Question d'origine :
Bonjour, Nous avons eu vent d'un fait divers qui s'est déroulé dans un lieu que nous avons visité il y a peu : la Grange Rouge à Geruge. Malgré toutes nos recherches sûr internet, aucune information trouvables. Pourriez vous nous donner les faits qui se sont déroulés dans ce lieu ? En vous remerciant
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 19/08/2021 à 16h15
Bonjour,
Nous avons trouvé peu de sources évoquant Geruge, et vous donnez très peu de détails... Le fait divers que vous cherchez date-t-il du XVIIe siècle ?
Si tel est le cas, il pourrait être lié à la figure controversée deClaude Prost dit Lacuzon , ou Lacuson selon les sources, militaire né en 1607 et mort en 1681. Devenu gouverneur du château d'Arlay, dans le Jura, et se comportant en seigneur local, il fut poursuivi en 1658-59 pour détournement de fonds, débauche, viol meurtre... et fut mêlé à une affaire de sorcellerie assez confuse :
Avant tout, nous devons dévoiler à Geruge une espèce de rendez-vous de sorciers, et dans ce nid de guêpes , la maudite engeance que les adversaires de Lacuson avaient lancée à sa poursuite. Là, est venue s'établir une étrangère, nommée Anatolia Fauconnet : le bruit commun la signale comme adonnée aux maléfices , à telle enseigne qu'elle a, déjà plus d'une fois, fait passer le lait d'une vache dans le pis d'une autre. Là, s'est venu colloquer aussi, vers le même temps, un individu qui n'y est pas en meilleure odeur : c'est le bâtardClaude Rouge , sorti du village d'Echailla, expulsé de tous les lieux où il porte ses pénales vagabonds. Effrayée à son apparition, la peuplade de Geruge l'a chassé et rechassé à plusieurs reprises , sans avoir pu le forcer à déguerpir. Un particulier qui a le plus contrarié son intrusion, en
exigeant qu'il produisît un certificat de bonne vie et moeurs , s'en est déjà repenti : il lui est péri un boeuf, le jour de Noël, et un autre le jour des Innocents, termes de rigueur que s'était prescrits la vengeance du maudit et qu'elle n'a pas en effet outrepassés. La justice seigneuriale a été, dans le temps, informée de ce délit.
Le Rouge a eu d'un premier mariage un enfant qui n'est pas mieux famé que lui. Charlotte est déjà toute grande fille, elle pourrait bien avoir quelque intrigue secrète, car on sait qu'elle est restée un jour ou deux absente de la maison de son maître, sans que l'on ait pu savoir au juste où elle avait passé tout ce temps. De retour au logis, elle a dit effrontément, la menteuse, qu'elle venait de chez son père, chercher une chemise dont elle avait besoin. Mais son consciencieux patron est allé aux informations, et il a appris du père que la fille n'est pas venue à Geruge. Or, la belle enfant, vous n'étiez pas chez votre père, vous n'étiez pas chez votre maître; donc vous étiez au sabbat ! C'est un fait, un fait constaté par le procureur fiscal du baillage qui ne plaisante pas en matière aussi grave. D'ailleurs n'avouez-vous pas vous-même à Denise Perret, votre voisine, que l'on vous mène quelquefois au sabbat, sur les monts de Salins , et que l'on vous y donne à manger du rôti ?
La seconde femme de Claude Rouge est bien digne de cette alliance ; c'est Clauda Patey : elle est fille, petite-fille et peut-être arrière petite-fille de sorciers, car sa race redoutée est, depuis un temps immémorial, entachée de diablerie. Clauda est sorcière, cela va s'en dire. Sorcière est aussi Jeanne, sa soeur; et pourquoi ne le serait-elle pas ? Toutes deux détenues en ce moment, aux conciergeries de Lons-Ie-Saulnier, vont incessamment comparaître devant leurs juges.
Claude Rouge a eu de son second mariage une petite sorcière qui a maintenant sept ans au plus. C'est cette enfant qui raconte dans le village qu'elle est quelquefois portée au sabbat sur un cheval blanc; que l'on s'y amuse bien ; qu'elle y tourne la broche devant le feu, tandis que sa soeur danse sur la pelouse. Vous le voyez , la petite Jeanne n'est guère moins coupable que les réprouvés qui lui ont donné le jour.
Le procureur fiscal dépose encore que , dans le temps où il prenait, au château de Saint-Laurent-la-Roche, des informations contre Clauda Dubois, dite la Guinche, naguères brûlée pour le même crime, il reçut du capitaine Lacuson de certains soupçons qui se portaient sur Claude Rouge et sa famille.
Il m'en coûte un peu de pousser le devoir de ma conscience d'historien jusque là, mais je dois tout avouer : c'est notre zélé capitaine qui a mis la redoutable magistrature du baillage sur la voie; c'est même lui qui a produit plusieurs témoins pour établir la preuve de ce qu'il avance. Après cela soyez donc surpris si tous les loups-garoux d'alentour se sont rués sur lui pour le dévorer !
Aussi ses ennemis secrets, d'un ordre plus élevé , ont-ils conçu d'abord tout le parti que leur habileté perfide pouvait tirer de la circonstance. Voici une déposition que doit trouver précieuse tout lecteur qui n'est par venu jusqu'ici sans prendre quelque intérêt à la vie de notre héros.
Il y a dans cette déclaration, quelque praticienne qu'elle soit par le style, une certaine animation qui n'est pas ordinaire à de pareils actes, de sorte qu'il serait aisé de lui prêter une forme dramatique. La scène se passe à Geruge dans la chambre du four banal, seul gîte où la misère de Claude Rouge ait pu trouver un abri pour lui et les siens. Sa femme est là, devisant avec un voisin, non comme une sorcière sournoise et dissimulée, mais comme une franche commère de village. Tandis que son interlocuteur Vincent chauffe le four, elle lui raconte comme quoi, dans le temps où le procureur général prenait, à Gevingey, des informations secrètes contre le capitaine Lacuson, on y appela Claude Rouge avec sa fille Charlotte ; comme quoi on les récompensa deux fois de leurs peines , en leur mettant de l'argent à la main, et en leur servant à manger ; comment on les a sollicités à déposer que le capitaine avait connu charnellement la jeune Charlotte, en leur persuadant que c'était un moyen de le forcer de donner à l'un une maison et à
l'autre un mari. Quand à Clauda Patey, elle n'est pas assez simple pour ajouter foi à des leurres pareils ; elle rit de la crédulité de son mari, et s'adressant à lui quoique absent, elle s'écrie : « T'as la fiebvre quartenne, mon homme. Oh! comme l'on fera mariage à ta fille ! et comme on va te bailler une maison à Montaigu ! »
Voilà, il faut en convenir, de pauvres sorciers ; et Lacuson aurait bien fait de les laisser tranquillement aller au sabbat !
Enfin la vindicte publique s'apaisa. Sans avoir vu la décision qui intervint, nous reconnaissons par la suite des événements, que cette affaire n'eût pas de plus fâcheuses conséquences.
Ces informations sont de D. Monnier, Tablettes littéraires de l'Ain et du Jura, janvier 1843, lisible sur Gallica.
Si cela ne correspondait pas à votre souvenir, pourriez-vous éventuellement nous préciser des détails sur le faits divers dont nous avez entendu parler, époque, nature, etc ?
Bonne journée.
Nous avons trouvé peu de sources évoquant Geruge, et vous donnez très peu de détails... Le fait divers que vous cherchez date-t-il du XVIIe siècle ?
Si tel est le cas, il pourrait être lié à la figure controversée de
Avant tout, nous devons dévoiler à Geruge une espèce de rendez-vous de sorciers, et dans ce nid de guêpes , la maudite engeance que les adversaires de Lacuson avaient lancée à sa poursuite. Là, est venue s'établir une étrangère, nommée Anatolia Fauconnet : le bruit commun la signale comme adonnée aux maléfices , à telle enseigne qu'elle a, déjà plus d'une fois, fait passer le lait d'une vache dans le pis d'une autre. Là, s'est venu colloquer aussi, vers le même temps, un individu qui n'y est pas en meilleure odeur : c'est le bâtard
exigeant qu'il produisît un certificat de bonne vie et moeurs , s'en est déjà repenti : il lui est péri un boeuf, le jour de Noël, et un autre le jour des Innocents, termes de rigueur que s'était prescrits la vengeance du maudit et qu'elle n'a pas en effet outrepassés. La justice seigneuriale a été, dans le temps, informée de ce délit.
Le Rouge a eu d'un premier mariage un enfant qui n'est pas mieux famé que lui. Charlotte est déjà toute grande fille, elle pourrait bien avoir quelque intrigue secrète, car on sait qu'elle est restée un jour ou deux absente de la maison de son maître, sans que l'on ait pu savoir au juste où elle avait passé tout ce temps. De retour au logis, elle a dit effrontément, la menteuse, qu'elle venait de chez son père, chercher une chemise dont elle avait besoin. Mais son consciencieux patron est allé aux informations, et il a appris du père que la fille n'est pas venue à Geruge. Or, la belle enfant, vous n'étiez pas chez votre père, vous n'étiez pas chez votre maître; donc vous étiez au sabbat ! C'est un fait, un fait constaté par le procureur fiscal du baillage qui ne plaisante pas en matière aussi grave. D'ailleurs n'avouez-vous pas vous-même à Denise Perret, votre voisine, que l'on vous mène quelquefois au sabbat, sur les monts de Salins , et que l'on vous y donne à manger du rôti ?
La seconde femme de Claude Rouge est bien digne de cette alliance ; c'est Clauda Patey : elle est fille, petite-fille et peut-être arrière petite-fille de sorciers, car sa race redoutée est, depuis un temps immémorial, entachée de diablerie. Clauda est sorcière, cela va s'en dire. Sorcière est aussi Jeanne, sa soeur; et pourquoi ne le serait-elle pas ? Toutes deux détenues en ce moment, aux conciergeries de Lons-Ie-Saulnier, vont incessamment comparaître devant leurs juges.
Claude Rouge a eu de son second mariage une petite sorcière qui a maintenant sept ans au plus. C'est cette enfant qui raconte dans le village qu'elle est quelquefois portée au sabbat sur un cheval blanc; que l'on s'y amuse bien ; qu'elle y tourne la broche devant le feu, tandis que sa soeur danse sur la pelouse. Vous le voyez , la petite Jeanne n'est guère moins coupable que les réprouvés qui lui ont donné le jour.
Le procureur fiscal dépose encore que , dans le temps où il prenait, au château de Saint-Laurent-la-Roche, des informations contre Clauda Dubois, dite la Guinche, naguères brûlée pour le même crime, il reçut du capitaine Lacuson de certains soupçons qui se portaient sur Claude Rouge et sa famille.
Il m'en coûte un peu de pousser le devoir de ma conscience d'historien jusque là, mais je dois tout avouer : c'est notre zélé capitaine qui a mis la redoutable magistrature du baillage sur la voie; c'est même lui qui a produit plusieurs témoins pour établir la preuve de ce qu'il avance. Après cela soyez donc surpris si tous les loups-garoux d'alentour se sont rués sur lui pour le dévorer !
Aussi ses ennemis secrets, d'un ordre plus élevé , ont-ils conçu d'abord tout le parti que leur habileté perfide pouvait tirer de la circonstance. Voici une déposition que doit trouver précieuse tout lecteur qui n'est par venu jusqu'ici sans prendre quelque intérêt à la vie de notre héros.
Il y a dans cette déclaration, quelque praticienne qu'elle soit par le style, une certaine animation qui n'est pas ordinaire à de pareils actes, de sorte qu'il serait aisé de lui prêter une forme dramatique. La scène se passe à Geruge dans la chambre du four banal, seul gîte où la misère de Claude Rouge ait pu trouver un abri pour lui et les siens. Sa femme est là, devisant avec un voisin, non comme une sorcière sournoise et dissimulée, mais comme une franche commère de village. Tandis que son interlocuteur Vincent chauffe le four, elle lui raconte comme quoi, dans le temps où le procureur général prenait, à Gevingey, des informations secrètes contre le capitaine Lacuson, on y appela Claude Rouge avec sa fille Charlotte ; comme quoi on les récompensa deux fois de leurs peines , en leur mettant de l'argent à la main, et en leur servant à manger ; comment on les a sollicités à déposer que le capitaine avait connu charnellement la jeune Charlotte, en leur persuadant que c'était un moyen de le forcer de donner à l'un une maison et à
l'autre un mari. Quand à Clauda Patey, elle n'est pas assez simple pour ajouter foi à des leurres pareils ; elle rit de la crédulité de son mari, et s'adressant à lui quoique absent, elle s'écrie : « T'as la fiebvre quartenne, mon homme. Oh! comme l'on fera mariage à ta fille ! et comme on va te bailler une maison à Montaigu ! »
Voilà, il faut en convenir, de pauvres sorciers ; et Lacuson aurait bien fait de les laisser tranquillement aller au sabbat !
Enfin la vindicte publique s'apaisa. Sans avoir vu la décision qui intervint, nous reconnaissons par la suite des événements, que cette affaire n'eût pas de plus fâcheuses conséquences.
Ces informations sont de D. Monnier, Tablettes littéraires de l'Ain et du Jura, janvier 1843, lisible sur Gallica.
Si cela ne correspondait pas à votre souvenir, pourriez-vous éventuellement nous préciser des détails sur le faits divers dont nous avez entendu parler, époque, nature, etc ?
Bonne journée.
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