Question d'origine :
Bonjour, je cherche ce que Claude Lévi-Strauss a écrit sur notre société qui devient une société basée sur le médical et la santé et dans quel ouvrage. Pouvez-vous m'aider Par avance, merci
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 17/05/2021 à 15h30
Bonjour,
une récente tribune de Frederic Keck (directeur de recherche au CNRS et directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale), parue dans Libération, revient sur l’apport de la pensée de Claude Levi-Strauss dans le contexte actuel de la pandémie :
"Le président de la République a décrit la pandémie de Covid-19 dans une interview donnée au Financial Times le 16 avril comme «un choc anthropologique très profond : on a mis la moitié de la planète à l'arrêt pour sauver des vies». Depuis le début de cette crise, les anthropologues ont été interrogés dans les médias sur ce qu'elle révèle de notre rapport à la maladie, à la mort, à l'espace public, aux animaux, à la mondialisation… Mais le nom de Claude Lévi-Strauss n'a jamais été prononcé, alors qu'il est sans doute le plus grand anthropologue français du XXe siècle."
Ainsi Levi-Strauss théorise déjà dans les années 60 sur le caractère destructeur d’un consumérisme effréné :
"Les Trente Glorieuses atteignent leur apogée consumériste dans l'insouciance d'un mode de production dont les ravages écologiques commencent à se faire sentir. Or Lévi-Strauss a fait une description pessimiste de ces ravages dès 1955 dans Tristes tropiques et entrepris, dans son vaste parcours des sociétés amérindiennes à travers les Mythologiques entre 1964 et 1971, un inventaire systématique de ce qui reste de la destruction massive de leur environnement. La Pensée sauvage est publié en 1962 la même année que deux ouvrages fondateurs de la pensée écologique contemporaine : Silent Spring de Rachel Carson aux Etats-Unis et Natural History of Infectious Diseases de Frank Macfarlane Burnet en Grande-Bretagne."
Dans son dernier ouvrage «signaux d'alerte : contagion virale, justice sociale, crises environnementales : comment se préparer aux prochaines pandémies», Frederick Keck revient plus longuement sur l'apport conceptuel de l'ethnologue sur les questions de crises sanitaires et environnementales.
Un des textes importants de Levi-Strauss sur ces sujets se trouve être « La leçon de sagesse des vaches folles » paru en 2001 et édité au Seuil en 2013 avec d’autres textes, sous le titre «Nous sommes tous des cannibales».
L’article de Levi-Strauss fait référence à l’épidémie causée par la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez les bovins. Revenant longuement sur le thème du cannibalisme, Claude Lévi-Strauss propose ainsi pour éviter ce cas de "cannibalisme caractérisé", une société utopique dans laquelle « les agronomes et les chimistes produiront des protéines végétales et des minéraux, les animaux seront libérés de l’élevage industriel et chassés pour leur viande consommée de façon exceptionnelle».
Frederick Keck indique également que « Levi Strauss et Levy Bruhl sont des penseurs de la préparation : ils voient dans les catastrophes du XXe siècle des signes permettant aux sociétés modernes de se préparer aux catastrophes futures en observant la façon dont les sociétés non modernes se sont préparées à des évènements de ce type. »
Toujours dans le recueil de texte « Nous sommes tous des cannibales » nous vous conseillons la lecture de l’article intitulé « problèmes de société : excision et procréation assistée ».
Vous trouverez un extrait de ce texte dans le numéro du 11 mars 2013 du Nouvel Obs.
Nous vous invitons également à consulter le premier chapitre de «La pensée sauvage» dans lequel Claude Lévi-Strauss revient sur sa définition de la vérité scientifique.
Nous avons par ailleurs trouvé en ligne un article de l'anthropologue publié en 1981 sur le rôle de la biologie dans nos sociétés. L’article s’avère être une critique plutôt élogieuse de l’ouvrage du biologiste François Jacob "Le jeu des possibles : essai sur la diversité du vivant" :
« Ce qui s'est produit depuis une trentaine d'années en biologie touche plus immédiatement notre condition humaine.Fût-ce en profanes, nous sentons confusément que les problèmes de la vie et de la pensée se rejoignent et rejoignent ensemble ceux de la vie en société.. la biologie contemporaine se situe à une sorte de confluent où convergent avec ses propres problèmes ceux des sciences physiques et ceux des sciences humaines. Raison pour laquelle, mieux que celles-ci et celles-là, la biologie illustre dans ses développements récents un ensemble d'attitudes intellectuelles dont on ne prétendra pas que, communes aux sciences véritables et celles qui n'en ont que le nom, elles débouchent sur des conclusions définitives, mais qui sont caractéristiques d'un état présent de la pensée humaine, et probablement aussi, de certaines de ses constantes...
Ce qui fait de la biologie une science exemplaire, c'est bien, en raison de la place centrale qu'elle occupe dans le tableau général des connaissances, cette incitation à ne rien laisser échapper de ce qui peut faire mieux comprendre l'homme, permettant, et même imposant aux plus grands parmi les siens, d'incessants allers et retours entre le possible et le réel, la logique et l'expérience, l'intelligible et le sensible, l'art et la vie. »
Enfin, l’entrée « corps » de l’abécédaire de Claude Levi-Strauss renvoie au chapitre intitulé « l’efficacité symbolique » de l’anthropologie structurale.
Bonnes recherches !
une récente tribune de Frederic Keck (directeur de recherche au CNRS et directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale), parue dans Libération, revient sur l’apport de la pensée de Claude Levi-Strauss dans le contexte actuel de la pandémie :
"Le président de la République a décrit la pandémie de Covid-19 dans une interview donnée au Financial Times le 16 avril comme «un choc anthropologique très profond : on a mis la moitié de la planète à l'arrêt pour sauver des vies». Depuis le début de cette crise, les anthropologues ont été interrogés dans les médias sur ce qu'elle révèle de notre rapport à la maladie, à la mort, à l'espace public, aux animaux, à la mondialisation… Mais le nom de Claude Lévi-Strauss n'a jamais été prononcé, alors qu'il est sans doute le plus grand anthropologue français du XXe siècle."
Ainsi Levi-Strauss théorise déjà dans les années 60 sur le caractère destructeur d’un consumérisme effréné :
"Les Trente Glorieuses atteignent leur apogée consumériste dans l'insouciance d'un mode de production dont les ravages écologiques commencent à se faire sentir. Or Lévi-Strauss a fait une description pessimiste de ces ravages dès 1955 dans Tristes tropiques et entrepris, dans son vaste parcours des sociétés amérindiennes à travers les Mythologiques entre 1964 et 1971, un inventaire systématique de ce qui reste de la destruction massive de leur environnement. La Pensée sauvage est publié en 1962 la même année que deux ouvrages fondateurs de la pensée écologique contemporaine : Silent Spring de Rachel Carson aux Etats-Unis et Natural History of Infectious Diseases de Frank Macfarlane Burnet en Grande-Bretagne."
Dans son dernier ouvrage «signaux d'alerte : contagion virale, justice sociale, crises environnementales : comment se préparer aux prochaines pandémies», Frederick Keck revient plus longuement sur l'apport conceptuel de l'ethnologue sur les questions de crises sanitaires et environnementales.
Un des textes importants de Levi-Strauss sur ces sujets se trouve être « La leçon de sagesse des vaches folles » paru en 2001 et édité au Seuil en 2013 avec d’autres textes, sous le titre «Nous sommes tous des cannibales».
L’article de Levi-Strauss fait référence à l’épidémie causée par la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez les bovins. Revenant longuement sur le thème du cannibalisme, Claude Lévi-Strauss propose ainsi pour éviter ce cas de "cannibalisme caractérisé", une société utopique dans laquelle « les agronomes et les chimistes produiront des protéines végétales et des minéraux, les animaux seront libérés de l’élevage industriel et chassés pour leur viande consommée de façon exceptionnelle».
Frederick Keck indique également que « Levi Strauss et Levy Bruhl sont des penseurs de la préparation : ils voient dans les catastrophes du XXe siècle des signes permettant aux sociétés modernes de se préparer aux catastrophes futures en observant la façon dont les sociétés non modernes se sont préparées à des évènements de ce type. »
Toujours dans le recueil de texte « Nous sommes tous des cannibales » nous vous conseillons la lecture de l’article intitulé « problèmes de société : excision et procréation assistée ».
Vous trouverez un extrait de ce texte dans le numéro du 11 mars 2013 du Nouvel Obs.
Nous vous invitons également à consulter le premier chapitre de «La pensée sauvage» dans lequel Claude Lévi-Strauss revient sur sa définition de la vérité scientifique.
Nous avons par ailleurs trouvé en ligne un article de l'anthropologue publié en 1981 sur le rôle de la biologie dans nos sociétés. L’article s’avère être une critique plutôt élogieuse de l’ouvrage du biologiste François Jacob "Le jeu des possibles : essai sur la diversité du vivant" :
« Ce qui s'est produit depuis une trentaine d'années en biologie touche plus immédiatement notre condition humaine.Fût-ce en profanes, nous sentons confusément que les problèmes de la vie et de la pensée se rejoignent et rejoignent ensemble ceux de la vie en société.. la biologie contemporaine se situe à une sorte de confluent où convergent avec ses propres problèmes ceux des sciences physiques et ceux des sciences humaines. Raison pour laquelle, mieux que celles-ci et celles-là, la biologie illustre dans ses développements récents un ensemble d'attitudes intellectuelles dont on ne prétendra pas que, communes aux sciences véritables et celles qui n'en ont que le nom, elles débouchent sur des conclusions définitives, mais qui sont caractéristiques d'un état présent de la pensée humaine, et probablement aussi, de certaines de ses constantes...
Ce qui fait de la biologie une science exemplaire, c'est bien, en raison de la place centrale qu'elle occupe dans le tableau général des connaissances, cette incitation à ne rien laisser échapper de ce qui peut faire mieux comprendre l'homme, permettant, et même imposant aux plus grands parmi les siens, d'incessants allers et retours entre le possible et le réel, la logique et l'expérience, l'intelligible et le sensible, l'art et la vie. »
Enfin, l’entrée « corps » de l’abécédaire de Claude Levi-Strauss renvoie au chapitre intitulé « l’efficacité symbolique » de l’anthropologie structurale.
Bonnes recherches !
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