Question d'origine :
Bonjour, j'ai découvert il y a peu l'existence d'un Contrôle postal à la Libération en 1945 (sans doute avant aussi). Pouvez-vous m’en dire sur le fonctionnement de ce « contrôle. » De qui interceptait-on le courrier : pour qui , pur quoi et jusqu’à quand? Merci beaucoup.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 13/03/2021 à 15h31
Bonjour,
Il n’est pas très facile de trouver des renseignements clairs. Il semblerait que ce contrôle postal persistant à la Libération soit issu du système mis en place par Vichy, le Service des contrôles techniques. A la libération, il servait comme sous Vichy, à mesurer l’état de l’opinion, et à surveiller les « suspects ». En tant que tel, il se serait progressivement éteint en 1946.
Voici ce qu’on peut lire dans Polices des temps noirs [Livre] : France 1939-1945 de Jean-Marc Berlière :
« « L’intérêt et l’utilité du SCT n’ont pas échappé non plus aux autorités de la France Libre, qui ont largement bénéficié, par l’intermédiaire de la Résistance-PTT, des informations collectées par les interceptions postales et des rapports de synthèse sur l’opinion[/b]. C’est si vrai qu’à Alger le Comité français de Libération nationale a créé un service comparable pour l’Algérie et l’AFN. Après les débarquements en Normandie et dans le Var, au fur et à mesure de la libération du territoire, les nouvelles autorités venues d’Alger prennent le contrôle du SCT qui non seulement va subsister, mais se développer pour des raisons faciles à comprendre :la guerre continue, le territoire n’est pas totalement libéré, des agents laissés par les Allemands opèrent à l’arrière du front, et puis le Gouvernement provisoire de la République a lui aussi besoin de ce précieux outil pour connaître l’état de l’opinion . le service, passé sous la direction de la DGER – l’organe de CE dirigé par Jacques Soustelle -, ayant désormais en charge la totalité du territoire libéré, voit ses effectifs atteindre 7810 agents, auxquels on ajoute encore 1000 « fonctionnaires auxiliaires » au printemps 1945. La fin de la guerre entraîne une chute rapide des effectifs : au 31 juillet 1945, on compte encore 5997 fonctionnaires, dont 4500 contrôleurs, au SCT ; ce nombre est encore réduit à 2500 dont 1937 contrôleurs, à partir du 1er août 1945.
Un décret du 4 septembre 1945, non publié au JO transfère les services de la DGER au ministère de l’Intérieur : un transfert intervenu en fait dès le 1er août, suite à une décision du Comité de défense nationale du 10 juillet. Désormais le SCT est placé sous l’autorité du directeur des RG de la Sûreté nationale.
C’est certainement le fait que la République « rentrée chez elle » ait utilisé et pérennisé un temps le SCT qui explique que – pour ne pas révéler cet espionnage de leur vie privé aux Français – il n’y eut aucune épuration du personnel d’un organe policier qui avait pourtant joué un rôle important pendant l’occupation.
Epilogue
Supprimé le 5 juin 1945 pour ce qui concernait les correspondances à l’intérieur du territoire métropolitain, le contrôle de la correspondance postale, téléphonique et télégraphique fut maintenu pour la correspondance avec les pays neutres jusqu’au 30 novembre 1945. A partir du 1er janvier 1946, les Contrôles techniques le furent uniquement pour ce qui concernait la censure totale des communications entre la France, l’Allemagne et l’Autriche. A cet effet, 2 commissions régionales fonctionnèrent à Metz et Strasbourg, avec des sous-commissions à Sarreguemines, Thionville, Colmar, Lauterburg, Mulhouse et Saint-Louis.
Conséquence de ces rétrécissements successifs, les effectifs du SCT furent réduits à 800 agents et 100 fonctionnaires auxiliaires. Le réemploi des agents licenciés, qui constituaient un «personnel d’une haute valeur technique », n’alla pas sans poser de problèmes : le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur encouragea les commissaires régionaux de la République à intervenir auprès des entreprises privées pour faciliter l’embauche des agents qui ne pourraient pas être reclassés dans un service public.
Par la suite et sans qu’il soit possible d’en connaître la chronologie, les étapes ni le détail, le SCT disparut avec la même discrétion que celle qui avait caractérisé son existence . Les dossiers qui subsistaient (un fonds très incomplet) furent versés aux AN par la DGSN (Direction des RG) le 20 mars 1946. Par ailleurs on trouve dans les différents services d’Archives départementales de nombreux rapports ou synthèses adressés aux préfets qui sont loin d’avoir été répertoriés et exploités. »
Antoine Lefébure dans Conversations secrètes sous l'Occupation, situe ce même service dans une histoire plus vaste du renseignement, et voit donc dans le GIC (Groupement Interministériel de Contrôle), l’héritier quasi direct du SCT.
En voici une recension :
« Le Service des contrôles techniques, une arme de répression.
Spécialiste des technologies de communication, fondateur en 1975 de la revue Interférences et auteur, en 1992, d’un ouvrage consacré à l’agence de presse Havas, Antoine Lefébure s’intéresse plus particulièrement aux relations entre pouvoir politique et information. Il a publié en 2014 L’Affaire Snowden. Comment les États-Unis espionnent le monde. Il était naturel pour lui de s’intéresser à un autre espionnage étatique, celui de Vichy durant la seconde guerre mondiale. C’est l’objet de son dernier livre, Conversations secrètes sous l’Occupation, paru le 22 février dernier.
Le système mis en place par Vichy est d’abord réinscrit dans une perspective historique plus large, celle, de la surveillance des communications. Remontant à l’Ancien Régime, Antoine Lefébure évoque les agents de Louis XIII et Louis XIV qui ouvraient le courrier en circulation afin d’y déceler tous les renseignements utiles à « l’art de gouverner ». Cette pratique se prolongea sous la Révolution, durant laquelle le pouvoir souhaitait se prémunir des dangers contre-révolutionnaires et de l’étranger. Napoléon Ier puis Napoléon III la perpétuèrent et, plus étonnant car venant d’une démocratie, la IIIe République.
Ainsi, dès la déclaration de guerre en 1939, est mis sur pied un Service des contrôles tech-niques (SCT), dont le but est d’évaluer l’état de l’opinion des Français. Il est divisé en trois instances, une pour chacun des moyens de communication utilisés : poste, téléphone et télé-graphe . Après la défaite, Vichy reprend à son compte le SCT qu’il va utiliser comme moyen d’espionnage politique et comme arme de répression. Il doit participer à la lutte contre toute expression d’opinion et de propagande hostile à l’État. Rattaché le 1er août 1942 au cabinet de Laval, il passe ensuite sous la direction du puissant secrétaire général à la Police, René Bousquet, le 7 avril 1943.
Grâce à ce système, presque rien n’échappa au régime de Vichy, de l’identité et de la localisation de Juifs à arrêter aux journalistes trop critiques à l’égard du gouvernement, en passant par ces hommes et femmes de la rue hostiles à Laval ou à ces fonctionnaires corrompus, ou bien encore à des collaborateurs prêts à s’engager dans la LVF au nom de la lutte contre le bolchevisme.
[…]
L’intérêt de l’étude d’Antoine Lefébure réside enfin dans une certaine actualité et la question que soulève la continuité qu’a eue le SCT après la Libération. Le fichier S, qui répertorie les individus dangereux pour la sûreté de l’État et essentiellement composé d’islamistes radicaux est en effet une création de Vichy. Quant au SCT, il fut intégré, par le gouvernement successeur de Vichy, dans la Direction générale des Études et Recherches et joua un rôle très appréciable durant la guerre d’Algérie sous le nom de Groupement interministériel de contrôle (GIC). Ce groupement existe toujours… Quant aux écoutes que le président François Mitterrand mit en place durant ses septennats, n’y a-t-il pas « pris goût » — selon l’expression de l’auteur — lorsqu’il ouvrait le courrier envoyé à leurs proches par les soldats français prisonniers en Allemagne ? "
Quand Vichy espionnait les Français, Blog Thucydide
Voir aussi : Conversations secrètes sous l’Occupation, recension d’Alain Monchablon, terminal, 122/2018.
Voici l’extrait du livre, qui traite de la prolongation du SCT après la libération :
« La fin du Service des contrôles techniques n’était pas programmée. L’efficacité du système n’avait échappé à personne, ni au gouvernement de Vichy, ni aux Allemands, ni aux autorités de la France libre, qui, grâce aux fuites organisées à leur profit par des fonctionnaires résistants, devaient exploiter ce même système et ainsi asseoir leur propre autorité. Sur le modèle du SCT, le commandement en chef français civil et militaire du général de Gaulle créait d’ailleurs en 1943, à Alger, son propre Service des Contrôles Techniques. En septembre 1943, ce dernier interceptait 500 000 lettres en Afrique du Nord.
Au fur et à mesure de la libération du territoire, le nouveau pouvoir prend le contrôle de cette activité. Une reprise qui est toujours demeurée très discrète, ce qui explique que les actions du SCT n’aient pas été portées sur la liste des méfaits du régime de Vichy. Le nouveau gouvernement ayant lui aussi à maintenir l’ordre et à sonder l’opinion publique, il lui était difficile de ne pas utiliser l’arme du Contrôle technique, perfectionnée par Darlan et Laval. C’est ainsi que le SCT poursuivit sa délicate mission dans le plus grand secret.
La transition fut d’autant plus facile que les services secrets gaullistes à Alger (DGSS) arrivent en France avec une pratique éprouvée des interceptions. Le SCT de Vichy se trouve ainsi chapeauté par les services secrets de la Libération dirigés par Jacques Soustelle. L’homme n’est ni un organisateur ni un gestionnaire. Il laisse embaucher près de 2000 personnes supplémentaires au SCT, ce qui porte le nombre de ses employés à 7000.
Au printemps 1945, la DGER (ex-DGSS d’Alger) est devenue un organe politico-militaire de renseignements tentaculaire. Son budget est de 257 000 000 francs, il a réquisitionné 123 immeubles, emploie 12 500 militaires et civils, plus un nombre indéterminé de correspondants.
Perdue dans un dossier du ministère de l’intérieur, nous avons trouvé une synthèse hebdomadaire datée du 20 au 27 novembre 1944. Le document a un en-tête ainsi rédigé : « Services spéciaux, Service des contrôles techniques, Inspection régionale de Poitiers. »
La synthèse rend compte d’un travail visiblement moins systématique et moins fouillé que celui des services de Vichy. Dans la première partie consacrée à la surveillance des partis politiques, on sursaute à la lecture de deux intitulés,« activités communistes » et « menées antinationales » , qui visent une hypothétique cinquième colonne nazie.
La synthèse fait part ensuite desopinions au plan intérieur et extérieur et de quelques informations économiques . Malgré la médiocrité de leur activité, les services secrets continuent à faire peur.
Les communistes se sentent particulièrement ciblés par la DGER, qu’ils surnomment « Direction générale des ennemis de la République » et que Jacques Duclos compare à la Gestapo. Le colonel Passy, l’homme des services secrets à Londres, reprend l’activité en 1945, à qui il donne bientôt le nom de SDCE, et se débarrasse d’une partie des effectifs.
Le SCT est une des principales victimes des coupes de budget et de personnel de 1946, puisqu’il se retrouve avec moins de 1500 personnes cantonnées dans des écoutes clandestines sous la tutelle du Premier ministre. Michel Debré, pour contrer l’activité de l’OAS et du FLN pendant la guerre d’Algérie, lui redonnera une certaine vigueur et un nom, Groupement Interministériel de Contrôle (GIC). L’organisme, au cœur de quelques scandales de la Ve République, existe toujours aux Invalides. » p. 334-336.
Également consultés :
Journey of the Past – La censure française
Courriers de France et de Français durant la Seconde Guerre mondiale, avec un menu déroulant sur la gauche.
Prisonniers de guerre, les contrôles postaux militaires
Les commissions de censure de la région de Rennes à la Libération
Le site d’Antoine Lefebure
Surveillance of Public opinion in the Gard departement 1940-1944 : the Postal Control System during Vichy France, de Robert W. Parson
Pour aller plus loin :
L'Oeil et l'oreille de la Résistance : action et rôle des agents des PTT dans la clandestinité au cours du second conflit mondial
Les Archives nationales :
« Ce versement coté 19990440 art. 1-10 a été effectué à la mission des Archives nationales auprès du ministère de l'Intérieur, en mai 1999, avec bordereau, par la direction générale de la police nationale/direction de l'administration de la police nationale / sous-direction de l'administration générale et des finances/bureau des rémunérations et régimes indemnitaires. Il concerne l'organisation et le fonctionnement du Service des contrôles techniques pendant la seconde guerre mondiale ; ce service était chargé du contrôle des correspondances postales, télégraphiques, téléphoniques et radioélectriques. Outre des textes de base, on trouve des fiches nominatives et des états des personnels du Service. Sommaire Art 1-10 : Textes réglementaires concernant le fonctionnement et l’organisation du service des contrôles techniques pendant la deuxième guerre mondiale, fiches nominatives et états des personnels du service,1940-1953 »
Le Service historique de la défense :
GR 28 P 13 Services secrets français à Alger (1942-1944) et Paris (1944-1945), ou (idem ici) :
« Une partie du fonds concerne aussi la surveillance et le contrôle des militaires, mais aussi de plusieurs catégories de population (communistes, gaullistes...). Outre les rapports sur le moral, on trouve par exemple de nombreux bulletins individuels de renseignements ainsi que des comptes rendus d'interceptions postales et téléphoniques, résultat de la production du service des contrôles techniques ».
Les Archives départementales du Rhône :
«Service des contrôles techniques.
Cote/Cotes extrêmes
283W104-283W110
Date
1944-1945
Biographie ou Histoire
Les services des contrôles techniques ont été reconstitués par une instruction générale de la présidence du gouvernement provisoire, direction des services spéciaux, du 20 juin 1944, puis supprimés par une circulaire du ministre de l'Intérieur du 7 juin 1945.
Présentation du contenu
Interception et contrôle des communications postales, télégraphiques et téléphoniques. ».
Bonnes lectures et recherches !
Il n’est pas très facile de trouver des renseignements clairs. Il semblerait que ce contrôle postal persistant à la Libération soit issu du système mis en place par Vichy, le Service des contrôles techniques. A la libération, il servait comme sous Vichy, à mesurer l’état de l’opinion, et à surveiller les « suspects ». En tant que tel, il se serait progressivement éteint en 1946.
Voici ce qu’on peut lire dans Polices des temps noirs [Livre] : France 1939-1945 de Jean-Marc Berlière :
« « L’intérêt et l’utilité du SCT n’ont pas échappé non plus aux autorités de la France Libre, qui ont largement bénéficié, par l’intermédiaire de la Résistance-PTT, des informations collectées par les interceptions postales et des rapports de synthèse sur l’opinion[/b]. C’est si vrai qu’à Alger le Comité français de Libération nationale a créé un service comparable pour l’Algérie et l’AFN. Après les débarquements en Normandie et dans le Var, au fur et à mesure de la libération du territoire, les nouvelles autorités venues d’Alger prennent le contrôle du SCT qui non seulement va subsister, mais se développer pour des raisons faciles à comprendre :
Un décret du 4 septembre 1945, non publié au JO transfère les services de la DGER au ministère de l’Intérieur : un transfert intervenu en fait dès le 1er août, suite à une décision du Comité de défense nationale du 10 juillet. Désormais le SCT est placé sous l’autorité du directeur des RG de la Sûreté nationale.
C’est certainement le fait que la République « rentrée chez elle » ait utilisé et pérennisé un temps le SCT qui explique que – pour ne pas révéler cet espionnage de leur vie privé aux Français – il n’y eut aucune épuration du personnel d’un organe policier qui avait pourtant joué un rôle important pendant l’occupation.
Epilogue
Supprimé le 5 juin 1945 pour ce qui concernait les correspondances à l’intérieur du territoire métropolitain, le contrôle de la correspondance postale, téléphonique et télégraphique fut maintenu pour la correspondance avec les pays neutres jusqu’au 30 novembre 1945. A partir du 1er janvier 1946, les Contrôles techniques le furent uniquement pour ce qui concernait la censure totale des communications entre la France, l’Allemagne et l’Autriche. A cet effet, 2 commissions régionales fonctionnèrent à Metz et Strasbourg, avec des sous-commissions à Sarreguemines, Thionville, Colmar, Lauterburg, Mulhouse et Saint-Louis.
Conséquence de ces rétrécissements successifs, les effectifs du SCT furent réduits à 800 agents et 100 fonctionnaires auxiliaires. Le réemploi des agents licenciés, qui constituaient un «personnel d’une haute valeur technique », n’alla pas sans poser de problèmes : le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur encouragea les commissaires régionaux de la République à intervenir auprès des entreprises privées pour faciliter l’embauche des agents qui ne pourraient pas être reclassés dans un service public.
Antoine Lefébure dans Conversations secrètes sous l'Occupation, situe ce même service dans une histoire plus vaste du renseignement, et voit donc dans le GIC (Groupement Interministériel de Contrôle), l’héritier quasi direct du SCT.
En voici une recension :
« Le Service des contrôles techniques, une arme de répression.
Spécialiste des technologies de communication, fondateur en 1975 de la revue Interférences et auteur, en 1992, d’un ouvrage consacré à l’agence de presse Havas, Antoine Lefébure s’intéresse plus particulièrement aux relations entre pouvoir politique et information. Il a publié en 2014 L’Affaire Snowden. Comment les États-Unis espionnent le monde. Il était naturel pour lui de s’intéresser à un autre espionnage étatique, celui de Vichy durant la seconde guerre mondiale. C’est l’objet de son dernier livre, Conversations secrètes sous l’Occupation, paru le 22 février dernier.
Le système mis en place par Vichy est d’abord réinscrit dans une perspective historique plus large, celle, de la surveillance des communications. Remontant à l’Ancien Régime, Antoine Lefébure évoque les agents de Louis XIII et Louis XIV qui ouvraient le courrier en circulation afin d’y déceler tous les renseignements utiles à « l’art de gouverner ». Cette pratique se prolongea sous la Révolution, durant laquelle le pouvoir souhaitait se prémunir des dangers contre-révolutionnaires et de l’étranger. Napoléon Ier puis Napoléon III la perpétuèrent et, plus étonnant car venant d’une démocratie, la IIIe République.
Grâce à ce système, presque rien n’échappa au régime de Vichy, de l’identité et de la localisation de Juifs à arrêter aux journalistes trop critiques à l’égard du gouvernement, en passant par ces hommes et femmes de la rue hostiles à Laval ou à ces fonctionnaires corrompus, ou bien encore à des collaborateurs prêts à s’engager dans la LVF au nom de la lutte contre le bolchevisme.
[…]
Quand Vichy espionnait les Français, Blog Thucydide
Voir aussi : Conversations secrètes sous l’Occupation, recension d’Alain Monchablon, terminal, 122/2018.
Voici l’extrait du livre, qui traite de la prolongation du SCT après la libération :
« La fin du Service des contrôles techniques n’était pas programmée. L’efficacité du système n’avait échappé à personne, ni au gouvernement de Vichy, ni aux Allemands, ni aux autorités de la France libre, qui, grâce aux fuites organisées à leur profit par des fonctionnaires résistants, devaient exploiter ce même système et ainsi asseoir leur propre autorité. Sur le modèle du SCT, le commandement en chef français civil et militaire du général de Gaulle créait d’ailleurs en 1943, à Alger, son propre Service des Contrôles Techniques. En septembre 1943, ce dernier interceptait 500 000 lettres en Afrique du Nord.
Au fur et à mesure de la libération du territoire, le nouveau pouvoir prend le contrôle de cette activité. Une reprise qui est toujours demeurée très discrète, ce qui explique que les actions du SCT n’aient pas été portées sur la liste des méfaits du régime de Vichy. Le nouveau gouvernement ayant lui aussi à maintenir l’ordre et à sonder l’opinion publique, il lui était difficile de ne pas utiliser l’arme du Contrôle technique, perfectionnée par Darlan et Laval. C’est ainsi que le SCT poursuivit sa délicate mission dans le plus grand secret.
La transition fut d’autant plus facile que les services secrets gaullistes à Alger (DGSS) arrivent en France avec une pratique éprouvée des interceptions. Le SCT de Vichy se trouve ainsi chapeauté par les services secrets de la Libération dirigés par Jacques Soustelle. L’homme n’est ni un organisateur ni un gestionnaire. Il laisse embaucher près de 2000 personnes supplémentaires au SCT, ce qui porte le nombre de ses employés à 7000.
Au printemps 1945, la DGER (ex-DGSS d’Alger) est devenue un organe politico-militaire de renseignements tentaculaire. Son budget est de 257 000 000 francs, il a réquisitionné 123 immeubles, emploie 12 500 militaires et civils, plus un nombre indéterminé de correspondants.
Perdue dans un dossier du ministère de l’intérieur, nous avons trouvé une synthèse hebdomadaire datée du 20 au 27 novembre 1944. Le document a un en-tête ainsi rédigé : « Services spéciaux, Service des contrôles techniques, Inspection régionale de Poitiers. »
La synthèse rend compte d’un travail visiblement moins systématique et moins fouillé que celui des services de Vichy. Dans la première partie consacrée à la surveillance des partis politiques, on sursaute à la lecture de deux intitulés,
La synthèse fait part ensuite des
Les communistes se sentent particulièrement ciblés par la DGER, qu’ils surnomment « Direction générale des ennemis de la République » et que Jacques Duclos compare à la Gestapo. Le colonel Passy, l’homme des services secrets à Londres, reprend l’activité en 1945, à qui il donne bientôt le nom de SDCE, et se débarrasse d’une partie des effectifs.
Le SCT est une des principales victimes des coupes de budget et de personnel de 1946, puisqu’il se retrouve avec moins de 1500 personnes cantonnées dans des écoutes clandestines sous la tutelle du Premier ministre. Michel Debré, pour contrer l’activité de l’OAS et du FLN pendant la guerre d’Algérie, lui redonnera une certaine vigueur et un nom, Groupement Interministériel de Contrôle (GIC). L’organisme, au cœur de quelques scandales de la Ve République, existe toujours aux Invalides. » p. 334-336.
Également consultés :
Journey of the Past – La censure française
Courriers de France et de Français durant la Seconde Guerre mondiale, avec un menu déroulant sur la gauche.
Prisonniers de guerre, les contrôles postaux militaires
Les commissions de censure de la région de Rennes à la Libération
Le site d’Antoine Lefebure
Surveillance of Public opinion in the Gard departement 1940-1944 : the Postal Control System during Vichy France, de Robert W. Parson
Pour aller plus loin :
L'Oeil et l'oreille de la Résistance : action et rôle des agents des PTT dans la clandestinité au cours du second conflit mondial
Les Archives nationales :
« Ce versement coté 19990440 art. 1-10 a été effectué à la mission des Archives nationales auprès du ministère de l'Intérieur, en mai 1999, avec bordereau, par la direction générale de la police nationale/direction de l'administration de la police nationale / sous-direction de l'administration générale et des finances/bureau des rémunérations et régimes indemnitaires. Il concerne l'organisation et le fonctionnement du Service des contrôles techniques pendant la seconde guerre mondiale ; ce service était chargé du contrôle des correspondances postales, télégraphiques, téléphoniques et radioélectriques. Outre des textes de base, on trouve des fiches nominatives et des états des personnels du Service. Sommaire Art 1-10 : Textes réglementaires concernant le fonctionnement et l’organisation du service des contrôles techniques pendant la deuxième guerre mondiale, fiches nominatives et états des personnels du service,
Le Service historique de la défense :
GR 28 P 13 Services secrets français à Alger (1942-1944) et Paris (1944-1945), ou (idem ici) :
« Une partie du fonds concerne aussi la surveillance et le contrôle des militaires, mais aussi de plusieurs catégories de population (communistes, gaullistes...). Outre les rapports sur le moral, on trouve par exemple de nombreux bulletins individuels de renseignements ainsi que des comptes rendus d'interceptions postales et téléphoniques, résultat de la production du service des contrôles techniques ».
Les Archives départementales du Rhône :
«Service des contrôles techniques.
Cote/Cotes extrêmes
283W104-283W110
Date
1944-1945
Biographie ou Histoire
Les services des contrôles techniques ont été reconstitués par une instruction générale de la présidence du gouvernement provisoire, direction des services spéciaux, du 20 juin 1944, puis supprimés par une circulaire du ministre de l'Intérieur du 7 juin 1945.
Présentation du contenu
Interception et contrôle des communications postales, télégraphiques et téléphoniques. ».
Bonnes lectures et recherches !
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