Question d'origine :
Bonjour, Quel était le prix d'un roman et d'une place de cinéma au début du 20ème siècles?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 20/01/2021 à 09h49
Bonjour,
Concernant le livre et plus précisément le roman
La culture de masse en France de la Belle Époque à aujourd’hui, sous la direction de Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, dans son chapitre L’avènement de la littérature industrielle nous explique :
« Avec l’abaissement du prix du livre se produit, en effet, la vraie révolution littéraire du XIXe siècle, celle qui va permettre, progressivement, aux grands tirages de pénétrer en profondeur dans la population. Même si la pratique du feuilleton cousu main au point de surjet est en effet attestée de 1836 à 1950 environ, et si l’on sait que les femmes échangeaient volontiers leurs collections de romans entre elles, en ville comme à la campagne, il est très difficile, impossible même, de savoir combien d’hommes lisaient les feuilletons dans leur journal avant 1914. De ce fait,le passage, en 1838, du volume de fiction d’une moyenne de 15 francs -2 tomes à 7,50 francs pour un roman- à 3,50 francs, dans la « bibliothèque Charpentier » , est bien l’acte de naissance du livre de poche et d‘ailleurs Paulin, un concurrent de Charpentier, ne s’y trompe pas qui intitule dès 1846 sa propre collection bon marché « Bibliothèque de poche ». Tiré à 3000 exemplaires désormais puis à 6600 en 1853-1855 lorsque la « Bibliothèque des chemins de fer » de Louis Hachette et la « Collection Michel Lévy » proposent les mêmes titres à 1 franc -3 à 4 euros actuels-, le petit livre portatif (18,5 centimètres sur 11,5 dans le format in-18) part à la rencontre de publics élargis. Toutefois, c’est véritablement avec le lancement, par Arthème Fayard, en 1904 et 1905, de le « Modern Bibliothèque » illustrée à 0,95 franc –à peine 3 euros- et du « Livre populaire » à 0,65 franc -2 euros- que l’on entre de plain-pied dans « l’ère des cent mille ». Pour rentabiliser les investissements de ces deux séries à bon marché, il est en effet devenu indispensable de fixer la première édition à 50000 ou à 100000 exemplaires, ce qui constitue le second tournant dans l’histoire du livre de poche français.
Immédiatement imité, Fayard suscite des concurrents innombrables, «Le Roman populaire » à 0,85 franc chez Tallandier , ou chez le même éditeur, « Le Livre de Poche » qui est intronisé, ès qualités, en 1916… Non limitées à Fayard, à Calman-Lévy ou à Jules Tallandier, ces séries -policières, sentimentales d’aventures, etc- pénètrent chez Jules Rouff, qui publie une « petite Bibliothèque populaire » en 1904 - 0,10 franc la livraison, chez Ferenczi et chez tous ceux qui ont délibérément choisi le créneau des publications populaires, de même que chez les éditeurs moins spécialisés. » (p. 92-93). Les deux guerres mondiales vont pendant un temps interrompre cet essor des livres de poche à bas prix qui reprendra vraiment en 1953.
L'Histoire culturelle de la France au XXe siècle de Jacques Cantier, nous donne l’exemple dePécheur d’Islande de Pierre Loti qui « atteint ainsi, dans la collection illustrée de Calman-Lévy vendue à 0,95 franc , 500000 exemplaires entre 1906 et 1920. »
L'Histoire culturelle de la France de la Belle Époque à nos jours de Pascale Goetschel et Emmanuelle Loyer, nous le confirme : « les collections à bas prix et imprimées sur du papier de piètre qualité prennent le relais des livraisons ou des « petits romans », ces fascicules reliés de façon artisanale par les lecteurs. De très nombreux romans en volumes fleurissent au début du siècle : « roman à treize sous » publiés par Arthème-Fayrad dans Le Livre populaire à partir de 1905, ouvrages de collection du Livre national lancée en 1909 par Tallandier, publications du Petit Livre à partir de 1912. » p 12
Mais il nous dit aussi plus loin que « la littérature populaire n’est pas la seule à bénéficier de l’expansion de la lecture », même si les prix restent plus élevés. En effet, « les titres nouveaux, vendus dans descollections plus prestigieuses que les collections populaires proprement dites (3,50 francs tandis que le salaire mensuel masculin varie de 2 à 6 francs par jour en province et monte jusqu’à 10 francs à Paris ) peuvent être échangés contre d’autres ouvrages ; ils portent alors le nom de livres-annonces et leur tirage varie entre 1000 et 10000. A contrario, les recueils de poèmes ou les romans de l’avant-garde ne sont publiés qu’à quelques centaines d’exemplaires, souvent à compte d’auteur, préédités dans des revues au caractère confidentiel. »
Autre complément et petite nuance sur ce qui est dit précédemment dans Un siècle d’histoire culturelle en France de 1914 à nos jours de Françoise Taliano-Des Garets : "la collection « Modern Bibliothèque » publie des auteurs contemporains reconnus comme Paul Bourget ou Marcel Prévost.A 65 centimes le volume, Arthème Fayard lance la série des Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain . Jules Tallandier s’engage en 1911 dans l’aventure avec la collection « La Bibliothèque de lisez-moi ». Ernest Flammarion, Calman-Lévy exploitent aussi le filon. Le premier avec sa « Select collection » à 95 centimes. » (p. 38-39)
En résumé, le prix du roman populaire se situait entre 50 centimes et 1 franc, tandis que les collections plus prestigieuses ou avant-gardistes pouvaient être à 3,50 francs.
Concernant le cinéma
Voici quelques éléments dans La culture de masse en France de la Belle Époque à aujourd’hui (déjà cité plus haut): Les premières véritables représentations cinématographiques comme nous les entendons aujourd’hui ont notamment eu lieu au Salon Indien à Paris à la fin du XIXe siècle : « le salon ne désemplit pas, accueillant parfois, en 26 séances de vingt minutes, 2000 spectateurs par jour, pour une recette quotidienne moyenne de près de 900 francs ». On serait alors àun prix moyen de 45 centimes. Un peu plus loin, il est dit qu’à Paris en 1896, le « tarif généralement pratiqué est d’un franc la place ». Mais, dans le cinéma Lumière ouvert en 1896 par les magasins Dufayel entre le boulevard Barbès et la rue de Clignancourt, les places sont à cinquante centimes. On peut imaginer que le prix variait en fonction du lieu et de la longueur du film.
Le cinéma a dans un premier temps beaucoup été diffusé de façon itinérante, et c’est vraiment au début du XXe siècle qu’il va investir des lieux de spectacles et se développer en milieu urbain, touchant avant tout un public populaire. C’est plus précisément entre 1907 et 1918, qu’il va devenir un lieu fixe et dédié uniquement à cela, sous l’impulsion de Charles Pathé.
Si les premières vraies salles parisiennes sont petites (300 places au mieux) et dédiées à un public plutôt aisés, elles vont rapidement se multipliées sur les boulevards comme dans les quartiers ouvriers et les publics seront parfois relativement mélangés (malgrédes tarifs différents) , le public chic apportant une légitimité à une pratique très populaire. « Ce qui importe, c’est que le cinéma soit dès lors associé à une mixité sociale, tempérée seulement par l’échelle du prix des places, qui reste minime (du simple au double) par rapport au théâtre. »
Voici l’exemple duGaumont-Palace place Clichy ouvert en 1911 , « avec 3400 places assises sur trois niveaux (plus un large promenoir pour les spectateurs les moins fortunés : l’échelle des prix va de 50 centimes à 5 francs pour les prestigieuses loges d’orchestre… » (p. 175). D’après l'Histoire culturelle de la France de la Belle Époque à nos jours, cette salle était malgré tout parmi les luxueuses, elle était donc assez différente des salles de quartier, où les prix et les pratiques n’étaient pas les mêmes (dans les salles populaires, le public préférait la séance du samedi soir, la clientèle aisée préférant les « matinées »). (p. 39).
On peut cependant en conclure que le prix d'une place pour un public populaire était entre 50 centimes et 1 franc au début du XXe siècle.
Espérons que nous pourrons nous aussi bientôt retourner au cinéma...
Bonne lecture
La culture de masse en France de la Belle Époque à aujourd’hui, sous la direction de Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, dans son chapitre L’avènement de la littérature industrielle nous explique :
« Avec l’abaissement du prix du livre se produit, en effet, la vraie révolution littéraire du XIXe siècle, celle qui va permettre, progressivement, aux grands tirages de pénétrer en profondeur dans la population. Même si la pratique du feuilleton cousu main au point de surjet est en effet attestée de 1836 à 1950 environ, et si l’on sait que les femmes échangeaient volontiers leurs collections de romans entre elles, en ville comme à la campagne, il est très difficile, impossible même, de savoir combien d’hommes lisaient les feuilletons dans leur journal avant 1914. De ce fait,
Immédiatement imité, Fayard suscite des concurrents innombrables, «
L'Histoire culturelle de la France au XXe siècle de Jacques Cantier, nous donne l’exemple de
L'Histoire culturelle de la France de la Belle Époque à nos jours de Pascale Goetschel et Emmanuelle Loyer, nous le confirme : « les collections à bas prix et imprimées sur du papier de piètre qualité prennent le relais des livraisons ou des « petits romans », ces fascicules reliés de façon artisanale par les lecteurs. De très nombreux romans en volumes fleurissent au début du siècle : « roman à treize sous » publiés par Arthème-Fayrad dans Le Livre populaire à partir de 1905, ouvrages de collection du Livre national lancée en 1909 par Tallandier, publications du Petit Livre à partir de 1912. » p 12
Mais il nous dit aussi plus loin que « la littérature populaire n’est pas la seule à bénéficier de l’expansion de la lecture », même si les prix restent plus élevés. En effet, « les titres nouveaux, vendus dans des
Autre complément et petite nuance sur ce qui est dit précédemment dans Un siècle d’histoire culturelle en France de 1914 à nos jours de Françoise Taliano-Des Garets : "la collection « Modern Bibliothèque » publie des auteurs contemporains reconnus comme Paul Bourget ou Marcel Prévost.
En résumé, le prix du roman populaire se situait entre 50 centimes et 1 franc, tandis que les collections plus prestigieuses ou avant-gardistes pouvaient être à 3,50 francs.
Voici quelques éléments dans La culture de masse en France de la Belle Époque à aujourd’hui (déjà cité plus haut): Les premières véritables représentations cinématographiques comme nous les entendons aujourd’hui ont notamment eu lieu au Salon Indien à Paris à la fin du XIXe siècle : « le salon ne désemplit pas, accueillant parfois, en 26 séances de vingt minutes, 2000 spectateurs par jour, pour une recette quotidienne moyenne de près de 900 francs ». On serait alors à
Le cinéma a dans un premier temps beaucoup été diffusé de façon itinérante, et c’est vraiment au début du XXe siècle qu’il va investir des lieux de spectacles et se développer en milieu urbain, touchant avant tout un public populaire. C’est plus précisément entre 1907 et 1918, qu’il va devenir un lieu fixe et dédié uniquement à cela, sous l’impulsion de Charles Pathé.
Si les premières vraies salles parisiennes sont petites (300 places au mieux) et dédiées à un public plutôt aisés, elles vont rapidement se multipliées sur les boulevards comme dans les quartiers ouvriers et les publics seront parfois relativement mélangés (malgré
Voici l’exemple du
On peut cependant en conclure que le prix d'une place pour un public populaire était entre 50 centimes et 1 franc au début du XXe siècle.
Espérons que nous pourrons nous aussi bientôt retourner au cinéma...
Bonne lecture
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