Question d'origine :
Quelles actions mettre en place pour se débarrasser de sa jalousie, qu'elle soit amoureuse ou amicale ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 03/03/2021 à 13h30
Bonjour,
Pour le professeur de philosophie Philippe Fontaine, « si le jaloux, par définition, craint de perdre ce qu’il possède, c’est, dira-t-on, qu’il se sent bien mal assuré dans sa possession. Mais au fond, n’avons-nous pas toujours le sentiment de ne pas posséder assez ce que nous possédons ? Tout se passe comme si nous étions habités par un désir insatiable de posséder, une avidité qu’aucun bien ne saurait combler. En sorte que la jalousie résulterait de ce que l’homme n’est pas seulement un être de besoins, mais aussi et surtout de désir [et] le désir ne saurait trouver d’objet à sa mesure, en tant qu’il est infini et illimité […]. La crainte de ne pas posséder assez, et donc de perdre l’être aimé, condamnerait alors le jaloux au doute […] C’est que pour le jaloux, les faits sont autant de signes qui renvoient à une vérité cachée et menaçante. Mais d’où viennent ses doutes, et commet expliquer qu’il semble les cultiver ? »
C’est notamment en tentant de répondre à cette dernière question que l’on peut élaborer des pistes d’actions pour essayer de contenir, d’atténuer le sentiment de jalousie.
Comme le suggère Nicolas Gueguen dans son article paru dans Cerveau et psycho, la jalousie trouverait son origine dans un manque de confiance en soi : « Le psychologue Don Sharpsteen, de l’université du Missouri, a constaté que les participants [à l’étude citée dans l’article] manifestent d’autant plus de jalousie à l’endroit de leur partenaire, qu’ils sentent leur estime de soi menacée […]. On peut donc s’attendre (mais cela reste à vérifier scientifiquement) que tout ce qui renforce la confiance en soi diminue la jalousie ».
Vous pourriez alors consulter les nombreux documents de la bibliothèque de Lyon qui proposent de développer l’estime de soi.
Nous vous invitons notamment à lire les conseils d’Ilios Kotsou et Dominique Steiler dans Vraiment sûr de moi, paru en 2018 chez De Boeck.
ou à mettre en pratique les exercices de Laurence Benatar dans 50 exercices de confiance en soi, paru en 2014 chez Ellipses.
C’est également ce que suggère la psychologue Michelle Larivey dans son livre audio la puissance des émotions
« La solution réside plutôt dans le développement de ma confiance en moi. Il s’agit évidemment d’une entreprise à moyen terme qui ne m’empêchera pas pendant un certain temps d’être troublé par le regard que mon ami.e posera sur d’autres. Mais je pourrai alors lui parler de mon insécurité plutôt que de ce qu’il fait. Notre relation aura ainsi moins de chance d’être envenimée par mon insécurité parce que chaque manifestation de ma jalousie sera une occasion d’évolution personnelle… »
On peut donc s’appuyer sur une démarche de développement la confiance, mais on peut également explorer sa subjectivité, son passé, son histoire, pour mieux comprendre d’où provient la violence de ce sentiment.
A ce sujet, Patrick Ange Raoult précise dans Comprendre et soigner la jalousie : « La jalousie relève de ces émotions complexes arrimées aux tresses singulière de l’histoire relationnel ». Aussi, une psychothérapie auprès d’un psychologue clinicien ou d’un psychanalyste peut de ce point de vue constituer une bonne démarche pour apprivoiser la jalousie.
Vous trouverez par ailleurs dans l’ouvrage de Raoult de nombreuses réflexions qui permettent de mieux comprendre en profondeur ce sentiment mais également de cerner les méthodes analytiques pour « soigner la jalousie ».
On peut enfin consulter un.e psychologue spécialisé dans les thérapies comportementales et cognitives pour comprendre et déconstruire les mécanismes de la jalousie. C’est ce que propose par exemple Alain Krotenberg, cité dans l’article d’Anne-Laure Gannac, « Sortir du cercle infernal de la jalousie » publié sur le site pschologies.com : « “Dans un premier temps, je demande à la personne jalouse de noter régulièrement à quel rythme et avec quelle intensité se manifeste sa souffrance avant, pendant et après ses crises de jalousie” explique Alain Krotenberg. C’est la partie dite cognitive. Le thérapeute propose ensuite un jeu de rôles : “Le patient se met dans la peau de sa “victime”, moi dans la sienne, puis nous inversons”. Cette approche comportementale permet au jaloux de prendre conscience de ce qu’il y a d’excessif dans sa manière d’agir et de raisonner ».
Cependant, nombreux sont les psychologues, comme N. Gueguen, à rappeler qu’ « une pointe de jalousie n’est pas obligatoirement néfaste […]. On sait que certaines personnes aiment détecter une pointe de jalousie dans la voix ou le regard de leur conjoint, car elles y voient le signe de leur attachement. Au contraire, l’absence totale de jalousie peut être prise pour de l’indifférence ».
Selon la philosophe Giulia Sissa, il est même nécessaire de renverser nos représentations sur ce sentiment. Dans La Jalousie, une passion inavouable, elle affirme que la jalousie est « normale », « réaliste » et… « salutaire. C’est son refoulement qui la transforme en symptôme. Dès que nous admettons la singularité fragile de l’amour, nous pouvons, finalement, le dire : je suis jalouse, je suis jaloux, parce que cette personne-ci, je ne sais pas très bien pourquoi, signifie quelque chose d’unique pour moi. Dire, au lieu de taire ; admettre au lieu de renier ».
Au fond, tous celles et ceux qui essayent de penser ce sentiment si complexe seraient d’accord sur le fait qu’il n’est sans doute ni possible, ni souhaitable de « se débarrasser » de la jalousie, tant elle constitue un affect humain, trop humain. Bien sûr, si le sentiment nous déborde et nous nuit ainsi qu’à notre entourage, alors développer sa confiance en soi et/ou comprendre dans son histoire personnelle ce qui produit cette violence du sentiment est nécessaire. Pour mener à bien ces démarches, un tiers (psychologue, psychiatre, psychanalyste) s’avère dans certains cas indispensable.
Pour aller plus loin :
• La jalousie amoureuse, comment la rendre fertile, un texte lu de et par Michelle Larivey, 2004.
• Jalousie(s), un affect en souffrance, une souffrance de l’affect, sous la direction de P. A. Raoult, chez Inpress, 2015
Bonnes lectures !
Pour le professeur de philosophie Philippe Fontaine, « si le jaloux, par définition, craint de perdre ce qu’il possède, c’est, dira-t-on, qu’il se sent bien mal assuré dans sa possession. Mais au fond, n’avons-nous pas toujours le sentiment de ne pas posséder assez ce que nous possédons ? Tout se passe comme si nous étions habités par un désir insatiable de posséder, une avidité qu’aucun bien ne saurait combler. En sorte que la jalousie résulterait de ce que l’homme n’est pas seulement un être de besoins, mais aussi et surtout de désir [et] le désir ne saurait trouver d’objet à sa mesure, en tant qu’il est infini et illimité […]. La crainte de ne pas posséder assez, et donc de perdre l’être aimé, condamnerait alors le jaloux au doute […] C’est que pour le jaloux, les faits sont autant de signes qui renvoient à une vérité cachée et menaçante. Mais d’où viennent ses doutes, et commet expliquer qu’il semble les cultiver ? »
C’est notamment en tentant de répondre à cette dernière question que l’on peut élaborer des pistes d’actions pour essayer de contenir, d’atténuer le sentiment de jalousie.
Comme le suggère Nicolas Gueguen dans son article paru dans Cerveau et psycho, la jalousie trouverait son origine dans un manque de confiance en soi : « Le psychologue Don Sharpsteen, de l’université du Missouri, a constaté que les participants [à l’étude citée dans l’article] manifestent d’autant plus de jalousie à l’endroit de leur partenaire, qu’ils sentent leur estime de soi menacée […]. On peut donc s’attendre (mais cela reste à vérifier scientifiquement) que tout ce qui renforce la confiance en soi diminue la jalousie ».
Vous pourriez alors consulter les nombreux documents de la bibliothèque de Lyon qui proposent de développer l’estime de soi.
Nous vous invitons notamment à lire les conseils d’Ilios Kotsou et Dominique Steiler dans Vraiment sûr de moi, paru en 2018 chez De Boeck.
ou à mettre en pratique les exercices de Laurence Benatar dans 50 exercices de confiance en soi, paru en 2014 chez Ellipses.
C’est également ce que suggère la psychologue Michelle Larivey dans son livre audio la puissance des émotions
« La solution réside plutôt dans le développement de ma confiance en moi. Il s’agit évidemment d’une entreprise à moyen terme qui ne m’empêchera pas pendant un certain temps d’être troublé par le regard que mon ami.e posera sur d’autres. Mais je pourrai alors lui parler de mon insécurité plutôt que de ce qu’il fait. Notre relation aura ainsi moins de chance d’être envenimée par mon insécurité parce que chaque manifestation de ma jalousie sera une occasion d’évolution personnelle… »
On peut donc s’appuyer sur une démarche de développement la confiance, mais on peut également explorer sa subjectivité, son passé, son histoire, pour mieux comprendre d’où provient la violence de ce sentiment.
A ce sujet, Patrick Ange Raoult précise dans Comprendre et soigner la jalousie : « La jalousie relève de ces émotions complexes arrimées aux tresses singulière de l’histoire relationnel ». Aussi, une psychothérapie auprès d’un psychologue clinicien ou d’un psychanalyste peut de ce point de vue constituer une bonne démarche pour apprivoiser la jalousie.
Vous trouverez par ailleurs dans l’ouvrage de Raoult de nombreuses réflexions qui permettent de mieux comprendre en profondeur ce sentiment mais également de cerner les méthodes analytiques pour « soigner la jalousie ».
On peut enfin consulter un.e psychologue spécialisé dans les thérapies comportementales et cognitives pour comprendre et déconstruire les mécanismes de la jalousie. C’est ce que propose par exemple Alain Krotenberg, cité dans l’article d’Anne-Laure Gannac, « Sortir du cercle infernal de la jalousie » publié sur le site pschologies.com : « “Dans un premier temps, je demande à la personne jalouse de noter régulièrement à quel rythme et avec quelle intensité se manifeste sa souffrance avant, pendant et après ses crises de jalousie” explique Alain Krotenberg. C’est la partie dite cognitive. Le thérapeute propose ensuite un jeu de rôles : “Le patient se met dans la peau de sa “victime”, moi dans la sienne, puis nous inversons”. Cette approche comportementale permet au jaloux de prendre conscience de ce qu’il y a d’excessif dans sa manière d’agir et de raisonner ».
Cependant, nombreux sont les psychologues, comme N. Gueguen, à rappeler qu’ « une pointe de jalousie n’est pas obligatoirement néfaste […]. On sait que certaines personnes aiment détecter une pointe de jalousie dans la voix ou le regard de leur conjoint, car elles y voient le signe de leur attachement. Au contraire, l’absence totale de jalousie peut être prise pour de l’indifférence ».
Selon la philosophe Giulia Sissa, il est même nécessaire de renverser nos représentations sur ce sentiment. Dans La Jalousie, une passion inavouable, elle affirme que la jalousie est « normale », « réaliste » et… « salutaire. C’est son refoulement qui la transforme en symptôme. Dès que nous admettons la singularité fragile de l’amour, nous pouvons, finalement, le dire : je suis jalouse, je suis jaloux, parce que cette personne-ci, je ne sais pas très bien pourquoi, signifie quelque chose d’unique pour moi. Dire, au lieu de taire ; admettre au lieu de renier ».
Au fond, tous celles et ceux qui essayent de penser ce sentiment si complexe seraient d’accord sur le fait qu’il n’est sans doute ni possible, ni souhaitable de « se débarrasser » de la jalousie, tant elle constitue un affect humain, trop humain. Bien sûr, si le sentiment nous déborde et nous nuit ainsi qu’à notre entourage, alors développer sa confiance en soi et/ou comprendre dans son histoire personnelle ce qui produit cette violence du sentiment est nécessaire. Pour mener à bien ces démarches, un tiers (psychologue, psychiatre, psychanalyste) s’avère dans certains cas indispensable.
Pour aller plus loin :
• La jalousie amoureuse, comment la rendre fertile, un texte lu de et par Michelle Larivey, 2004.
• Jalousie(s), un affect en souffrance, une souffrance de l’affect, sous la direction de P. A. Raoult, chez Inpress, 2015
Bonnes lectures !
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