. Dans un article de 2012, relatant la découverte de spécimens dans la Tamise, le journaliste du Guardian Jonathan Jones semblait tenir pour acquis qu'il s'agissait de "jetons" ou de monnaie à usage exclusif dans les maisons closes permettant de louer les services d'une prostituées - et soulignait au passage l'influence que ces représentations sexuelles eut sur l'art érotique de la Renaissance. Toutefois, un billet du blog La Voie du bitcoin datant de 2014 en fait plutôt une hypothèse :
"Est-ce par respect pour César ou par précaution que l'on y inventa une monnaie affectée, comme nous dirions aujourd'hui ? En tout cas, si le premier bordel semble avoir été athénien (et bon marché) les premiers jetons de maisons closes datent de l'époque romaine. On les appelle tessères spintriennes ou spintriae d'un mot latin désignant la débauche.
Le mot tessera désignait en général un jeton et il en existait de toutes sortes. Dans la ville qui garantissait au petit peuple du pain et des jeux, on distribuait en fait des tesserae de matières et de motifs divers, donnant droit à une entrée dans le Cirque ou à une ration de froment. Je ne dis pas que l'on ait distribué des bons pour une passe, mais l'usage du jeton pour entrer quelque part était bien établi. Effectivement, autant ne pas mettre la figure de César sur cela, même si on se souvient que l'empereur Vespasien se moquait bien de voir sa monnaie transiter par les latrines ! [...]
On voit mal ces jetons servir de monnaie à l'extérieur comme nos tickets restaurants qui sont plus ou moins admis par les épiciers. Cependant leur aspect prend progressivement celui de pièces, avec des chiffres au côté pile."
L'historienne Judith Fraitag affirme sur le forum Quora rapporte qu'"utiliser l'image des empereurs pour payer la fornication était un sacrilège" et qu'on connait "un cas bien documenté d'un cavalier sous Caracalla, qui a été condamné à mort pour avoir apporté une pièce de monnaie avec l'image de l'empereur dans un bordel", avant d'être gracié par l'empereur lui-même - nous vous conseillons au passage - si vous êtes majeur ! - de consulter cette page qui présente une riche iconographie allant du répertoire de positions au pénis ailé.
Dans une étude très riche sur le sujet, "De l’usage de jetons à motifs érotiques : les spintriae romaines", se trouve aux pp.421 à 426 d'un numéro de 2017 du Bulletin de la société française de numismatique, consultable en ligne sur halshs.archives-ouvertes.fr, Marie-Adeline Le Guennec bat en brèche les hypothèses les plus communément admises : d'abord, parce que la dénomination de spintriae ainsi que leur assimilation à la prostitution datent de la Renaissance, où, dans un contexte chrétien, les scènes explicites furent associées à la débauche supposée de l'empereur Tibère, conspué par l'historien romain Suétone ; ensuite, parce qu'aucun de ces jetons n'a été retrouvé dans un contexte particulièrement lié à la prostitution : les Romains n'avaient pas le même rapport que nous à la représentation du sexe, et de telles scènes érotiques pouvaient tout à fait se retrouver comme élément de décoration d'un salon. Selon l'historienne, trois hypothèses quant à l'usage de ces pièces s'affrontent aujourd'hui. Il pourrait s'agir de jetons d'entrée à aux jeux (du cirque), de billets d'accès aux lupanars, ou, et, c'est cette dernière interprétation qui a la préférence de l'autrice, de simples
"C’est finalement la dernière interprétation, qui voit dans ces jetons des tesserae lusoriae utilisées soit
Bonne journée.
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