Question d'origine :
je me demandais pourquoi Picasso peint six doigts a ses personnages dans certaines de ses oeuvres comme dans le Rêve par exemple? merci d'avance.
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 23/06/2021 à 14h48
Bonjour,
Picasso n’a pas peint tant de mains à six doigts que cela d’après ce que nous avons pu voir mais cette particularité dans Le Rêve est remarquable.
Pour appréhender les six doigts de cette femme endormie, on peut d’abord s’intéresser aucontexte de l’œuvre .
-Des éléments biographiques :
Picasso peint cette toile le 24 janvier 1932. Elle représente Marie-Thérèse Walter, sa maîtresse.
A l’époque Picasso vient d’avoir 50 ans, marié à Olga Khoklova, il entretient une relation restée longtemps secrète avec Marie-Thérèse Walter qu’il a rencontrée à la sortie des Galerie Lafayette 5 ans auparavant. Son amante est représentée endormie dans un fauteuil de la rue La Boétie.
- « 1932 : année érotique » :
Tel est le titre de l’exposition qu’a consacré le Musée Picasso à cette période particulière de la vie de l’artiste. Il s’agit d’une année où Marie-Thérèse Walter « hante Picasso qui va la peindre sans relâche ». Les commentateurs évoquent "la tension érotique sans précédent dans laquelle Picasso travaille ces toiles". On évoque « les formes cachées qu'il met dans ses toiles comme autant de symboles sexuelles ». (Documentaire du Musée Picasso)
L’érotisme est clair dans ce tableau. Vous pouvez voir l’explication qu’en donne Laurent Le Bon, président du Musée Picasso dans la vidéo Une année avec Picasso.
Le catalogue d'exposition "1932, année érotique" commente ainsi Le rêve : « Picasso pousse à son comble l’érotisation de la figure devenue incarnation de la sexualité. En proie au rêve, la figure passive de Marie-Thérèse est le lieu de projection des désirs érotiques du peintre « veilleur de sommeil ». Selon les mots de Léo Steinberg, les observateurs de sommeils matérialisent des pensées dans laquelle la forme, le désir, l’art et la vie se recoupent. »
Plus loin, on peut lire : "dans Le Rêve, la femme endormie devient le sujet de la métamorphose d'une tête en organes sexuels. L'osmose est ainsi totale entre sexualité et créativité, l'acte sexuel et l'acte de création devenant des métaphores interchangeables"
- Le surréalisme :
Les six doigts peuvent être vus comme un geste surréaliste.
Le catalogue de l'exposition "1932, année érotique" parle d'ailleurs de la « désinhibition provoquée par les théories surréalistes ».
Dans la conférence sur les Les tableaux magiques, Émilie Bouvard, Conservatrice au Musée national-Picasso-Paris parle « des thématiques sexuelles comme d’un effet surréalisant ».
Elle rappelle que Breton en 1925 a dit de Picasso qu'il était "le premier surréaliste". Et le peintre est toujours influencé par le mouvement en 1932.
- La psychanalyse :
Il faut noter aussi dans le contexte de la réalisation de cette toile l'importance de la psychanalyse et son influence à l'époque, notamment bien sûr chez les surréalistes.
La psychanalyse s'est développée en France dans les années 20 par l'intermédiaire de Marie Bonaparte. Emilie Bouvard dans la conférence déjà citée explique que Picasso s'intéressait à la psychanalyse. On ne sait s’il a lu Freud mais il était très intéressé. C'est notamment son ami Michel Leiris qui lui en parlait. Il aurait été davantage fervent de Jung d'ailleurs (Conférence tableaux magiques).
On peut lire dans le catalogue "1932, année érotique" Ainsi que l'écrit Elisabeth Cowling, la représentation de Marie-Thérèse tient beaucoup plus de
"l'idole post-freudienne" que de la représentation de la "femme réelle"
-La question du rêve
La question du rêve est aussi à prendre en compte. Matisse et Picasso travaillaient simultanément sur cette question du rêve depuis des années dans une forme d’émulation voir de rivalité. (Sources : conférence Le Rêve, Picasso (1932), Matisse (1935,1940))
- Alors pourquoi ces six doigts ?
Tous ces points évoqués permettent d'entrevoir le contexte dans lequel Picasso peint six doigts au lieu de cinq. Nous n'avons pas trouvé beaucoup d'interprétations précises sur ces six doigts. Mais les éléments abordés vous permettent peut-être d’en élaborer une.
Dans un article du site art in the city on peut lire : « on ne dénombre non pas cinq doigts, mais six, montrant ainsi une cassure avec le réel et nous renvoyant à l’état de songes. »
Ensuite, cela peut-il être vu comme une forme d'exagération, d'hyperbole ? Cette figure de style consiste à exagérer la réalité pour la mettre en relief, lui donner plus de poids, attirer l'attention.
Les interprétations symboliques de la psychanalyse peuvent pourquoi pas aider à donner un sens à ces six doigts. Freud rappelle le symbole phallique du doigt dans les « cinq psychanalyses » où il interprète le rêve de l'Homme au loup qui se coupe un doigt comme un symbole de castration. Serait-on ici dans un cas d'anti-castration ?
Picasso n’a pas peint tant de mains à six doigts que cela d’après ce que nous avons pu voir mais cette particularité dans Le Rêve est remarquable.
Pour appréhender les six doigts de cette femme endormie, on peut d’abord s’intéresser au
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Picasso peint cette toile le 24 janvier 1932. Elle représente Marie-Thérèse Walter, sa maîtresse.
A l’époque Picasso vient d’avoir 50 ans, marié à Olga Khoklova, il entretient une relation restée longtemps secrète avec Marie-Thérèse Walter qu’il a rencontrée à la sortie des Galerie Lafayette 5 ans auparavant. Son amante est représentée endormie dans un fauteuil de la rue La Boétie.
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Tel est le titre de l’exposition qu’a consacré le Musée Picasso à cette période particulière de la vie de l’artiste. Il s’agit d’une année où Marie-Thérèse Walter « hante Picasso qui va la peindre sans relâche ». Les commentateurs évoquent "la tension érotique sans précédent dans laquelle Picasso travaille ces toiles". On évoque « les formes cachées qu'il met dans ses toiles comme autant de symboles sexuelles ». (Documentaire du Musée Picasso)
L’érotisme est clair dans ce tableau. Vous pouvez voir l’explication qu’en donne Laurent Le Bon, président du Musée Picasso dans la vidéo Une année avec Picasso.
Le catalogue d'exposition "1932, année érotique" commente ainsi Le rêve : « Picasso pousse à son comble l’érotisation de la figure devenue incarnation de la sexualité. En proie au rêve, la figure passive de Marie-Thérèse est le lieu de projection des désirs érotiques du peintre « veilleur de sommeil ». Selon les mots de Léo Steinberg, les observateurs de sommeils matérialisent des pensées dans laquelle la forme, le désir, l’art et la vie se recoupent. »
Plus loin, on peut lire : "dans Le Rêve, la femme endormie devient le sujet de la métamorphose d'une tête en organes sexuels. L'osmose est ainsi totale entre sexualité et créativité, l'acte sexuel et l'acte de création devenant des métaphores interchangeables"
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Les six doigts peuvent être vus comme un geste surréaliste.
Le catalogue de l'exposition "1932, année érotique" parle d'ailleurs de la « désinhibition provoquée par les théories surréalistes ».
Dans la conférence sur les Les tableaux magiques, Émilie Bouvard, Conservatrice au Musée national-Picasso-Paris parle « des thématiques sexuelles comme d’un effet surréalisant ».
Elle rappelle que Breton en 1925 a dit de Picasso qu'il était "le premier surréaliste". Et le peintre est toujours influencé par le mouvement en 1932.
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Il faut noter aussi dans le contexte de la réalisation de cette toile l'importance de la psychanalyse et son influence à l'époque, notamment bien sûr chez les surréalistes.
La psychanalyse s'est développée en France dans les années 20 par l'intermédiaire de Marie Bonaparte. Emilie Bouvard dans la conférence déjà citée explique que Picasso s'intéressait à la psychanalyse. On ne sait s’il a lu Freud mais il était très intéressé. C'est notamment son ami Michel Leiris qui lui en parlait. Il aurait été davantage fervent de Jung d'ailleurs (Conférence tableaux magiques).
On peut lire dans le catalogue "1932, année érotique" Ainsi que l'écrit Elisabeth Cowling, la représentation de Marie-Thérèse tient beaucoup plus de
"l'idole post-freudienne" que de la représentation de la "femme réelle"
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La question du rêve est aussi à prendre en compte. Matisse et Picasso travaillaient simultanément sur cette question du rêve depuis des années dans une forme d’émulation voir de rivalité. (Sources : conférence Le Rêve, Picasso (1932), Matisse (1935,1940))
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Tous ces points évoqués permettent d'entrevoir le contexte dans lequel Picasso peint six doigts au lieu de cinq. Nous n'avons pas trouvé beaucoup d'interprétations précises sur ces six doigts. Mais les éléments abordés vous permettent peut-être d’en élaborer une.
Dans un article du site art in the city on peut lire : « on ne dénombre non pas cinq doigts, mais six, montrant ainsi une cassure avec le réel et nous renvoyant à l’état de songes. »
Ensuite, cela peut-il être vu comme une forme d'exagération, d'hyperbole ? Cette figure de style consiste à exagérer la réalité pour la mettre en relief, lui donner plus de poids, attirer l'attention.
Les interprétations symboliques de la psychanalyse peuvent pourquoi pas aider à donner un sens à ces six doigts. Freud rappelle le symbole phallique du doigt dans les « cinq psychanalyses » où il interprète le rêve de l'Homme au loup qui se coupe un doigt comme un symbole de castration. Serait-on ici dans un cas d'anti-castration ?
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