Question d'origine :
Bonjour,
Qu'en est-il aujourd'hui de la recherche philosophique sur l'Etre ? Entamé notamment par des philosophes comme Heiddeger ?
Quel penseurs/chercheurs/philosophes/auteurs aujourd'hui est le plus avancée dans le domaine de l'ontologie et de l'être ? Et qui s'inscrit dans la lignée de Heiddeger, de Sartre, etc ?
Merci.
Cordialement.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 01/09/2020 à 10h06
Bonjour,
La question de l’être est autrement appelée ontologie, soit la science qui s’occupe de l’être en général, ou du sens du mot "être" indépendamment des étants particuliers. L’ontologie est une branche de la métaphysique. Elle est au centre de la philosophie deMartin Heidegger . Celui-ci dans son approche tentera de renouveler, ou de « dépasser » à la fois la métaphysique et l’ontologie. «Heidegger a de son côté lancé un thème, celui du dépassement de la métaphysique, lié chez lui à celui de sa destruction. A ses yeux, la métaphysique s’est développée et accomplie sur l’oubli de la « question de l’être », c'est-à-dire : « Qu’en est-il de l’être lui-même ? », remplacée par une question relevant de l’interprétation de l’étant comme par exemple la grande question leibnizienne métaphysique : « Pourquoi y a-t-il de l’étant et non pas rien ? ». Philosophie, 160 notions et concepts
En tant que philosophe de l’être et de l’existence, il est apparenté au courant existentialiste, bien qu’il ait toujours refusé d’y être associé. Il s’inscrit dans la lignée deSøren Kierkegaard et Edmund Husserl , et au côté de Karl Jaspers , Gabriel Marcel , mais aussi de Willard Van Orman Quine .
Dans la continuité d’Heidegger
Emmanuel Levinas (1906-1995) s’est inscrit dans la lignée de Husserl et Heidegger, il a proposé une critique de la pensée heideggérienne sur la question de l’être notamment dans Autrement qu'être ou Au-delà de l'essence. Voir le passage dans l’article de Wikipédia sur la destitution de l’ontologie. Il a notamment influencé Jacques Derrida (1930-2004) et Jean Luc Marion. « Dans le prolongement d'Emmanuel Levinas, il [Jean Luc Marion] entend ainsi montrer que la question de l'être, qui définit de part en part la métaphysique, n'est pas fondamentale, et qu'elle doit être dépassée à la fois par une question éthique redéfinie comme amour, et par la transcendance théologique (cf. Dieu sans l'être). C'est sur ces bases qu'il développe une phénoménologie de l'amour, dans Prolégomènes à la charité (1986) et Le Phénomène érotique (2003). »
L’article Universalis sur l’Ontologie se termine ainsi : "Quelques postheideggériens cherchent un autre nom pour cet au-delà de l'être.Emmanuel Levinas soupçonne que la catégorie d'être a partie liée avec celle de totalité, sous laquelle toute chose est ramenée au « Même », et lui oppose celle d'Infini qui a plus d'affinités avec l'idée de l'« Autre » que chaque visage exemplifie. Michel Henry , de son côté, voit l'idée d'être liée à celle de transcendance, vers quoi on se porte et on se dépasse par effort ; à quoi il oppose l'expérience de passivité, accessible au seul sentiment et plus primitive que celle de l'intentionnalité de l'être. Jacques Derrida , poursuivant le thème de Levinas de la trace de l'être, thème solidaire il est vrai chez ce dernier de sa méditation sur le visage, s'efforce d'en retrouver le principe dans l'écriture, dont l'origine lui paraît refoulée par le règne de la parole ; mais alors c'est le pacte entre être, logos et voix qu'il faut mettre en question et c'est la Différence qu'il faut mettre au-delà de l'Être et du Même. Le paradoxe est que la pensée, qui veut penser au-delà de l'ontologie, se trouve ramenée aux dialogues dans lesquels Platon s'était fait critique de Platon et de l'ontologie."
Bien sûr, comme vous le mentionnez, le courant existentialiste a été marqué parJean Paul Sartre (1905-1980) et son ouvrage L’Etre et le néant : essai d'ontologie phénoménologique, mais d’autres penseurs se sont penchés sur cette question, tout particulièrement à la même époque de Sartre, Maurice Merleau-Ponty (à travers la question du corps notamment et de sa phénoménologie de la perception). Comment Merleau-Ponty renouvelle-t-il l'ontologie de la perception héritée d'Aristote ? / Annick Stevens
Nous pouvons aussi citer :
- Louis Lavelle (1883-1951) voir cet article
- Jan Patočka(1907-1977) Voir L'être et la manifestation – Sur la phénoménologie de Jan Patočka, Renaud Barbaras
- Etienne Gilson (1884-1978), L'Être et l'essence et Constantes philosophiques de l'être
- Hans-Georg Gadamer (1900-2002) (liant être et langage)
- Paul Ricoeur(1913-2005) avec son « herméneutique de l’existence »
- Gilles Deleuze (1925-1995), Deleuze et la question de I'ontologie
- Kosta Axelos(1924-2010)
- André Stanguennec
Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Si l’on en croit Jacques Colette, dans sa conclusion à L’existentialisme, « l’ère de l’exitentialisme est close ». Quant à l’ontologie, elle n’est plus un sujet très en vogue dans la philosophie contemporaine, en tout cas pas comme la traitait Martin Heidegger.
Cependant, parmi les philosophes actuels,Alain Badiou se situe dans la continuité de la pensée d’Heidegger et s’est saisi de cette question, notamment dans L’être et l’événement (qui n’est plus très récent) : « question à laquelle il a consacré des séminaires pour en étudier le traitement chez de grandes figures philosophiques… » S’il s’appuie sur la pensée antique (Platon, Parménide…), il introduit les mathématiques dont il dit « qu’elles seules peuvent dire quelque chose sur ce qu’Aristote nommait « l’être en tant qu’être »». « La mathématique s’intéresse, ou s’agrippe, à la dimension la plus formelle, la plus abstraite, la plus universellement presque vide, de l’être comme tel. » « Les mathématiques sont une partie de la pensée de ce qu’il y a, ce qui est… ». Voir Qui pense quoi, inventaire subjectif des grands penseurs contemporains, André Guigot
Voir notamment parmi les ouvrages d'Alain Badiou :
L'être. 01 : Parménide : figure ontologique
L'être. 02 : Malebranche : figure théologique
L'être. 03 : Heidegger : figure du retrait
Théorie axiomatique du sujet
Deleuze : "la clameur de l'être"
Quelques philosophes proposent des analyses ou approches critiques de la "question de l’être" traitée par Heidegge r :
Françoise Dastur dont voici les ouvrages est une spécialiste de la pensée de Heidegger. Voir cet entretien. Jean-François Courtine a publié cet article La question de l'être aujourd'hui, dans la Revue de métaphysique et de morale 2006/4 (n° 52), où il analyse comment ont été traitées quelques questions ou notions soulevées par Heidegger.
Voir aussi : La question de l'être : Heidegger renversé / Stanley Rosen
Nous vous conseillons la lecture de cet article dans notre magasine L'Influx sur le courant du nouveau réalisme en philosophie, qui aborde la question de l’être en évoquant notamment une ontologie « orientée objets » et dont un des représentants est Graham Harman. « Par son interprétation de l'analyse heideggérienne (en particulier dans Être et temps) de l'outil, Harman cherche à développer ce qu'il appelle une « philosophie de l'objet » (object-oriented philosophy). Considérant l'analyse de l'outil comme le moment philosophique décisif du XXe siècle, Harman trouve dans la pensée de Heidegger les racines d'une « métaphysique des choses », radicalisant l'appel husserlien à « un retour aux choses en tant que choses mêmes ». » article Wikipédia Graham Harman
Voir notamment : Choses en soi, métaphysique du réalisme
Dans l’ouvrage collectif, Métaphysiques contemporaines, l’idée est de requestionner le lien entre métaphysique et ontologie, à travers différents thèmes (logique, science, théologie); l'ouvrage aborde notamment le «déplacement de la question de l’être » (p.7) mais aussi « la question de l’être et la quantification : Quine et après Quine » (p.157).
Dans l’ouvrage Qui pense quoi ? inventaire subjectif des grands penseurs contemporains d’André Guigot (voir ci-dessus), vous pourrez trouver au sein des courants plus actuels où la philosophie se confronte à la question environnementale et au lien de l’homme avec la nature et l’animal, différents philosophes, qui partent de l’œuvre de Heidegger pour ensuite la critiquer et développer leurs pensées. Voir les chapitres sur Elisabeth de Fontenay et Peter Sloterdijk (notamment Règles pour le parc humain; suivi de Domestication de l'être : pour un éclaircissement de la clairière)
Voir aussi :
Après la finitude : essai sur la nécessité de la contingence /Quentin Meillassoux
Notre humanité : d'Aristote aux neurosciences/ Francis Wolff
Si l’on fait un pas de côté et que l’on regarde du côté de l’anthropologie , ce petit livre Être au monde, quelle expérience commune ? est assez intéressant, il met en dialogue deux penseurs fondamentaux contemporains Tim Ingold et Philippe Descola , qui questionnent la manière d’être au monde. Pour Tim Ingold, « l’anthropologie est la philosophie lorsqu’elle prend en compte les gens. Il s’agit bien de philosophie puisqu’elle s’occupe de tout ce qui rend possible et conditionne l’être et le savoir humain dans ce monde unique que nous partageons. » « L'anthropologie a mis au jour que tous les êtres humains n'ont pas la même compréhension du monde ni de ce que signifie être au monde ; parmi ces ontologies, aucune ne surclasse les autres. Existe-t-il alors un point de vue neutre à partir duquel les étudier et les comparer ? »… « Tim Ingold privilégie ainsi les ontogenèses aux ontologies qui, selon lui, ne sont que des philosophies et non des analyses pertinentes de l’évolution du processus de la vie »
Voir aussi notre article Manières d’être au monde, Inventer de nouvelles relations avec la nature et le vivant
BIBLIOGRAPHIE
Les ouvrages d’Heidegger :
Ontologie : herméneutique de la factivité
Méditation aborde la question de l'Etre dans une perspective originale qui s'éloigne du cadre initial de l'ontologie fondamentale et de l'analytique existentiale
Autres références :
Heidegger, pensée de l'être et origine de la subjectivité / Maxence Caron
De l'existentialisme à Heidegger : introduction aux philosophies de l'existence et autres textes/ J. Beaufret
Ontologie / Albert Chapelle
Etre soi-même : une autre histoire de la philosophie / Claude Romano
De l'être / Parménide
La philosophie comme discours systématique : dialogue avec Emmanuel Tourpe sur les fondements d'une théorie des étants, de l'être et de l'absolu/ Lorenz B. Puntel
Question d'être : entre Bible et Heidegger/ Daniel Sibony
L'être et l'écran : comment le numérique change la perception / Stéphane Vial
La question de l’être, introduction à Être et temps, dans la Revue des ressources
Une réponse du Guichet sur la différence entre être et exister
Enfin, vous pouvez tentez une Initiation à l'ontologie de Jean-Claude Van Damme : le concept Aware, la pensée en mouvement / Monsieur Vandermeulen
Bonne réflexion !
La question de l’être est autrement appelée ontologie, soit la science qui s’occupe de l’être en général, ou du sens du mot "être" indépendamment des étants particuliers. L’ontologie est une branche de la métaphysique. Elle est au centre de la philosophie de
En tant que philosophe de l’être et de l’existence, il est apparenté au courant existentialiste, bien qu’il ait toujours refusé d’y être associé. Il s’inscrit dans la lignée de
Emmanuel Levinas (1906-1995) s’est inscrit dans la lignée de Husserl et Heidegger, il a proposé une critique de la pensée heideggérienne sur la question de l’être notamment dans Autrement qu'être ou Au-delà de l'essence. Voir le passage dans l’article de Wikipédia sur la destitution de l’ontologie. Il a notamment influencé Jacques Derrida (1930-2004) et Jean Luc Marion. « Dans le prolongement d'Emmanuel Levinas, il [Jean Luc Marion] entend ainsi montrer que la question de l'être, qui définit de part en part la métaphysique, n'est pas fondamentale, et qu'elle doit être dépassée à la fois par une question éthique redéfinie comme amour, et par la transcendance théologique (cf. Dieu sans l'être). C'est sur ces bases qu'il développe une phénoménologie de l'amour, dans Prolégomènes à la charité (1986) et Le Phénomène érotique (2003). »
L’article Universalis sur l’Ontologie se termine ainsi : "Quelques postheideggériens cherchent un autre nom pour cet au-delà de l'être.
Bien sûr, comme vous le mentionnez, le courant existentialiste a été marqué par
- Louis Lavelle (1883-1951) voir cet article
- Jan Patočka(1907-1977) Voir L'être et la manifestation – Sur la phénoménologie de Jan Patočka, Renaud Barbaras
- Etienne Gilson (1884-1978), L'Être et l'essence et Constantes philosophiques de l'être
- Hans-Georg Gadamer (1900-2002) (liant être et langage)
- Paul Ricoeur(1913-2005) avec son « herméneutique de l’existence »
- Gilles Deleuze (1925-1995), Deleuze et la question de I'ontologie
- Kosta Axelos(1924-2010)
- André Stanguennec
Si l’on en croit Jacques Colette, dans sa conclusion à L’existentialisme, « l’ère de l’exitentialisme est close ». Quant à l’ontologie, elle n’est plus un sujet très en vogue dans la philosophie contemporaine, en tout cas pas comme la traitait Martin Heidegger.
Cependant, parmi les philosophes actuels,
Voir notamment parmi les ouvrages d'Alain Badiou :
L'être. 01 : Parménide : figure ontologique
L'être. 02 : Malebranche : figure théologique
L'être. 03 : Heidegger : figure du retrait
Théorie axiomatique du sujet
Deleuze : "la clameur de l'être"
Voir aussi : La question de l'être : Heidegger renversé / Stanley Rosen
Nous vous conseillons la lecture de cet article dans notre magasine L'Influx sur le courant du nouveau réalisme en philosophie, qui aborde la question de l’être en évoquant notamment une ontologie « orientée objets » et dont un des représentants est Graham Harman. « Par son interprétation de l'analyse heideggérienne (en particulier dans Être et temps) de l'outil, Harman cherche à développer ce qu'il appelle une « philosophie de l'objet » (object-oriented philosophy). Considérant l'analyse de l'outil comme le moment philosophique décisif du XXe siècle, Harman trouve dans la pensée de Heidegger les racines d'une « métaphysique des choses », radicalisant l'appel husserlien à « un retour aux choses en tant que choses mêmes ». » article Wikipédia Graham Harman
Voir notamment : Choses en soi, métaphysique du réalisme
Dans l’ouvrage collectif, Métaphysiques contemporaines, l’idée est de requestionner le lien entre métaphysique et ontologie, à travers différents thèmes (logique, science, théologie); l'ouvrage aborde notamment le «
Dans l’ouvrage Qui pense quoi ? inventaire subjectif des grands penseurs contemporains d’André Guigot (voir ci-dessus), vous pourrez trouver au sein des courants plus actuels où la philosophie se confronte à la question environnementale et au lien de l’homme avec la nature et l’animal, différents philosophes, qui partent de l’œuvre de Heidegger pour ensuite la critiquer et développer leurs pensées. Voir les chapitres sur Elisabeth de Fontenay et Peter Sloterdijk (notamment Règles pour le parc humain; suivi de Domestication de l'être : pour un éclaircissement de la clairière)
Après la finitude : essai sur la nécessité de la contingence /Quentin Meillassoux
Notre humanité : d'Aristote aux neurosciences/ Francis Wolff
Si l’on fait un pas de côté et que l’on regarde du côté de l’
Voir aussi notre article Manières d’être au monde, Inventer de nouvelles relations avec la nature et le vivant
Les ouvrages d’Heidegger :
Ontologie : herméneutique de la factivité
Méditation aborde la question de l'Etre dans une perspective originale qui s'éloigne du cadre initial de l'ontologie fondamentale et de l'analytique existentiale
Autres références :
Heidegger, pensée de l'être et origine de la subjectivité / Maxence Caron
De l'existentialisme à Heidegger : introduction aux philosophies de l'existence et autres textes/ J. Beaufret
Ontologie / Albert Chapelle
Etre soi-même : une autre histoire de la philosophie / Claude Romano
De l'être / Parménide
La philosophie comme discours systématique : dialogue avec Emmanuel Tourpe sur les fondements d'une théorie des étants, de l'être et de l'absolu/ Lorenz B. Puntel
Question d'être : entre Bible et Heidegger/ Daniel Sibony
L'être et l'écran : comment le numérique change la perception / Stéphane Vial
La question de l’être, introduction à Être et temps, dans la Revue des ressources
Une réponse du Guichet sur la différence entre être et exister
Enfin, vous pouvez tentez une Initiation à l'ontologie de Jean-Claude Van Damme : le concept Aware, la pensée en mouvement / Monsieur Vandermeulen
Bonne réflexion !
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