Question d'origine :
Bonjour,
Quels sont les objectifs de la politique des Grands Travaux, à partir de 1982 ?
Merci.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 12/01/2021 à 14h44
Bonjour,
Annoncée le 23 septembre 1981, la politique de grands travaux mise en œuvre durant les mandats du président François Mitterrand à partir de 1982 répond à deux ambitions affichées : une volonté derestauration et de mise en valeur du patrimoine culturel d'une part, centrée sur les monuments parisiens, et une campagne de grands travaux d'équipement d'autre part, impulsée sur tout le territoire français. Une "fresque de l'INA", proposant un riche choix d'archives télévisuelles sur le sujet, présente cette politique en ces termes :
"Restauration et création patrimoniales
Dans le domaine de la culture, un rôle essentiel est tenu par le ministre en charge de ce portefeuille, Jack Lang, à la fois conseiller du président (qui suit de très près ces questions) et maître d’œuvre chargé d’en assurer la réalisation.
Mais l’intérêt de François Mitterrand pour le sujet se manifeste par le fait que, quelques semaines après son arrivée à l’Elysée, le 24 septembre 1981, il tient une conférence de presse pour présenter aux Français son programme de grands travaux.
Les grands travaux d’équipement
Si, dans le cas des grands travaux patrimoniaux, il s’agissait de mettre en perspective l’héritage culturel et la modernité, c’est bien cette dernière qui constitue le moteur des grands projets d’équipement. Durant les quatorze années des deux septennats de François Mitterrand, ces derniers ont été légion à Paris comme en province, l’Etat prenant l’initiative ou encourageant l’action en ce domaine des collectivités locales dont les attributions se sont élargies dans le cadre de la décentralisation.
Parmi les projets marquants symbolisant la volonté de modernisation du pays, on retiendra deux décisions emblématiques.
La première est l’équipement du territoire national par un réseau de trains à grande vitesse (TGV). La décision de mettre en place cet équipement qui diminue les distances entre les diverses régions desservies est très antérieure à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand puisque c’est le président Georges Pompidou qui, au début des années 1970, prend la décision de construire cet équipement en commençant par la jonction Paris-Lyon. Les nombreuses études préliminaires nécessaires, le choix du tracé de la ligne, les difficultés nées des innombrables contentieux retardent jusqu’en 1978 la mise en chantier du projet, les travaux débutant durant la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Ils sont pratiquement achevés dans leur première phase lorsque François Mitterrand est élu à l’Elysée et c’est donc lui qui, en septembre 1981, peut inaugurer le TGV Sud-est sur le tronçon Paris-Lyon."
Élément prioritaire des deux septennats de Mitterrand, la politique de grands travaux est annoncée dès le début de son premier mandat :
« Quatre mois seulement après son élection, François Mitterrand annonce, lors d’une conférence de presse, les grandes lignes de sa politique culturelle et notamment ses projets de“Grands travaux” : le développement du musée d'Orsay, de la Villette, du quartier de la Défense, de l’Opéra Bastille, la création du Grand Louvre et de la Bibliothèque François Mitterrand. Ce grand programme architectural mettant en lumière les monuments symboliques de la ville de Paris, s’inscrit dans la continuité des travaux impulsés par André Malraux, ancien ministre de la Culture, à savoir, la restauration et le ravalement des principaux bâtiments de Paris.
Le Grand Louvre est sans aucun doute un des chantiers les plus emblématiques. Il s’agit de consacrer l’ensemble des bâtiments du Louvre à la présentation de ses collections. Le projet prévoit également d’ouvrir le passage Richelieu pour permettre un accès direct avec le Palais-Royal. Dans cette perspective, l’architecte américain, leoh Ming Pei, propose d’édifier l'emblématique pyramide de verre que l’on peut voir aujourd’hui. "Je suis de ceux qui croient profondément [...] qu'une politique culturelle est à la base de toute autre politique, qu'il faut que les Français se retrouvent dans leur histoire, dans leur art, leur passé, pour qu'ils sachent mieux avoir l'ambition de leur avenir ", déclarait alors le président François Mitterrand lors de l’inauguration de la pyramide du Louvre, le 4 mars 1988. »
(Source : culture.gouv.fr
Selon l’article de Thomas Helie « • L’architecture des décisions - • Un président-bâtisseur dans le « tournant de la rigueur » (Gouvernement et action publique, 2017, consultable sur Cairn en bibliothèque, le président Mitterrand entend par cette politique « jeter les bases d’une nouvelle « civilisation urbaine », destinée à faire de Paris et de la France « un exemple, tant pour la qualité de ses projets architecturaux que pour son ambition de réconcilier la culture et la ville » ». Il s’inscrit en cela dans le chemin de ses prédécesseurs :
« Une telle ambition est concrétisée par l’annonce officielle, le 8 mars 1982, d’un programme de « grandes opérations d’architecture et d’urbanisme », dont les inaugurations doivent être en partie coordonnées avec le projet d’Exposition universelle de 1989. Par cette décision, François Mitterrand prolonge l’œuvre de ses prédécesseurs à l’Élysée, tant sur un plan symbolique – comme l’illustre le choix du Centre Pompidou pour la première visite officielle de son septennat – que matériel, avec l’achèvement de projets (la Villette, la « Tête-Défense », le musée d’Orsay, l’Institut du monde arabe) engagés avant son accession au pouvoir. La continuité apparente du répertoire des grands projets présidentiels ne doit pas toutefois occulter l’envergure singulière des « Paris de François Mitterrand » (Chaslin, 1985), qui nécessitent l’engagement d’une enveloppe totale de 15 milliards de francs environ »
Ces sommes, considérables pour l’époque, sont d’autant plus remarquables que l’article, qui relève de manière symbolique le doublement du budget du Ministère de la Culture à partir de 1981, rappelle que le « tournant de la rigueur » initié en 1983 pour des raisons de crise économique, n’a pas entamé les ambition de Mitterrand pour l’architecture. D’autant que, selon un article du Monde de 1983, les grands travaux font partie de l’arsenal de lutte contre la crise elle-même :
« Conforter l'indépendance économique de la France, relancer l'activité du bâtiment, améliorer la qualité de vie des Français, tels sont les objectifs du Fonds spécial des grands travaux (FSGT), lancé par une loi du 3 août 1982, à l'initiative du président de la République.Au total, 2 milliards de francs, correspondant au montant de la part de la première tranche consacrée au volet énergétique, ont été gérés par l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie. Les bénéficiaires de l'opération : les collectivités locales, pour 400 millions, avec un taux de subvention égal à 30% du coût hors taxe des travaux engagés ; les logements sociaux, pour 900 millions de francs et une aide équivalent à 40% du coût des travaux, toutes taxes comprises ; les établissements scolaires du second degré, pour 200 millions de francs (les subventions étant alignées sur le taux conventionnellement en vigueur dons le département concerné) ; les établissements hospitaliers publics (160 millions, 50% des travaux hors taxes) et les réseaux de chaleur (340 millions, 20% hors taxes).Les résultats ont dépassé les espérances : 6,6 milliards de francs de travaux, mobilisant environ 3 000 maîtres d'ouvrage, ont été lancés grâce au Fonds des grands travaux. »
L’historien Philippe Poirrier, dans son article « L’État culturel en débat (1981-1995) » (hypotheses.org) insiste sur la redéfinition des missions et de l’importance du Ministère de la Culture dans cette politique, François Mitterrand ayant mené celle-ci en étroite collaboration avec Jack Lang, en impliquant fort peu Matignon et le Ministère des Finances. Ce qui, joint à la modernité de certains choix esthétiques, n’a pas été sans susciter des critiques, certains voyant derrière les buts affichés une volonté du président de laisser un héritage personnel de bâtisseur, d’une ambition littéralement pharaonique :
« Le coût de ces initiatives est dénoncé par les adversaires des Grands Travaux : Le Canard Enchaîné utilise la métaphore pharaonique et stigmatise les décisions de « Tontonkamon ». Ces projets ont finalement coûté sur plus de dix ans quelque 34 milliards de francs. Plus que l’investissement initial, c’est surtout le budget nécessaire au fonctionnement qui se révélera problématique quelques années plus tard. Par ailleurs, les élus locaux dénonceront une politique essentiellement mise en œuvre à Paris, malgré les quelques grands travaux initiés en province.
Le Grand Louvre, reconnu ensuite comme exemplaire, est à l’origine d’un vif débat. Le projet de l’architecte américain Peï suscite une large polémique à laquelle participent les prises de position de l’ancien ministre Michel Guy ainsi que l’ouvrage Paris mystifié publié en 1985 par les historiens de l’art Bruno Foucart, Antoine Schnapper et Sébastien Loste. Dès 1984, le soutien des conservateurs du Louvre s’avère cependant décisif. L’accord du maire de Paris Jacques Chirac et le soutien constant de François Mitterrand permettent à l’équipe impulsée par Émile Biasini de mener le projet à son terme. Le succès public fera vite oublier une polémique qui s’était cristallisée sur l’insertion de la pyramide au sein du Palais du Louvre. »
Dans un article pour L’Express publié en 1995, le journaliste Gilles Fontaine dresse le bilan de la politique de grands travaux rappelant que, si celle-ci a causé un certain nombre de litiges entre Etat et entreprises du BTP, pour des raisons d’organisation, et qu’elle fut vectrice de plus de prestige que de profits pour nombre d’entreprises, elle a pourtant redessiné la capitale et redynamisé la culture en France.
Bonne journée.
Annoncée le 23 septembre 1981, la politique de grands travaux mise en œuvre durant les mandats du président François Mitterrand à partir de 1982 répond à deux ambitions affichées : une volonté de
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Dans le domaine de la culture, un rôle essentiel est tenu par le ministre en charge de ce portefeuille, Jack Lang, à la fois conseiller du président (qui suit de très près ces questions) et maître d’œuvre chargé d’en assurer la réalisation.
Mais l’intérêt de François Mitterrand pour le sujet se manifeste par le fait que, quelques semaines après son arrivée à l’Elysée, le 24 septembre 1981, il tient une conférence de presse pour présenter aux Français son programme de grands travaux.
Si, dans le cas des grands travaux patrimoniaux, il s’agissait de mettre en perspective l’héritage culturel et la modernité, c’est bien cette dernière qui constitue le moteur des grands projets d’équipement. Durant les quatorze années des deux septennats de François Mitterrand, ces derniers ont été légion à Paris comme en province, l’Etat prenant l’initiative ou encourageant l’action en ce domaine des collectivités locales dont les attributions se sont élargies dans le cadre de la décentralisation.
Parmi les projets marquants symbolisant la volonté de modernisation du pays, on retiendra deux décisions emblématiques.
La première est l’équipement du territoire national par un réseau de trains à grande vitesse (TGV). La décision de mettre en place cet équipement qui diminue les distances entre les diverses régions desservies est très antérieure à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand puisque c’est le président Georges Pompidou qui, au début des années 1970, prend la décision de construire cet équipement en commençant par la jonction Paris-Lyon. Les nombreuses études préliminaires nécessaires, le choix du tracé de la ligne, les difficultés nées des innombrables contentieux retardent jusqu’en 1978 la mise en chantier du projet, les travaux débutant durant la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Ils sont pratiquement achevés dans leur première phase lorsque François Mitterrand est élu à l’Elysée et c’est donc lui qui, en septembre 1981, peut inaugurer le TGV Sud-est sur le tronçon Paris-Lyon."
Élément prioritaire des deux septennats de Mitterrand, la politique de grands travaux est annoncée dès le début de son premier mandat :
« Quatre mois seulement après son élection, François Mitterrand annonce, lors d’une conférence de presse, les grandes lignes de sa politique culturelle et notamment ses projets de
Le Grand Louvre est sans aucun doute un des chantiers les plus emblématiques. Il s’agit de consacrer l’ensemble des bâtiments du Louvre à la présentation de ses collections. Le projet prévoit également d’ouvrir le passage Richelieu pour permettre un accès direct avec le Palais-Royal. Dans cette perspective, l’architecte américain, leoh Ming Pei, propose d’édifier l'emblématique pyramide de verre que l’on peut voir aujourd’hui. "Je suis de ceux qui croient profondément [...] qu'une politique culturelle est à la base de toute autre politique, qu'il faut que les Français se retrouvent dans leur histoire, dans leur art, leur passé, pour qu'ils sachent mieux avoir l'ambition de leur avenir ", déclarait alors le président François Mitterrand lors de l’inauguration de la pyramide du Louvre, le 4 mars 1988. »
(Source : culture.gouv.fr
Selon l’article de Thomas Helie « • L’architecture des décisions - • Un président-bâtisseur dans le « tournant de la rigueur » (Gouvernement et action publique, 2017, consultable sur Cairn en bibliothèque, le président Mitterrand entend par cette politique « jeter les bases d’une nouvelle « civilisation urbaine », destinée à faire de Paris et de la France « un exemple, tant pour la qualité de ses projets architecturaux que pour son ambition de réconcilier la culture et la ville » ». Il s’inscrit en cela dans le chemin de ses prédécesseurs :
« Une telle ambition est concrétisée par l’annonce officielle, le 8 mars 1982, d’un programme de « grandes opérations d’architecture et d’urbanisme », dont les inaugurations doivent être en partie coordonnées avec le projet d’Exposition universelle de 1989. Par cette décision, François Mitterrand prolonge l’œuvre de ses prédécesseurs à l’Élysée, tant sur un plan symbolique – comme l’illustre le choix du Centre Pompidou pour la première visite officielle de son septennat – que matériel, avec l’achèvement de projets (la Villette, la « Tête-Défense », le musée d’Orsay, l’Institut du monde arabe) engagés avant son accession au pouvoir. La continuité apparente du répertoire des grands projets présidentiels ne doit pas toutefois occulter l’envergure singulière des « Paris de François Mitterrand » (Chaslin, 1985), qui nécessitent l’engagement d’une enveloppe totale de 15 milliards de francs environ »
Ces sommes, considérables pour l’époque, sont d’autant plus remarquables que l’article, qui relève de manière symbolique le doublement du budget du Ministère de la Culture à partir de 1981, rappelle que le « tournant de la rigueur » initié en 1983 pour des raisons de crise économique, n’a pas entamé les ambition de Mitterrand pour l’architecture. D’autant que, selon un article du Monde de 1983, les grands travaux font partie de l’arsenal de lutte contre la crise elle-même :
« Conforter l'indépendance économique de la France, relancer l'activité du bâtiment, améliorer la qualité de vie des Français, tels sont les objectifs du Fonds spécial des grands travaux (FSGT), lancé par une loi du 3 août 1982, à l'initiative du président de la République.Au total, 2 milliards de francs, correspondant au montant de la part de la première tranche consacrée au volet énergétique, ont été gérés par l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie. Les bénéficiaires de l'opération : les collectivités locales, pour 400 millions, avec un taux de subvention égal à 30% du coût hors taxe des travaux engagés ; les logements sociaux, pour 900 millions de francs et une aide équivalent à 40% du coût des travaux, toutes taxes comprises ; les établissements scolaires du second degré, pour 200 millions de francs (les subventions étant alignées sur le taux conventionnellement en vigueur dons le département concerné) ; les établissements hospitaliers publics (160 millions, 50% des travaux hors taxes) et les réseaux de chaleur (340 millions, 20% hors taxes).Les résultats ont dépassé les espérances : 6,6 milliards de francs de travaux, mobilisant environ 3 000 maîtres d'ouvrage, ont été lancés grâce au Fonds des grands travaux. »
L’historien Philippe Poirrier, dans son article « L’État culturel en débat (1981-1995) » (hypotheses.org) insiste sur la redéfinition des missions et de l’importance du Ministère de la Culture dans cette politique, François Mitterrand ayant mené celle-ci en étroite collaboration avec Jack Lang, en impliquant fort peu Matignon et le Ministère des Finances. Ce qui, joint à la modernité de certains choix esthétiques, n’a pas été sans susciter des critiques, certains voyant derrière les buts affichés une volonté du président de laisser un héritage personnel de bâtisseur, d’une ambition littéralement pharaonique :
« Le coût de ces initiatives est dénoncé par les adversaires des Grands Travaux : Le Canard Enchaîné utilise la métaphore pharaonique et stigmatise les décisions de « Tontonkamon ». Ces projets ont finalement coûté sur plus de dix ans quelque 34 milliards de francs. Plus que l’investissement initial, c’est surtout le budget nécessaire au fonctionnement qui se révélera problématique quelques années plus tard. Par ailleurs, les élus locaux dénonceront une politique essentiellement mise en œuvre à Paris, malgré les quelques grands travaux initiés en province.
Le Grand Louvre, reconnu ensuite comme exemplaire, est à l’origine d’un vif débat. Le projet de l’architecte américain Peï suscite une large polémique à laquelle participent les prises de position de l’ancien ministre Michel Guy ainsi que l’ouvrage Paris mystifié publié en 1985 par les historiens de l’art Bruno Foucart, Antoine Schnapper et Sébastien Loste. Dès 1984, le soutien des conservateurs du Louvre s’avère cependant décisif. L’accord du maire de Paris Jacques Chirac et le soutien constant de François Mitterrand permettent à l’équipe impulsée par Émile Biasini de mener le projet à son terme. Le succès public fera vite oublier une polémique qui s’était cristallisée sur l’insertion de la pyramide au sein du Palais du Louvre. »
Dans un article pour L’Express publié en 1995, le journaliste Gilles Fontaine dresse le bilan de la politique de grands travaux rappelant que, si celle-ci a causé un certain nombre de litiges entre Etat et entreprises du BTP, pour des raisons d’organisation, et qu’elle fut vectrice de plus de prestige que de profits pour nombre d’entreprises, elle a pourtant redessiné la capitale et redynamisé la culture en France.
Bonne journée.
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