Bonjour,
Nous retrouvons votre citation dans
Pour une esthétique de la littérature mineure: colloque "Littérature majeure, littérature mineure", Strasbourg, 16-18 janvier 1997 :
« Au-delà de cinq cents lecteurs, le malentendu est inévitable »Malheureusement la source de cette « boutade » d’Henri Michaux n’est pas précisée, et la formulation n’est probablement pas exacte puisque comme vous nous en trouvons de multiples variantes avec des chiffres allant de deux cent (
« deux cents lecteurs, c’est déjà suspect, disait Michaux ») à 1500 (
« Henri Michaux […] se tracassait d’avoir plus de mille cinq cents lecteurs. En avoir plus le diminuait »).
Nous retrouvons néanmoins une autre citation assez proche de cette idée dans le livre d’Alain Jouffroy,
Avec Henri Michaux (p. 35), et reprise notamment dans cet ouvrage dont l’extrait est disponible dans Google Books :
Henri Michaux: Poetry, Painting and the Universal Sign, Margaret Rigaud-Drayton :
« Il y a encore quelques temps, j’avais deux cent lecteurs, et encore n’étais-je pas tout à fait sûr de les avoir. Du seul fait que j’en ai maintenant deux mille au lieu de deux cent, je suis obligé de ne plus dire certaines choses. Je peindrai de plus en plus et j’écrirai de moins en moins. Ou alors, je n’écrirai plus que sous la forme de poèmes très difficiles à traverser pour les autres : je reviendrai, si vous voulez, à mes deux cent lecteurs. »
Pour plus de contexte, voici une citation élargie du passage d’origine dans l’ouvrage d’Alain Jouffroy :
« […] Je ne crois pas beaucoup à la vertu de l’échange. Quand je dis quelque chose, je me le dis. Si je veux le dire à quelqu’un… c’est trop tard. C’est dans ce sens qu’il y a échange mais pas dialogue. Je suis infirme, voilà la vérité.
« Quand je me trouve chez des gens, vous l’avez bien vu, je ne dis rien – ou presque. Et pourtant, le temps est quelque chose de sacré. Je considère le temps plutôt comme un rêveur : tout ce qu’on peut rêver en deux heures ! Et si je regrette d’avoir passé deux heures en compagnie d’une douzaine de personnes, c’est que je pense à ça : me répandre de façon magnifique et inutile dans le temps. Si je me trouve avec deux amis, Mounir Hafez et Cioran par exemple : à trois, dans une conversation, on peut satisfaire quelque chose d’assez important, mais peut-être pas aussi important que ce qui se passe devant le tribunal de soi-même.
« Devant douze personnes, voyez comme le niveau des propos baisse… Oui, quelquefois, la conversation à deux peut devenir dialogue, mais alors, par exemple avec vous, c’est que, d’une manière ou d’une autre, je m’y suis préparé. J’ai songé à vous, pas nécessairement en mots, et je me suis reconstitué une image, assez complexe, de vous. Mais c’est encore du travail solitaire. L’autre n’est qu’une sorte de moisson.
- Pour vous, ainsi, la communication avec autrui est presque toujours un échec, ou une douleur. Mais à quoi est-ce imputable, à nous, ou au phénomène même de la parole ?
- A l’indécence de la parole. Tenez, dans cette revue italienne, regardez. Un journaliste a eu l’idée de faire un reportage sur le Padre Pio – le saint. Mais
oser faire ce reportage, oser se confesser pour aller faire ce reportage ! Ce qu’il y a de remarquable, c’est que le Padre Pio l’a accueilli en lui disant : « Quel dommage que vous veniez comme journaliste. » Plus que toute autre chose la parole est loin de l’état d’innocence. Ça (et il me montre la reproduction de l’une de ses grandes encres noires), c’est plus innocent.
- Mais que considérez-vous comme un mal ? Le fait de transmettre certaines choses, ou le fait de mal les transmettre ?
- Le fait de transmettre au grand nombre. Il y a, dans ce grand nombre, des gens pour qui certaines choses ne sont pas faites.
Il y a encore quelque temps, j’avais deux cents lecteurs, et encore n’étais-je pas tout à fait sûr de les avoir. Du seul fait que j’en ai maintenant deux mille au lieu de deux cents, je suis obligé de ne plus dire certaines choses. Je peindrai de plus en plus et j’écrirai de moins en moins. Ou alors, je n’écrirai plus que sous la forme de poèmes très difficiles à traverser pour les autres : je reviendrai, si vous voulez, à mes deux cents lecteurs. »
Bonne journée.
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