Réponse du Département Société :
Bonjour,
Si les combats militants de
Françoise d’Eaubonne sont restés longtemps méconnus du grand public, cette penseuse écrivaine prolifique, ouvertement communiste, a laissé une empreinte très importante dans les fondations du féminisme actuel.
Le courant de pensée féministe dont elle est à l’origine (ou du moins une des origines),
l'écoféminisme, né dans un contexte post soixante-huitard, est largement revisité et regardé avec un intérêt nouveau au 21e siècle, à la lumière d’un féminisme et d’une écologie qui a évolué.
Pour preuve, son essai dans lequel apparaît pour la première fois le terme d’
écoféminisme,
Le féminisme ou la mort, qui resta longtemps épuisé est réédité en octobre 2020.
Le travail récent des auteurs
Serge Latouche et Caroline Goldblum pour expliciter la pensée eaubonienne a également contribué à la remettre en lumière.
D’autre part,
l'écoféminisme trouve un écho particulier chez les nouvelles générations de jeunes féministes sensibilisées à l’écologie dès la naissance.
Elle est considérée comme une pionnière de l’écoféminisme car ce terme est apparu pour la première fois dans un de ses essais, en 1974,
Le féminisme et la mort intitulé ainsi en référence Ã
L'utopie ou la mort signé par le premier candidat écologiste à l’élection présidentielle,
René Dumont, que cette dernière soutenait avec enthousiasme et fermeté.
L’écoféminisme est un courant de pensée mêlant féminisme et écologie. Celui porté par Françoise d’Eaubonne était radical et inventif.
Comme l’explique ce film instructif sur Arte Replay,
L'écoféminisme, d’où ça vient?, il trouve sa source dans la parution en 1972 du
rapport Meadows dans lequel des chercheurs du MIT montrèrent les risques amenés par la corrélation entre croissance démographique et croissance économique.
Françoise d’Eaubonne fit un parallèle entre l’exploitation de la planète et l'exploitation du corps féminin, poussé à alimenter cette croissance démographique exponentielle et victime du « lapinisme phallocratique» et du patriarcat.
«
Ce lapinisme décuplerait les effets délétères du patriarcat-capitalisme, puisque la croissance démographique entraîne la croissance de la production et donc la solidification des mécanismes d’exploitation de la nature, des salariés, des femmes, et du Sud. ».
L’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne, Une pensée de gauche escamotée ? d’Iris Derzelle.
De façon plus générale, elle considère que le capitalisme contemporain est le fruit du patriarcat et que ce dernier, une fois bien ancré, a pris le contrôle de la fécondité et participant à leur marginalisation et leur affaiblissement dans la sphère sociale :
« (…).
En effet, selon la militante, les ressorts de l’exploitation capitaliste ne seraient pas réductibles à la lutte des classes mais procéderaient d’un ensemble de structures mentales séculaires, qu’elle qualifie de « patriarcales ».
Elle soutient ainsi que le capitalisme est une incarnation de l’imaginaire patriarcal, dont elle situe l’émergence entre les quatrième et troisième millénaires avant l’ère commune. Une transformation radicale des infrastructures et superstructures continentales serait advenue à cette époque, sous l’influence des peuples nordiques. La charrue aurait été substituée à la houe, outil majeur de l’agriculture féminine traditionnelle, et la gestion des terres serait alors passée entre les mains des hommes – transformation de l’infrastructure. De nouveaux phénomènes naturels auraient conséquemment été observés, comme la reproduction du bétail, et les hommes en auraient induit leur rôle dans la reproduction humaine – transformation de la superstructure. Selon l’écoféministe, les hommes auraient ainsi pris le contrôle global de la fécondité, c’est-à -dire le contrôle de la fécondité de la nature et de la fécondité des femmes, dont la participation au processus de reproduction n’aurait pas été soupçonnée. Celles-ci auraient donc été considérées comme non-actrices de la procréation et en auraient été, par conséquent, écartées des transmissions testamentaires. Leur marginalisation socio-économique trouverait ici son origine. ».
Les combats de Françoise d’Eaubonne furent multiples. Elle a milité contre la peine de mort, la guerre d’Algérie entre autres en portant toujours ses actions par des actions fortes, « coup de poing » et non dénuées d’humour.
Si sa postérité fut tardive donc, elle a néanmoins fait germer des graines d’écoféminisme un peu partout dans le monde dès les années 1970 :
Women For Life on Earth (US, Grande Bretagne),
The Green Belt Movement (Kenya) ou encore en Inde avec le
mouvement Chipko.
Vous trouverez sur internet (Vimeo) un superbe
entretien de Françoise d'Eaubonne par Jacques Chancel dans son émission culte Radiographie datant du 10 mai 1977. Vous y découvrirez sa pensée complexe comme sa gouaille convaincante !
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