Question d'origine :
Bonjour, Je m'en retourne à votre expertise pour m'aiguiller sur une problématique. Actuellement élève de terminale, je prépare mon épreuve de grand oral pour le bac qui aura lieu fin juin. Parmi, mes deux questions, il y en a une qui me demande un peu plus de recherche. C'est pourquoi je m'en remets à vous pour avoir quelques pistes afin d'affiner mon travail. La question est la suivante :Comment l'expérience de la folie redessine t'elle les frontières artistiques? Pour l'instant je m'intéresse aux cas de Van Gogh, Camille Claudel ainsi que de l'art brut. Si vous avez des suggestions n'hésitez pas à m'en faire part. Mes spécialités étant Histoire, géographie et sciences politiques et Humanité, littérature et philosophie, j'ai un panel de recherche assez large. Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ma question Belle journée à vous Cannelle26
Réponse du Guichet
Votre question “Comment l'expérience de la folie redessine t-elle les frontières artistiques ?” peut être abordée globalement sur ce que “la folie” fait à l’art, à sa définition et à ses formes plastiques.
Nous ne sommes pas en mesure de vous apporter une réponse développée au format de votre exposé. En revanche, nous vous conseillons ici des références et des axes de recherches a priori pertinents pour cette question.
Cette question nécessite, d’un point de vue méthodologique, de cerner les termes phares de votre question : “folie” et “frontières de l’art”
Dans votre question, la notion de “folie” peut être considérée comme étant la manifestation de troubles psychiatriques, légers, passagers ou profonds et avérés.
Si la définition est relativement aisée, l’attribution de ces troubles à certains artistes restent parfois délicats et il convient de la manipuler avec prudence.
Ici, nous avons circonscrit notre réponse au domaine des beaux arts, excluant la musique et la littérature.
Les frontières artistiques peuvent être définies par un ensemble de normes qui cerclent une définition admise de l’art, tant un large public que par les institutions.
Elles sont évidemment modelées, démodelées ou remodelées selon les époques.
Il convient donc au préalable de s’interroger sur ce que sont les frontières de l’art. Au vu des artistes et du mouvement que vous avez pour l’instant choisi, il est possible de circonscrire ses frontières dans un cadre chronologique précis soit depuis la fin du 19e siècle à nos jours.
Ces exemples sont par ailleurs de bons choix puisqu’ils représentent le domaine de la peinture, celui de la sculpture et un mouvement.
Par ailleurs, il existe un nombre incalculable d’artistes ayant eu des troubles mentaux, légers à lourds.
Cette période a vu se renforcer notamment la notion d’art institutionnel, admis par les musées et autres écoles d’art.
Plusieurs ouvrages permettent d’avoir une approche ontologique de l’art et son évolution, c’est-à-dire de s’intéresser à l’histoire de la pensée esthétique (la philosophie de l’art) :
Esthétique et philosophie de l'art : repères historiques et thématiques / L'Atelier d'esthétique
Qu'est-ce que l'esthétique ? / Marc Jimenez
L'art/ France Farago
Vous pouvez aussi consulter l'article consacré à l'art sur l'Encyclopédia Universalis.
D’une manière générale, sur les liens entre les troubles mentaux et l’art, nous vous conseillons les ouvrages suivants :
La folie de l'artiste : créer au bord de l'abîme : Antonin Artaud, Francis Bacon, Camille Claudel, …
Entre art des fous et art brut : la collection Sainte-Anne
De la maladie à la création/ sous la direction de Nathalie Dumet
Area revue. 24 [Revue] : Art, folie et alentours
Également :
L'art des fous / France Culture
Art et folie, quels liens ? conférence sur les pathologies mentales et comment elles se traduisent dans la création
Très intéressant sur la notion de "folie", sur ce terme remplacé aujourd'hui par des termes plus "scientifiques."
Il serait pertinent de montrer comment le regard sur les pathologies mentales a évolué en parallèle d’une reconnaissance par un certain public de l’art des malades, et inversement.
A écouter : Le destin de la pyschiatrie
A lire :
Histoire de la folie avant la psychiatrie / sous la direction de Boris Cyrulnik & Patrick Lemoine
C’est le cas pour les artistes d’Art Brut que l’on considérait, en tant qu'être humain, comme des "rebus" de la société. Dans ce contexte, toutes créations signées de leurs mains ne pouvaient accéder à aucune considération d’un point de vue artistique.
Il convient également de souligner le rôle très important de théoriciens de l’art qui ont participé à faire évoluer le regard sur ce types d'œuvres d’art.
Par exemple, nous vous conseillons de lire tout l'œuvre de Michel Thévoz, l’un des plus éminents spécialistes de la question.
Il a contribué à définir l’Art Brut comme un art à part entière. Sa défense véloce de l’Art Brut développée dans de nombreux essais a donc participé à redessiner les contours de l’art admis.
Aujourd’hui, Michel Thévoz s’interroge sur la folie dans l’art contemporain, devenue selon lui admise, normée, commercialisée car porteuse d’une certaine dissidence que l’on peut qualifier comme l’un des composant de la définition de l’art de nos jours.
A ce sujet, lire l’excellent essai “ Requiem pour la folie”
Parmi les acteurs majeurs de la défense de cet art, on peut aussi citer l’artiste et théoricien Jean Dubuffet son ouvrage majeur : "Asphyxiante culture”.
L’ Art Brut est sans doute le “mouvement” qui a fait le plus bouger les lignes de la définition admise de l’art et de la culture.
A consulter : le musée d'art brut de Lausanne (Suisse).
Sur Van Gogh, le grand psychiatre Karl Jaspers a étudié sa schizophrénie dans cette “étude philosophique et psychopathologique comparée des liens de ces vies et oeuvres avec la schizophrénie, visant à la compréhension de ce qu'on nomme folie.”
Strinberg et Van Gogh, Swedenborg-Hölderlin : étude psychiatrique comparative / Karl Jaspers
Voir surtout car moins pointu :
Aux confins de la folie, la maladie de Van Gogh
Sur Camille Claudel, l’étude de son œuvre à l’aune de ses troubles psychiatriques est moins visible dans les ouvrages à notre disposition.