Question d'origine :
Depuis quand le mot « nègre » est-il devenu péjoratif en français ? Frédéric Crouslé Grégoire publie en 1808 "De la littérature des nègres" afin de réhabiliter la culture africaine. En réalité, il n'y a pas d'usage péjoratif systématique du mot "nègre" avant les années 1960-70. En 1970, le président Pompidou, dans un discours à l'Unesco, évoque un "masque nègre" pour louer la culture africaine. Le mot n'était donc pas encore perçu comme a priori péjoratif.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 19/01/2021 à 09h23
Bonjour,
Interroge, équivalent genevois du Guichet du Savoir, a déjà répondu à votre question :
« Comme le dit "Le Robert : dictionnaire historique de la langue française" :
"Nègre "homme de race noire" a pris au XVIIIe s. plus particulièrement le sens d'"esclave noir" (1704), avec les locutions "traiter (qqn) comme un nègre" (1740-1755) et "travailler comme un nègre"(1812), cette dernière encore vivante [...]. Le mot est souvent évité pour sa valeur péjorative et raciste, sauf quand il est employé par les Noirs eux-mêmes, ceci surtout depuis la prise de conscience d'une spécificité culturelle, liée au mouvement de décolonisation du milieu du XXe siècle"
"Le mot nègre ne correspond à aucune classification scientifique en anthropologie" est-il dit dans "le Grand Robert"
Cela nous amène au terme "négritude" (1933) répandu par Léopold Sedar Senghor (1906-2001), écrivain, poète et homme politique sénégalais qui, à l'instar de Aimé Césaire (1913-2008), d'origine martiniquaise, revendique son appartenance à la race noire.
- "Haïti où la négritude se mit debout pour la première fois et dit qu'elle croyait à son humanité" (A. Césaire : "Cahier d'un retour au pays natal")
- "La négritude, c'est l'ensemble des valeurs culturelles du monde noire, telles qu'elles s'expriment dans la vie, les institutions et les oeuvres des Noirs. Je dis que c'est là une réalité : un noeud de réalités". (Senghor : "Liberté 1, négritude et humanisme")
Nègre, négro, négrillon, négroïde, cette série de mots est fortement connotée, car comme il est dit plus loin dans le dictionnaire cité plus haut : "Déjà au XVIIIe siècle l'emploi de "nègre" chez les philosophes qui étaient anti-esclavagistes, est marquée par une gêne sensible. Au XIXe siècle, "nègre" et ses dérivés sont de plus en plus ressentis comme racistes." Déjà Voltaire dans son "Candide" essayait de donner un sens positif au mot "nègre".
Pour citer quelques artistes et écrivains, Blaise Cendrars a intitulé une de ses oeuvres "Anthologie Nègre" (1924). Il y a également eu "La revue Nègre" avec Joséphine Baker, (même si dans ce cas précis, un certain racisme n'était pas absent).
Les artistes de cette époque, comme Picasso, étaient fascinés par l'art africain, qui a eu une forte influence sur le cubisme (voir à ce sujet le livre : "Le peintre, le poète, le sauvage : les voies du primitivisme dans l'art français, de Philippe Dagen). Durant les années folles, avec l'arrivée du Jazz, une véritable mode s'est installée et les Noirs venaient volontiers en France où le racisme anti-noir était beaucoup moins fort qu'aux Etats-Unis. Dès la crise de 29, les choses changeront... vous pouvez, par curiosité, jeter un oeil sur le reportage réalisé par la télévision française sur le Paris des années folles. Le chapitre concernant Joséphine Baker vous intéressera tout particulièrement, vous le trouverez vers 1:10 dans le film.
Le mot "tête de nègre" (XIXe s.), désignant cette fameuse confiserie faite de blanc d'oeuf battu entouré de chocolat a été remplacé dans les années 90 par le mot "tête de choco". "14 janvier 1992 - Pour éviter de blesser des gens et donnant satisfaction à quelques interventions, Chocolats et Cafés Villars SA, à Fribourg, rebaptise ses têtes de nègre « Tête au choco »".
Le mot "nègre" peut être encore utilisé dans d'autres circonstances avec un sens bien particulier, comme par exemple :
- en littérature, pour désigner une personne qui écrit un texte, un livre, qui sera signé par quelqu'un d'autre. (apparu en 1757). "Cet emploi est aujourd'hui [...] marqué comme raciste et l'on donne en exemple la métaphore de l'anglais sur "fantôme" (ghost writer)."
- en bibliophilie : un marocain marron foncé, est désigné "tête-de-nègre"
- il existe également un champignon du genre bolet, appelé cèpe "Tête-de-Nègre" nous dit encore le "Robert historique".
Aujourd'hui, il existe le politiquement correct, et voici ce qu'écrit Georges Lebouc à la page 49 de son ouvrage "Parlez-vous politiquement correct ?" aussi accessible en ligne sur le site Google Livres :
"Abordons à présent la question qui fâche, celle des Noirs aussi appelés personnes de couleur. [...]
Etait-ce suffisant pour que le mot nègre devienne tabou ? Il faut le croire, puisque le Larousse précise que "l'utilisation fréquente de ce mot dans des contextes racistes lui fait généralement préférer aujourd'hui le terme neutre de Noir." [...] Plus question donc de "travailler comme un nègre", de manger des nègres en chemise ni surtout de faire rédiger par des "nègres" les discours des politiciens ou les mémoires des vedettes ! [...]
Que dire, alors, à la place du "nègre" prohibé ? Ce ne sont pas les termes qui manquent : on pourra parler de "personne de race noire", de "mélano-africain", de "négro-africain", d'"afro-américain" ou de "négro-américain"! Mais surtout, jetez aux orties les "black" et autre kebla (en verlan) de même que les renois !.
Tout ceci si vous appartenez à la race blanche ! Car si vous êtes un Noir, vous allez, au contraire, revendiquer votre négritude. Vous valoriserez l'art nègre, celui de l'Afrique noire.
Il faudrait s'entendre ! Le mot nègre désigne une personne de race noire. A vouloir le dissimuler puis le restaurer, on en arrive précisément à une attitude "nègre blanc" pleine d'ambiguïté parce qu'elle tente de concilier des thèses contraires."
A ce sujet, nous finirons sur un passage du l'ouvrage de Christian Delacampagne "Une histoire du racisme" :
"La France métissée et fière de l''être [...] ne restera, en effet, qu'une image d'Epinal, sympathique mais inopérante, aussi longtemps que les "Blacks" et les "Beurs" ne jouiront pas réellement des mêmes droits politiques que les "Blancs". »
Source : Quand le terme "nègre" est-il devenu péjoratif ?, institutions.ville-geneve.ch
Par ailleurs, l’article de France Culture De l'esclavage à Laurence Rossignol, une brève histoire du mot "nègre" s’intéresse aux travaux de l’historien Pap NDiaye, pionnier des black studies, auteur en 2008 de La condition noire :
« L'historien Pap Ndiaye, qui publiait en 2008 La condition noire, et fait figure de pionnier de "black studies" aussi tardives que timides en France, […] rappelle que "ce mot est directement lié aux traites transatlantiques", il décrypte son usage dans l''histoire […] :
Si vous consultez un dictionnaire de français de la fin du XVIIIème siècle, au mot "nègre" vous pourrez lire : "Voir esclave". Il y a une équivalence complète entre les deux termes "nègre" et "esclave". "Nègre" a toujours été explicitement lié à l'état de servitude. Jusqu'à la fin du XVème siècle , l'esclavage n'est pas racialisé : au marché aux esclaves de Chypre, vous trouviez des esclaves originaires du Proche Orient, d'Europe de l'Est ou d'Afrique. A partir de la fin du XVIIème siècle, l'esclavage se caractérise par le fait qu'il est assimilé au monde noir.
Le "trio nègre" de Duke Ellington à la radio française
Quand on fouille dans les archives radiophoniques, on découvre qu'on annonçait tranquillement "le trio vocal nègre" de Duke Ellington à l'antenne en 1949 pour un quart d'heure de jazz live.
Un quart de siècle après l'âge d'or des bals nègres qui avaient fait sa célébrité, Joséphine Baker utilisait encore l'adjectif "nègre" pour évoquer son arrivée en France en 1924... dans une interview datant de 1953.
Pap Ndiaye confirme que cet emploi jusque dans les années 50 est "tardif" :
Le terme "nègre", très présent jusque dans les années 30 dans le monde des arts vivants et le monde de la danse, des revues et des bals, avait alors tendance à disparaître, car on soulignait déjà sa connotation péjorative.
Ainsi, lorsque Léopold Sedar Senghor et Aimé Césaire ont fondé en 1935 leur revue, ils hésitent : faut-il l'appeler "L'Etudiant nègre" ou "L'Etudiant noir" ? Les deux intellectuels et poètes choisissent finalement la deuxième option, raconte Ndiaye :
Le mot "nègre" leur semblant trop péjoratif, même si les deux mêmes le détourneront pour fonder le concept de "négritude". L'inversion du stigmate leur semblait à l'époque de la revue trop difficile.
Quand Pompidou valorisait "les masques nègres"
Une décennie plus tard, Senghor publiera pourtant en 1947 son Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, plus connue dans son édition de 1948 lorsqu'elle s'adjoint une préface signée Jean-Paul Sartre. Il évoquait à la radio publique en 1949 son ouvrage publié -ça ne s'invente pas- dans la collection "Colonies et empire" aux PUF.
Quand Georges Pompidou, qui s'était lié avec Césaire et Senghor du temps de Normale Sup, inaugure en 1970 le siège de l'UNESCO à Paris, son discours cherche à pourfendre la hiérarchie des races et des cultures... et emploie justement le terme "masque nègre".
Paradoxal, sachant que l'expression "arts premiers" ne s'est pas encore imposée ? Plutôt révélateur, considère Pap Ndiaye :
L' Anthologie est révélatrice de l'usage du terme "nègre" dans le monde artistique. Senghor fait ici référence à une histoire littéraire, et pas à une expression identitaire, personnelle et politique. Quant au terme "masque nègre", Pompidou fait encore référence au domaine de la création. Le musée du Quai Branly [inauguré par Jacques Chirac en 2006 ndlr] n'existe pas encore, c'est la grande époque du Musée de l'homme. Mais on arrêtera justement d'utiliser le terme "masque nègre" au profit de "masque africain" dans les années 70. »
Nous vous invitons à consulter l’article dans son intégralité ici : De l'esclavage à Laurence Rossignol, une brève histoire du mot "nègre", franceculture.fr
Bonne journée.
Interroge, équivalent genevois du Guichet du Savoir, a déjà répondu à votre question :
« Comme le dit "Le Robert : dictionnaire historique de la langue française" :
"Nègre "homme de race noire" a pris au XVIIIe s. plus particulièrement le sens d'"esclave noir" (1704), avec les locutions "traiter (qqn) comme un nègre" (1740-1755) et "travailler comme un nègre"(1812), cette dernière encore vivante [...]. Le mot est souvent évité pour sa valeur péjorative et raciste, sauf quand il est employé par les Noirs eux-mêmes, ceci surtout depuis la prise de conscience d'une spécificité culturelle, liée au mouvement de décolonisation du milieu du XXe siècle"
"Le mot nègre ne correspond à aucune classification scientifique en anthropologie" est-il dit dans "le Grand Robert"
Cela nous amène au terme "négritude" (1933) répandu par Léopold Sedar Senghor (1906-2001), écrivain, poète et homme politique sénégalais qui, à l'instar de Aimé Césaire (1913-2008), d'origine martiniquaise, revendique son appartenance à la race noire.
- "Haïti où la négritude se mit debout pour la première fois et dit qu'elle croyait à son humanité" (A. Césaire : "Cahier d'un retour au pays natal")
- "La négritude, c'est l'ensemble des valeurs culturelles du monde noire, telles qu'elles s'expriment dans la vie, les institutions et les oeuvres des Noirs. Je dis que c'est là une réalité : un noeud de réalités". (Senghor : "Liberté 1, négritude et humanisme")
Nègre, négro, négrillon, négroïde, cette série de mots est fortement connotée, car comme il est dit plus loin dans le dictionnaire cité plus haut : "Déjà au XVIIIe siècle l'emploi de "nègre" chez les philosophes qui étaient anti-esclavagistes, est marquée par une gêne sensible. Au XIXe siècle, "nègre" et ses dérivés sont de plus en plus ressentis comme racistes." Déjà Voltaire dans son "Candide" essayait de donner un sens positif au mot "nègre".
Pour citer quelques artistes et écrivains, Blaise Cendrars a intitulé une de ses oeuvres "Anthologie Nègre" (1924). Il y a également eu "La revue Nègre" avec Joséphine Baker, (même si dans ce cas précis, un certain racisme n'était pas absent).
Les artistes de cette époque, comme Picasso, étaient fascinés par l'art africain, qui a eu une forte influence sur le cubisme (voir à ce sujet le livre : "Le peintre, le poète, le sauvage : les voies du primitivisme dans l'art français, de Philippe Dagen). Durant les années folles, avec l'arrivée du Jazz, une véritable mode s'est installée et les Noirs venaient volontiers en France où le racisme anti-noir était beaucoup moins fort qu'aux Etats-Unis. Dès la crise de 29, les choses changeront... vous pouvez, par curiosité, jeter un oeil sur le reportage réalisé par la télévision française sur le Paris des années folles. Le chapitre concernant Joséphine Baker vous intéressera tout particulièrement, vous le trouverez vers 1:10 dans le film.
Le mot "tête de nègre" (XIXe s.), désignant cette fameuse confiserie faite de blanc d'oeuf battu entouré de chocolat a été remplacé dans les années 90 par le mot "tête de choco". "14 janvier 1992 - Pour éviter de blesser des gens et donnant satisfaction à quelques interventions, Chocolats et Cafés Villars SA, à Fribourg, rebaptise ses têtes de nègre « Tête au choco »".
Le mot "nègre" peut être encore utilisé dans d'autres circonstances avec un sens bien particulier, comme par exemple :
- en littérature, pour désigner une personne qui écrit un texte, un livre, qui sera signé par quelqu'un d'autre. (apparu en 1757). "Cet emploi est aujourd'hui [...] marqué comme raciste et l'on donne en exemple la métaphore de l'anglais sur "fantôme" (ghost writer)."
- en bibliophilie : un marocain marron foncé, est désigné "tête-de-nègre"
- il existe également un champignon du genre bolet, appelé cèpe "Tête-de-Nègre" nous dit encore le "Robert historique".
Aujourd'hui, il existe le politiquement correct, et voici ce qu'écrit Georges Lebouc à la page 49 de son ouvrage "Parlez-vous politiquement correct ?" aussi accessible en ligne sur le site Google Livres :
"Abordons à présent la question qui fâche, celle des Noirs aussi appelés personnes de couleur. [...]
Etait-ce suffisant pour que le mot nègre devienne tabou ? Il faut le croire, puisque le Larousse précise que "l'utilisation fréquente de ce mot dans des contextes racistes lui fait généralement préférer aujourd'hui le terme neutre de Noir." [...] Plus question donc de "travailler comme un nègre", de manger des nègres en chemise ni surtout de faire rédiger par des "nègres" les discours des politiciens ou les mémoires des vedettes ! [...]
Que dire, alors, à la place du "nègre" prohibé ? Ce ne sont pas les termes qui manquent : on pourra parler de "personne de race noire", de "mélano-africain", de "négro-africain", d'"afro-américain" ou de "négro-américain"! Mais surtout, jetez aux orties les "black" et autre kebla (en verlan) de même que les renois !.
Tout ceci si vous appartenez à la race blanche ! Car si vous êtes un Noir, vous allez, au contraire, revendiquer votre négritude. Vous valoriserez l'art nègre, celui de l'Afrique noire.
Il faudrait s'entendre ! Le mot nègre désigne une personne de race noire. A vouloir le dissimuler puis le restaurer, on en arrive précisément à une attitude "nègre blanc" pleine d'ambiguïté parce qu'elle tente de concilier des thèses contraires."
A ce sujet, nous finirons sur un passage du l'ouvrage de Christian Delacampagne "Une histoire du racisme" :
"La France métissée et fière de l''être [...] ne restera, en effet, qu'une image d'Epinal, sympathique mais inopérante, aussi longtemps que les "Blacks" et les "Beurs" ne jouiront pas réellement des mêmes droits politiques que les "Blancs". »
Source : Quand le terme "nègre" est-il devenu péjoratif ?, institutions.ville-geneve.ch
Par ailleurs, l’article de France Culture De l'esclavage à Laurence Rossignol, une brève histoire du mot "nègre" s’intéresse aux travaux de l’historien Pap NDiaye, pionnier des black studies, auteur en 2008 de La condition noire :
« L'historien Pap Ndiaye, qui publiait en 2008 La condition noire, et fait figure de pionnier de "black studies" aussi tardives que timides en France, […] rappelle que "ce mot est directement lié aux traites transatlantiques", il décrypte son usage dans l''histoire […] :
Si vous consultez un dictionnaire de français de la fin du XVIIIème siècle, au mot "nègre" vous pourrez lire : "Voir esclave". Il y a une équivalence complète entre les deux termes "nègre" et "esclave". "Nègre" a toujours été explicitement lié à l'état de servitude. Jusqu'à la fin du XVème siècle , l'esclavage n'est pas racialisé : au marché aux esclaves de Chypre, vous trouviez des esclaves originaires du Proche Orient, d'Europe de l'Est ou d'Afrique. A partir de la fin du XVIIème siècle, l'esclavage se caractérise par le fait qu'il est assimilé au monde noir.
Le "trio nègre" de Duke Ellington à la radio française
Quand on fouille dans les archives radiophoniques, on découvre qu'on annonçait tranquillement "le trio vocal nègre" de Duke Ellington à l'antenne en 1949 pour un quart d'heure de jazz live.
Un quart de siècle après l'âge d'or des bals nègres qui avaient fait sa célébrité, Joséphine Baker utilisait encore l'adjectif "nègre" pour évoquer son arrivée en France en 1924... dans une interview datant de 1953.
Pap Ndiaye confirme que cet emploi jusque dans les années 50 est "tardif" :
Le terme "nègre", très présent jusque dans les années 30 dans le monde des arts vivants et le monde de la danse, des revues et des bals, avait alors tendance à disparaître, car on soulignait déjà sa connotation péjorative.
Ainsi, lorsque Léopold Sedar Senghor et Aimé Césaire ont fondé en 1935 leur revue, ils hésitent : faut-il l'appeler "L'Etudiant nègre" ou "L'Etudiant noir" ? Les deux intellectuels et poètes choisissent finalement la deuxième option, raconte Ndiaye :
Le mot "nègre" leur semblant trop péjoratif, même si les deux mêmes le détourneront pour fonder le concept de "négritude". L'inversion du stigmate leur semblait à l'époque de la revue trop difficile.
Quand Pompidou valorisait "les masques nègres"
Une décennie plus tard, Senghor publiera pourtant en 1947 son Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, plus connue dans son édition de 1948 lorsqu'elle s'adjoint une préface signée Jean-Paul Sartre. Il évoquait à la radio publique en 1949 son ouvrage publié -ça ne s'invente pas- dans la collection "Colonies et empire" aux PUF.
Quand Georges Pompidou, qui s'était lié avec Césaire et Senghor du temps de Normale Sup, inaugure en 1970 le siège de l'UNESCO à Paris, son discours cherche à pourfendre la hiérarchie des races et des cultures... et emploie justement le terme "masque nègre".
Paradoxal, sachant que l'expression "arts premiers" ne s'est pas encore imposée ? Plutôt révélateur, considère Pap Ndiaye :
L' Anthologie est révélatrice de l'usage du terme "nègre" dans le monde artistique. Senghor fait ici référence à une histoire littéraire, et pas à une expression identitaire, personnelle et politique. Quant au terme "masque nègre", Pompidou fait encore référence au domaine de la création. Le musée du Quai Branly [inauguré par Jacques Chirac en 2006 ndlr] n'existe pas encore, c'est la grande époque du Musée de l'homme. Mais on arrêtera justement d'utiliser le terme "masque nègre" au profit de "masque africain" dans les années 70. »
Nous vous invitons à consulter l’article dans son intégralité ici : De l'esclavage à Laurence Rossignol, une brève histoire du mot "nègre", franceculture.fr
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter