Question d'origine :
Bonjour, Je suis à la recherche d'une aide sur un poème de Pontus de Tyard (Les Erreurs amoureuses, Second livre, 1551, sonnet XXIII "Luth"), que je recopie à la fin du message). MES QUESTIONS : 1) Comment comprenez-vous le vers 4 ("double mort") ? 2) Le vers 8 ("Me refusaient le fruit de leur effort") fait-il référence au refus de la femme aimée de la relation amoureuse (de la satisfaction du désir)? 3) Je ne comprends pas la structure (phrase) des 2 dernières strophes. > Est-ce que selon vous "bien-heureux" renvoie au luth? "Ces blanches mains", "ces bras célestement humains" sont-ils ceux du poète ou de la femme aimée? > Comment comprenez-vous la dernière strophe ? (quel est le sujet de "Soient"? Que signifie "déduis"? A qui renvoie "elle" dans "Que mon Amour elle puisse comprendre") ? J'avoue que elle reste opaque pour le moment... 4) Edition : J'ai trouvé ce poème cité (en français du 16e) dans un ouvrage de préparation de concours (Atlande) et il m'a beaucoup plu : connaissez-vous une quelconque édition de celui-ci (du recueil), idéalement, en français moderne? Pardon pour toutes ces questions... J'avais écrit au sujet de Louise Labé, et vous m'aviez tellement éclairée que je me permets de vous demander pour cet autre poète du XVIe. MERCI BEAUCOUP en tout cas !! Au cas où, je copie ci-dessous le poème (dont j'ai modernisé l'orthographe) : Luth, sœur témoin et fidèle confort De mes soupirs et travaux languissants : De qui souvent les accords ravissants M’ont fait souffrir en mourant double mort : Tu as longtemps avec moi plaint le tort Des deux doux yeux, Soleils éblouissants, Qui, d’éclairer mes ténèbres puissants, Me refusaient le fruit de leur effort . Va, bien-heureux : et si ces blanches mains, Et si ces bras célestement humains Te daignent tant honorer de te prendre. Soient en tes sons si doucement déduis , Les coutumiers accords de mes ennuis, Que mon Amour elle puisse comprendre.
Réponse du Guichet
Nous conservons à la bibliothèque l'édition de 1555 chez Jean de Tournes, qui contient le second livre et le sonnet en question. Il est numéroté XXIIII (24) dans cette édition et non XXIII. C'est, semble-t-il, la même numérotation dans les éditions critiques.
Tout d’abord, je me permets de corriger le texte du premier vers ainsi : « Luth, sûr témoin et fidèle confort ». « Seur » est en effet l’ancienne orthographe de « sûr » et bien différent de « sœur ». De même, au vers 6, il faut écrire « soleils » sans majuscule. L’ancienne typographie des « s » peut prêter à confusion, mais c’est bien un « s » minuscule.
Je réponds ensuite à vos questions :
1.
Je tiens cependant à signaler que c’est une interprétation peu sûre de ma part. Le sens général du quatrain est bien que le « luth » (manière de désigner pour un poète ses propres poèmes) accompagne le poète dans ses chagrins, et que quand il s’arrête, quand la poésie touche à sa fin, le poète souffre.
Enfin, signalons un rapport intertextuel entre ce premier quatrain de Pontus de Tyard et le sonnet 12 de Louise Labé.
2.
3.
4.
Pour mémoire et information, voici les ouvrages utilisés :
- collectif, Dictionnaire du moyen-français en ligne;
- A.J. Greimas et T.M. Keane, Dictionnaire du moyen français, Paris : Larousse, éditions 1992 et 2001;
- G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français, Montreal : Ceres, 1991;
- A. Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris : Le Robert, 1992;
- E. Huguet, Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, Paris : Didier, 1925-1967.