Question d'origine :
Peut on rêver d'un monde sans conflit? avec un aspect philosophique et science politique.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 02/06/2021 à 09h53
Bonjour,
Un monde sans conflit, perpétuellement en paix, est un très vieux rêve philosophique. Au XVIe siècle, au moment où se construisent les Etats modernes, cette question de philosophie politique est largement abordée par les penseurs humanistes.
Dans le Dictionnaire des Utopies, Marc Belissa rappelle que : « les premiers textes sur la paix perpétuelles sont inspirés […] par la dénonciation humaniste des horreurs de la guerre et de la colonisation de l’Amérique (Erasme, Querella pacis, 1517). Au siècle suivant, cette réflexion se transforme : elle s’ouvre aux préoccupations économiques […] ou plus strictement juridiques (Grotius, le Droit de la guerre et de la paix, 1625). Des hommes d’Etat […], des réformateurs comme William Penn se préoccupent également de la construction de la paix (Essai sur la paix présente et future de l’Europe, 1693). Le fil conducteur de ces projets est une conception diplomatique de l’organisation de la paix. Il s’agit de créer une sorte de Congrès permanent des souverains auquel les princes remettraient un droit d’arbitrage, et de circonscrire les causes de la guerre en fixant les frontières des Etats, l’ordre des successions dynastiques, ou en restreignant le pouvoir de déclarer la guerre ».
Un des projets de paix perpétuelle le plus abouti est sans nul doute celui du philosophe Emmanuel Kant, au XVIIIe siècle. Dès 1784, dans son Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, il affirme que le « dessein de la nature » porte l’humanité vers une constitution cosmopolitique qui garantirait la paix. Il va approfondir cette idée de monde sans conflit avec le Projet de paix perpétuelle en 1795 dans lequel il va, en quelques articles, poser les fondements d’une régulation des affrontements. Il y rappelle préalablement que « L’état de paix parmi les hommes vivant les uns à côté des autres n’est pas un état de nature, lequel est bien plutôt un état de guerre, sinon toujours déclarée, du moins toujours menaçante. Il a donc besoin d’être établi ».
Parmi les articles qui composent ce texte fondateur, on trouve plusieurs recommandations qui nourrissent encore les réflexions sur le droit international :
- « Les armées permanentes (miles perpetuus) doivent entièrement disparaître avec le temps »
- « Aucun Etat ne doit s’immiscer de force dans la constitution et le gouvernement d’un autre Etat ».
- « La constitution civile de chaque état doit être républicaine ».
- « Le droit cosmopolitique doit se borner aux conditions d’une hospitalité universelle. Ici comme dans les articles précédents, il ne s’agit pas de philanthropie, mais de droit et, en ce sens, “hospitalité” signifie le droit qu’a tout étranger de ne pas être traité en ennemi dans le pays où il arrive ».
Dans un article de L’histoire d’août 2002, J.-M. Gaillard note que cette idée de paix perpétuelle s’est sensiblement éloignée depuis un siècle et demi et que l’enjeu mondial semble davantage de « limiter les dégâts de conflits, favoriser les règlements pacifiques ».
Selon lui « acquise à la philosophie des Lumières et des droits de l’Homme […], l’Europe rêve d’une monde sans violence. Enivrée néanmoins par le nationalisme et par le colonialisme où la poussent ses intérêts économiques et ses ambitions civilisatrices, elle ne cesse de recourir à la force. Or comment atténuer cette schizophrénie si ce n’est en mettant du droit et de la raison dans l’acte barbare par excellence qu’est la guerre ? ».
L’article évoque ensuite quelques temps forts dans ce processus de pacification, porté par des lois ou des institutions.
Naissance de la Croix Rouge en 1864, la Société des Nations interdit les guerres d’agression en 1920 (règle qui fera long feu !), 1945, naissance de l’ONU.
La création de l’Organisation des Nations Unies est un moment important dans la règlement international face aux conflits car dans la « charte des Nations unies signée à San Francisco le 26 juin 1945 […] les Etats se voient interdire “le recours à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou contre l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies” (article 264) ». L’ONU, dès le préambule de son texte fondateur, porte en elle ce rêve de monde sans conflit : « Nous, peuples des nations unies résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances… ».
Pour J.-M. Gaillard, il aura fallu le 20e siècle et ses « déchaînements de violence pour que renaisse le vieux rêve des philosophes et des penseurs d’internationaliser le règne du droit pour éradiquer peu à peu la barbarie ; pour que ce rêve commence à prendre forme, même si nous n’en sommes sans doute qu’à la préhistoire d’une utopie porteuse de sens : celle d’un monde d’où serait bannie la violence militaire ».
Selon le psychologue Steven Pinker, cette marche vers un monde en paix est en cours. Ce dernier, compilant des milliers d’études de statistiques, fait le constat d’une diminution continue de la violence, malgré des soubresauts réguliers.
Interrogé par Libération en 2017, il précise : « Certes, mais il y a parfois, dans l’histoire, des rechutes, des retours en arrière. Cela ne contredit pas l’évolution globale. Depuis 1945, la tendance historique à la décroissance des pertes pour cause de guerre a repris son cours, comme avant 1914. Et si on considère non le nombre absolu des morts pendant les deux Guerres mondiales, mais leur proportion par rapport à la population, on a connu des périodes plus violentes, où les pertes étaient en proportion supérieures. Par exemple pendant les invasions mongoles de Gengis Khan ou de Tamerlan, pendant les guerres de religion en Europe ou encore lors de la chute de la dynastie Ming en Chine. La conquête de l’Asie par Gengis Khan a provoqué en proportion autant de morts, sinon plus, que les exactions nazies. Les guerres et les génocides ont émaillé l’histoire de l’humanité depuis l’origine. Mais leur fréquence tend à se réduire. Ce qui est clair, en tout cas, c’est que la violence guerrière a diminué de manière spectaculaire depuis 1945 ».
Cependant, une question centrale demeure : on peut certes rêver d’un monde sans conflit, et on l’a vu, ce rêve est ancien et il est encore aujourd’hui actif, mais doit-on rêver d’un monde sans conflit ? Est-ce un horizon qu’il faut réellement souhaiter ?
Dans son Cours particulier de philosophie, Laurence Hansen-Løve répond clairement par la négative : « un monde humain sans affrontement n’est donc ni souhaitable ni possible ni pensable. Il n’est pas souhaitable car un ordre théoriquement non violent n’est réalisable qu’au prix d’une immense violence exercée contre tous ses adversaires réels ou imaginaires, contradiction suffisante pour disqualifier un tel projet. Il n’est pas possible car la vie implique la lutte et le conflit : un monde sans affrontement ne peut être qu’une configuration immobile, l’élan vital étant par nature porteur d’instabilité de discordance et de violences ».
Par ailleurs, la guerre n’est pas le destin inexorable de tout conflit. En Grèce antique, « la “solution” […] repose sur le projet de transformer le polemos (la lutte, le conflit) et l’hostilité en combats loyaux, voire, dans la version la plus doute, en “polémique” c’est-à-dire en combats non violents comme l’étaient par exemple les joutes oratoires dans lesquelles les Grecs s’affrontaient avec des arguments pour seules armes […] ». Citant Hannah Arendt, Laurence Hansen-Løve ajoute que «[i] tout se passe comme si les Grecs avaient séparé le combat […] de la sphère militaire […] pour le transformer en composante faisant partie intégrante de la polis et du politique ».
Mieux encore, le philosophe et sociologue Georg Simmel (1858-1918) affirme dans le Conflit que ce dernier n’a pas que des effets délétères. Il signale, dès l’orée de son livre que : « Si toute interaction entre les hommes est une socialisation, alors le conflit [...] doit absolument être considéré comme une socialisation. Dans les faits, ce sont les causes du conflit : la haine et l’envie, la misère et la convoitise, qui sont véritablement l’élément de dissociation. Une fois que le conflit a éclaté pour l’une de ces raisons, il est en fait un mouvement de protection contre le dualisme qui sépare, et une voie qui mènera à une sorte d’unité, quelle qu’elle soit, même si elle passe par la destruction de l’une des parties ».
Enfin, parmi les penseurs de la science politique actuels, certains soutiennent même la nécessité de développer une démocratie agonistique. Dans le très informé Dictionnaire de la participation, Samuel Hayat indique que cette forme de démocratie constitue « un cadre théorique spécifique pour décrire et promouvoir différentes formes de participation politique, alternatif au cadre aujourd’hui largement dominant, celui de la démocratie délibérative ».
Une des tenantes de cette perspective, la philosophe Chantal Mouffe, explique ainsi son point de vue dans l'article « politique et agonisme » : « je voudrais suggérer que cette incapacité à rendre compte de la nature de la décision politique chez les auteurs que je viens d’examiner [Arendt, Honig, Connolly] est liée à la façon dont ils conçoivent le politique en tant qu’agir en commun et dont ils envisagent le pluralisme sous le mode de valorisation de la multiplicité. C’est cela qui les conduit à éluder le rôle constitutif du conflit et de l’antagonisme. L’autre vision du politique, au contraire, celle dans laquelle s’inscrit mon travail, reconnaît le caractère constitutif de la division sociale et l’impossibilité d’une réconciliation finale. Les deux conceptions affirment que dans la démocratie moderne le peuple ne peut plus être considéré comme « un ». Mais alors que dans la première perspective il est vu comme « multiple », dans la seconde il est appréhendé comme « divisé ». J’affirme donc qu’il n’est possible de penser de manière proprement politique que lorsque la division et l’antagonisme sont reconnus comme indéracinables ».
Loin donc de chercher à supprimer le conflit, Chantal Mouffe en fait, comme d’autres avant elle, un élément immuable des sociétés humaines ; la question est alors toujours de savoir comment instruire ce conflit.
Pour aller plus loin :
La Paix de Jean-Claude Carrière, chez Odile Jacob
La paix demain ? de Frédérico Mayor, chez Flammarion
Agonistique : penser politiquement le monde, de Chantal Mouffe, aux éditions des Beaux arts de Paris
Un monde sans conflit, perpétuellement en paix, est un très vieux rêve philosophique. Au XVIe siècle, au moment où se construisent les Etats modernes, cette question de philosophie politique est largement abordée par les penseurs humanistes.
Dans le Dictionnaire des Utopies, Marc Belissa rappelle que : « les premiers textes sur la paix perpétuelles sont inspirés […] par la dénonciation humaniste des horreurs de la guerre et de la colonisation de l’Amérique (Erasme, Querella pacis, 1517). Au siècle suivant, cette réflexion se transforme : elle s’ouvre aux préoccupations économiques […] ou plus strictement juridiques (Grotius, le Droit de la guerre et de la paix, 1625). Des hommes d’Etat […], des réformateurs comme William Penn se préoccupent également de la construction de la paix (Essai sur la paix présente et future de l’Europe, 1693). Le fil conducteur de ces projets est une conception diplomatique de l’organisation de la paix. Il s’agit de créer une sorte de Congrès permanent des souverains auquel les princes remettraient un droit d’arbitrage, et de circonscrire les causes de la guerre en fixant les frontières des Etats, l’ordre des successions dynastiques, ou en restreignant le pouvoir de déclarer la guerre ».
Un des projets de paix perpétuelle le plus abouti est sans nul doute celui du philosophe Emmanuel Kant, au XVIIIe siècle. Dès 1784, dans son Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, il affirme que le « dessein de la nature » porte l’humanité vers une constitution cosmopolitique qui garantirait la paix. Il va approfondir cette idée de monde sans conflit avec le Projet de paix perpétuelle en 1795 dans lequel il va, en quelques articles, poser les fondements d’une régulation des affrontements. Il y rappelle préalablement que « L’état de paix parmi les hommes vivant les uns à côté des autres n’est pas un état de nature, lequel est bien plutôt un état de guerre, sinon toujours déclarée, du moins toujours menaçante. Il a donc besoin d’être établi ».
Parmi les articles qui composent ce texte fondateur, on trouve plusieurs recommandations qui nourrissent encore les réflexions sur le droit international :
- « Les armées permanentes (miles perpetuus) doivent entièrement disparaître avec le temps »
- « Aucun Etat ne doit s’immiscer de force dans la constitution et le gouvernement d’un autre Etat ».
- « La constitution civile de chaque état doit être républicaine ».
- « Le droit cosmopolitique doit se borner aux conditions d’une hospitalité universelle. Ici comme dans les articles précédents, il ne s’agit pas de philanthropie, mais de droit et, en ce sens, “hospitalité” signifie le droit qu’a tout étranger de ne pas être traité en ennemi dans le pays où il arrive ».
Dans un article de L’histoire d’août 2002, J.-M. Gaillard note que cette idée de paix perpétuelle s’est sensiblement éloignée depuis un siècle et demi et que l’enjeu mondial semble davantage de « limiter les dégâts de conflits, favoriser les règlements pacifiques ».
Selon lui « acquise à la philosophie des Lumières et des droits de l’Homme […], l’Europe rêve d’une monde sans violence. Enivrée néanmoins par le nationalisme et par le colonialisme où la poussent ses intérêts économiques et ses ambitions civilisatrices, elle ne cesse de recourir à la force. Or comment atténuer cette schizophrénie si ce n’est en mettant du droit et de la raison dans l’acte barbare par excellence qu’est la guerre ? ».
L’article évoque ensuite quelques temps forts dans ce processus de pacification, porté par des lois ou des institutions.
Naissance de la Croix Rouge en 1864, la Société des Nations interdit les guerres d’agression en 1920 (règle qui fera long feu !), 1945, naissance de l’ONU.
La création de l’Organisation des Nations Unies est un moment important dans la règlement international face aux conflits car dans la « charte des Nations unies signée à San Francisco le 26 juin 1945 […] les Etats se voient interdire “le recours à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou contre l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies” (article 264) ». L’ONU, dès le préambule de son texte fondateur, porte en elle ce rêve de monde sans conflit : « Nous, peuples des nations unies résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances… ».
Pour J.-M. Gaillard, il aura fallu le 20e siècle et ses « déchaînements de violence pour que renaisse le vieux rêve des philosophes et des penseurs d’internationaliser le règne du droit pour éradiquer peu à peu la barbarie ; pour que ce rêve commence à prendre forme, même si nous n’en sommes sans doute qu’à la préhistoire d’une utopie porteuse de sens : celle d’un monde d’où serait bannie la violence militaire ».
Selon le psychologue Steven Pinker, cette marche vers un monde en paix est en cours. Ce dernier, compilant des milliers d’études de statistiques, fait le constat d’une diminution continue de la violence, malgré des soubresauts réguliers.
Interrogé par Libération en 2017, il précise : « Certes, mais il y a parfois, dans l’histoire, des rechutes, des retours en arrière. Cela ne contredit pas l’évolution globale. Depuis 1945, la tendance historique à la décroissance des pertes pour cause de guerre a repris son cours, comme avant 1914. Et si on considère non le nombre absolu des morts pendant les deux Guerres mondiales, mais leur proportion par rapport à la population, on a connu des périodes plus violentes, où les pertes étaient en proportion supérieures. Par exemple pendant les invasions mongoles de Gengis Khan ou de Tamerlan, pendant les guerres de religion en Europe ou encore lors de la chute de la dynastie Ming en Chine. La conquête de l’Asie par Gengis Khan a provoqué en proportion autant de morts, sinon plus, que les exactions nazies. Les guerres et les génocides ont émaillé l’histoire de l’humanité depuis l’origine. Mais leur fréquence tend à se réduire. Ce qui est clair, en tout cas, c’est que la violence guerrière a diminué de manière spectaculaire depuis 1945 ».
Cependant, une question centrale demeure : on peut certes rêver d’un monde sans conflit, et on l’a vu, ce rêve est ancien et il est encore aujourd’hui actif, mais doit-on rêver d’un monde sans conflit ? Est-ce un horizon qu’il faut réellement souhaiter ?
Dans son Cours particulier de philosophie, Laurence Hansen-Løve répond clairement par la négative : « un monde humain sans affrontement n’est donc ni souhaitable ni possible ni pensable. Il n’est pas souhaitable car un ordre théoriquement non violent n’est réalisable qu’au prix d’une immense violence exercée contre tous ses adversaires réels ou imaginaires, contradiction suffisante pour disqualifier un tel projet. Il n’est pas possible car la vie implique la lutte et le conflit : un monde sans affrontement ne peut être qu’une configuration immobile, l’élan vital étant par nature porteur d’instabilité de discordance et de violences ».
Par ailleurs, la guerre n’est pas le destin inexorable de tout conflit. En Grèce antique, « la “solution” […] repose sur le projet de transformer le polemos (la lutte, le conflit) et l’hostilité en combats loyaux, voire, dans la version la plus doute, en “polémique” c’est-à-dire en combats non violents comme l’étaient par exemple les joutes oratoires dans lesquelles les Grecs s’affrontaient avec des arguments pour seules armes […] ». Citant Hannah Arendt, Laurence Hansen-Løve ajoute que «[i] tout se passe comme si les Grecs avaient séparé le combat […] de la sphère militaire […] pour le transformer en composante faisant partie intégrante de la polis et du politique ».
Mieux encore, le philosophe et sociologue Georg Simmel (1858-1918) affirme dans le Conflit que ce dernier n’a pas que des effets délétères. Il signale, dès l’orée de son livre que : « Si toute interaction entre les hommes est une socialisation, alors le conflit [...] doit absolument être considéré comme une socialisation. Dans les faits, ce sont les causes du conflit : la haine et l’envie, la misère et la convoitise, qui sont véritablement l’élément de dissociation. Une fois que le conflit a éclaté pour l’une de ces raisons, il est en fait un mouvement de protection contre le dualisme qui sépare, et une voie qui mènera à une sorte d’unité, quelle qu’elle soit, même si elle passe par la destruction de l’une des parties ».
Enfin, parmi les penseurs de la science politique actuels, certains soutiennent même la nécessité de développer une démocratie agonistique. Dans le très informé Dictionnaire de la participation, Samuel Hayat indique que cette forme de démocratie constitue « un cadre théorique spécifique pour décrire et promouvoir différentes formes de participation politique, alternatif au cadre aujourd’hui largement dominant, celui de la démocratie délibérative ».
Une des tenantes de cette perspective, la philosophe Chantal Mouffe, explique ainsi son point de vue dans l'article « politique et agonisme » : « je voudrais suggérer que cette incapacité à rendre compte de la nature de la décision politique chez les auteurs que je viens d’examiner [Arendt, Honig, Connolly] est liée à la façon dont ils conçoivent le politique en tant qu’agir en commun et dont ils envisagent le pluralisme sous le mode de valorisation de la multiplicité. C’est cela qui les conduit à éluder le rôle constitutif du conflit et de l’antagonisme. L’autre vision du politique, au contraire, celle dans laquelle s’inscrit mon travail, reconnaît le caractère constitutif de la division sociale et l’impossibilité d’une réconciliation finale. Les deux conceptions affirment que dans la démocratie moderne le peuple ne peut plus être considéré comme « un ». Mais alors que dans la première perspective il est vu comme « multiple », dans la seconde il est appréhendé comme « divisé ». J’affirme donc qu’il n’est possible de penser de manière proprement politique que lorsque la division et l’antagonisme sont reconnus comme indéracinables ».
Loin donc de chercher à supprimer le conflit, Chantal Mouffe en fait, comme d’autres avant elle, un élément immuable des sociétés humaines ; la question est alors toujours de savoir comment instruire ce conflit.
La Paix de Jean-Claude Carrière, chez Odile Jacob
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