Question d'origine :
Bonjour, Après la lecture d'un livre sur l'hindouisme d'Alain Delaye, je me demande s'il existe des phrases monistes du type "je suis Lui, tu es moi-même" qui permettent des expériences de pensée reliant l'individu conscient de lui-même à un soi transcendant (atman-brahman) ? J'aimerais, si possible, que vous me conseillez des livres voire des documents audiovisuels en accès libre sur le sujet. En vous remerciant Cordialement Julie Martin
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 11/01/2021 à 10h50
Bonjour,
Précisons qu’en raison de la situation sanitaire, nous sommes actuellement en télétravail et ne pouvons pas consulter les documents de la bibliothèque. Pour vous répondre, nous devons nous contenter des ressources disponibles en ligne.
Dans son ouvrage L’Hindouisme, Bernard Baudouin définit lemonisme comme un « système qui considère l’ensemble des choses comme réductible à l’unité. »
Le monisme s’oppose audualisme : « système qui admet la coexistence de deux principes essentiellement irréductibles ».
Dans l’article de l’encyclopédie Universalis consacré à ŚAṄKARA ou ÇAṆKARA (début VIIIe s.), Anne-Marie Esnoul précise que «non-dualisme » est une traduction plus exacte du terme sanskrit advaita que « monisme », « ce dernier terme ayant l'inconvénient d'évoquer des notions trop occidentales qui s'accordent donc mal avec l'atmosphère où se meut la pensée indienne ».
Toujours d’après cet article, «maître Śaṅkara », premier grand commentateur des Vedānta ou Brahma Sūtra de Bādarāyaṅa, « n'admet qu'un seul Principe, le Brahman absolu des Upaniṣad, défini par lui comme sat (existence), cit (conscience) et ānanda (béatitude). Cet Absolu est incommensurable, éternel, indicible et insécable, dépassant infiniment ses manifestations partielles, les dieux du panthéon brahmanique, Śiva y compris. On nous donne bien ce dernier comme la divinité d'élection (iṣṭā devatā) de Śaṅkara, mais ce ne peut être que sur un plan inférieur et limité. »
Voici également un extrait de l’article de Jean Filliozat à propos de l’Advaita :
«L'advaita , dont le nom signifie « non-dualité », est une des doctrines majeures de la philosophie indienne, et la forme la plus répandue de la philosophie dite Vedānta, aboutissement du Savoir par excellence . Les advaitavạ̄din sont ceux qui professent la doctrine selon laquelle il n'existe en vérité absolue qu'un seul Être, infini et éternel, sur la réalité foncière duquel reposent toutes les réalités manifestées dans l'univers. Cet Être s'appelle Brahman (nom neutre) ou Paramātman, « soi-même suprême ». Le soi-même (ātman) de l'homme, c'est-à-dire sa réalité essentielle – qu'on doit distinguer du sentiment du moi (ahaṅkāra), notion inférieure parce que limitée à l'existence empirique temporelle – n'est autre que le Paramātman. Il en est de son incorporation dans la condition humaine comme de celle de l'eau de l'océan dans une cruche qui s'y trouve plongée : quoique délimitée temporairement par les parois, l'eau de la cruche est toujours celle de l'océan. Par la connaissance (j́ñāna), l'homme découvre que son substrat permanent d'existence est l'Être universel unique et obtient la délivrance (mokṣa) des délimitations de la condition humaine qu'impose l'engagement dans l'ensemble des représentations mondaines multiples et fugaces, prises à tort pour la réalité ultime.
Situation de la doctrine
La doctrine de l'unicité de l'Être universel et de l'identité de soi-même avec cet Être est évoquée par les Upaniṣad, textes fondamentaux de la philosophie brahmanique. Elle est condensée dans une suite d'aphorismes, les Brahmasūtra de Bādarāyaṇa (iiie siècle après J.-C.). Elle est professée par les philosophes commentant et développant les données des Upaniṣad, à partir de Gauḍapāda et expliquant les Brahmasūtra à partir de Śaṅkara (autour de 800 après J.-C.).
La doctrine de l'advaita s'oppose à celle du dvaita, « dualité », qui sépare la réalité de Dieu et celle du monde et qui, dans le Vedānta, est représentée principalement par le philosophe Madhva (xiiie siècle). Elle s'oppose aussi, d'un point de vue strict, à des doctrines de pluralité qui admettent en outre une réalité distincte pour les âmes humaines et pour le monde.
Les conceptions que les diverses écoles philosophiques ont élaborées sur le rapport de l'Être unique avec la multicité des phénomènes font distinguer plusieurs sortes d'advaita.
Absolu et pratique selon Śaṅkara
La forme absolue, n'admettant aucune autre réalité que le Brahman, fait par conséquent du monde une illusion, tel est le kevalādvaita de Śaṅkara. Le monde est un rêve bien lié, affirmation qui s'apparente à certaines doctrines bouddhiques. Śaṅkara enseigne l'unicité de l'Être isolé (kevala), c'est-à-dire existant seul, à part du monde des représentations, éternel et infini, exempt de toute qualification (nirguna) et exempt de toute particularité (nirviśeṣha), à la différence de toutes choses dans l'univers qui, elles, sont limitées par leurs modalités spécifiques et n'ont pas, en elles-mêmes, d'existence propre. Cet « Unique à part » a cependant une essence propre par laquelle il est devenu courant, dans l'école, de le définir comme étant le réel, l'esprit et la béatitude (saccidānanda). Toute l'école fait du monde sensible une fantasmagorie (māyā) inconsistante, qui séduit par l'effet de l'ignorance (avidyā) et qui est produite par un processus extérieur (vivarta). L'individualité vivante (jīva), aveuglée par l'ignorance, se voit des délimitations phénoménales (upādhi) dans un monde fait des représentations qu'elle a elle-même de ce monde. L'individualité psychique, produit des expériences individuelles fallacieuses éprouvées en ce même monde, s'attache à lui et y transmigre de corps en corps, jusqu'à l'acquisition de la connaissance de l'Être unique véritable qui détermine la dissolution de l'individualité phénoménale. Mais, délivré vivant (jīvanmukta), celui qui connaît ce qui appartient au sens suprême (pāramārthika) peut continuer à opérer dans le domaine de la réalité pratique (vyāvahārika). Aussi les maîtres successifs qui ont présidé aux institutions créées par Śaṅkara ont-ils toujours gardé un rôle de guides spirituels et parfois joué un rôle politique (inspirant, par exemple, la fondation au xive siècle de l'empire de Vijayanagar). »
Il cite en bibliographie les documents suivants :
- V. Abhyankar, A Study of Advaita and Visistadvaita, Orient Brook Distr., Livingston, 1988
- B. Gupta, Perceiving in Advaita Vedanta, Bucknell Univ. Press, 1991
- O. Lacombe, L'Absolu selon le Vedânta, Paris, 1937, rééd. Geuthner 1966
- L. Renou, Prolégomènes au Vedânta, Paris, 1951.
Si vous êtes abonné à la BmL ou avez la possibilité de venir à la bibliothèque, vous pourrez également consulter les articles suivants :
- Michel Hulin, « ĀTMAN », Encyclopædia Universalis
- Jean Filliozat, « BRAHMAN & BRĀHMANE », Encyclopædia Universalis
Dans Les maîtres spirituels de l'hindouisme, Alexandre Astier cite les ouvrages suivants à propos de la pensée de Shankara :
Textes
- Louis Renou, Prolégmènes au Vedânta, Adrien-Maisonneuve, 1951
- Michel Hulin, Qu’est-ce que l’ignorance métaphysique, dans la pensée hindoue ?, Vrin, 1994
- Taittirîya-Upanisad avec le commentaire de Samkara par Michel Angot, Collège de France, Institut de Civilisation Indienne, 2007, étude fondamentale.
Etudes
- Michel Hulin, Shankara et la non-dualité, Bayard, 2001
- Eliot Deutsch, Qu’est-ce que l’Advaita Vedanta ?, Les Deux Océans, 1986
- Olivier Lacombe, L’Absolu selon le Védânta : les notions de Brahman et d’Atman dans les systèmes de Cankara et de Râmânoudja, P. Geuthner, 1966.
L’article Wikipedia sur l’Advaïta védanta vous permettra aussi de retrouver plusieurs références bibliographiques sur le sujet.
Bonne journée.
Précisons qu’en raison de la situation sanitaire, nous sommes actuellement en télétravail et ne pouvons pas consulter les documents de la bibliothèque. Pour vous répondre, nous devons nous contenter des ressources disponibles en ligne.
Dans son ouvrage L’Hindouisme, Bernard Baudouin définit le
Le monisme s’oppose au
Dans l’article de l’encyclopédie Universalis consacré à ŚAṄKARA ou ÇAṆKARA (début VIIIe s.), Anne-Marie Esnoul précise que «
Toujours d’après cet article, «
Voici également un extrait de l’article de Jean Filliozat à propos de l’Advaita :
«
La doctrine de l'unicité de l'Être universel et de l'identité de soi-même avec cet Être est évoquée par les Upaniṣad, textes fondamentaux de la philosophie brahmanique. Elle est condensée dans une suite d'aphorismes, les Brahmasūtra de Bādarāyaṇa (iiie siècle après J.-C.). Elle est professée par les philosophes commentant et développant les données des Upaniṣad, à partir de Gauḍapāda et expliquant les Brahmasūtra à partir de Śaṅkara (autour de 800 après J.-C.).
La doctrine de l'advaita s'oppose à celle du dvaita, « dualité », qui sépare la réalité de Dieu et celle du monde et qui, dans le Vedānta, est représentée principalement par le philosophe Madhva (xiiie siècle). Elle s'oppose aussi, d'un point de vue strict, à des doctrines de pluralité qui admettent en outre une réalité distincte pour les âmes humaines et pour le monde.
Les conceptions que les diverses écoles philosophiques ont élaborées sur le rapport de l'Être unique avec la multicité des phénomènes font distinguer plusieurs sortes d'advaita.
La forme absolue, n'admettant aucune autre réalité que le Brahman, fait par conséquent du monde une illusion, tel est le kevalādvaita de Śaṅkara. Le monde est un rêve bien lié, affirmation qui s'apparente à certaines doctrines bouddhiques. Śaṅkara enseigne l'unicité de l'Être isolé (kevala), c'est-à-dire existant seul, à part du monde des représentations, éternel et infini, exempt de toute qualification (nirguna) et exempt de toute particularité (nirviśeṣha), à la différence de toutes choses dans l'univers qui, elles, sont limitées par leurs modalités spécifiques et n'ont pas, en elles-mêmes, d'existence propre. Cet « Unique à part » a cependant une essence propre par laquelle il est devenu courant, dans l'école, de le définir comme étant le réel, l'esprit et la béatitude (saccidānanda). Toute l'école fait du monde sensible une fantasmagorie (māyā) inconsistante, qui séduit par l'effet de l'ignorance (avidyā) et qui est produite par un processus extérieur (vivarta). L'individualité vivante (jīva), aveuglée par l'ignorance, se voit des délimitations phénoménales (upādhi) dans un monde fait des représentations qu'elle a elle-même de ce monde. L'individualité psychique, produit des expériences individuelles fallacieuses éprouvées en ce même monde, s'attache à lui et y transmigre de corps en corps, jusqu'à l'acquisition de la connaissance de l'Être unique véritable qui détermine la dissolution de l'individualité phénoménale. Mais, délivré vivant (jīvanmukta), celui qui connaît ce qui appartient au sens suprême (pāramārthika) peut continuer à opérer dans le domaine de la réalité pratique (vyāvahārika). Aussi les maîtres successifs qui ont présidé aux institutions créées par Śaṅkara ont-ils toujours gardé un rôle de guides spirituels et parfois joué un rôle politique (inspirant, par exemple, la fondation au xive siècle de l'empire de Vijayanagar). »
Il cite en bibliographie les documents suivants :
- V. Abhyankar, A Study of Advaita and Visistadvaita, Orient Brook Distr., Livingston, 1988
- B. Gupta, Perceiving in Advaita Vedanta, Bucknell Univ. Press, 1991
- O. Lacombe, L'Absolu selon le Vedânta, Paris, 1937, rééd. Geuthner 1966
- L. Renou, Prolégomènes au Vedânta, Paris, 1951.
Si vous êtes abonné à la BmL ou avez la possibilité de venir à la bibliothèque, vous pourrez également consulter les articles suivants :
- Michel Hulin, « ĀTMAN », Encyclopædia Universalis
- Jean Filliozat, « BRAHMAN & BRĀHMANE », Encyclopædia Universalis
Dans Les maîtres spirituels de l'hindouisme, Alexandre Astier cite les ouvrages suivants à propos de la pensée de Shankara :
Textes
- Louis Renou, Prolégmènes au Vedânta, Adrien-Maisonneuve, 1951
- Michel Hulin, Qu’est-ce que l’ignorance métaphysique, dans la pensée hindoue ?, Vrin, 1994
- Taittirîya-Upanisad avec le commentaire de Samkara par Michel Angot, Collège de France, Institut de Civilisation Indienne, 2007, étude fondamentale.
Etudes
- Michel Hulin, Shankara et la non-dualité, Bayard, 2001
- Eliot Deutsch, Qu’est-ce que l’Advaita Vedanta ?, Les Deux Océans, 1986
- Olivier Lacombe, L’Absolu selon le Védânta : les notions de Brahman et d’Atman dans les systèmes de Cankara et de Râmânoudja, P. Geuthner, 1966.
L’article Wikipedia sur l’Advaïta védanta vous permettra aussi de retrouver plusieurs références bibliographiques sur le sujet.
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter