A quoi correspond la mention des "Loges" des 5 Comptoirs français des Indes ?
Question d'origine :
Dans l'Empire Colonial français il y avait les "Loges" des 5 Comptoirs français des Indes.
De quoi s'agissait-il précisément et pourquoi ce terme de "loge".
Combien étaient-elles, et y-avait-il une administration spécifique autre que celles des 5 Comptoirs?
Réponse du Guichet
Selon les éléments que nous avons pu rassembler, les loges ne diffèrent pas fondamentalement des comptoirs dont elles semblent être des déclinaisons plus réduites. Elles étaient au nombre de 8 et furent vraisemblablement régies par la même administration que les comptoirs.
Bonjour,
Le site des Archives Nationales d’Outre-Mer propose quelques informations basiques au sujet des comptoirs et loges :
" Dates : 1649-1954 "
1664 : Compagnie des Indes orientales (Colbert).
1671 : François Martin (Agent de la Compagnie) fonde le premier comptoir de Pondichéry.
1686 : Chandernagor
1721 : Mahé
1738 : Karikal
1751 : Yanaon
L'empire français s'étend avec Dupleix, Gouverneur général de Pondichéry de 1742 à 1754. Lally, son successeur, devra capituler devant les Anglais à Pondichéry en 1761.
Au traité de Paris en 1763, il ne reste que les 5 comptoirs, réoccupés par les Anglais à plusieurs reprises entre 1778 et 1883.
La colonie compte en fait 5 districts : Pondichéry, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mahé et 8 loges : Balassore, Kassimbazar, Yougdia, Dacca, Patna, Masulipatnam, Calicut, Iskitipitch et Surate ».
L’historien Philippe Haudrère, spécialiste de l’histoire moderne et notamment de la Compagnie française des Indes, livre quelques éléments d’explication dans son ouvrage Les Compagnies des Indes, coécrit avec Gérard Le Bouëdec :
« Lors de leur création, les Compagnies des Indes, sociétés purement commerciales, disposent d’installations de faible superficie. Progressivement, elles sont amenées à étendre leurs implantations et à obtenir des “places de sureté” fortifiées entourées d’un territoire un peu plus étendu. A côté de celle-ci on trouve des “comptoirs”, ensembles de bâtiments peu protégés militairement, et des “loges”, simples entrepôts. Evoquant les «loges situées au nord de Pondichéry, à Mazulipatam et Yanaon, il en parle comme de «simples entrepôts pour l’achat de cotonnades ».
A cette présentation succincte et qui n’évoque que les débuts des comptoirs indiens, on pourra compléter par les descriptions plus détaillées que l’historien en donne dans sa très complète (et très copieuse) histoire de la Compagnie française des Indes au XVIIIe. Concernant par exemple « les loges situées au nord de Pondichéry », Haudrère rappelle leur « intérêt essentiellement commercial ». « A Mazulipatam, où ils commerçaient depuis le milieu du XVIIe siècle, les Français furent autorisés à s’établir de manière permanente, en 1720, dans une simple maison à étage avec Véranda, sur le bord de la rivière, au voisinage de la loge des Hollandais […]. En 1731, avec l’approbation de la direction parisienne, le chef de la loge de Mazulipatam demanda et obtint des autorités indiennes la concession d’un terrain à Yanaon […] et y fit construire une maison destinée à service de résidence et de dépôt pour les marchandises ».
Nous ne saurions trop vous conseiller une lecture plus avancée de cette somme d’érudition sur le sujet !
Le chapitre « L’apprentissage de l’Inde par les Français de la première compagnie » tiré de l’Asie, la mer : le monde au temps des compagnies des Indes, de Marie Ménard-Jacob, regorge d’informations à propos de la vie et des pratiques sociales dans les loges. Ainsi :
« Les maisons que les employés louèrent ou firent construire dans la péninsule étaient à la fois des comptoirs et des loges. Tourné vers l’extérieur, le comptoir incarnait la façade française en Inde, interface entre acheteur et vendeur, entre Orient et Occident. Repliée à l’intérieur, la loge offrait un lieu d’habitation et de protection, qui rassemblait et régentait les Français en Inde ».
« Apprendre à vivre entre Français sur un territoire étranger fut compliqué. La plupart des employés vivaient dans la maison de la Compagnie, mais certains marchands achetaient également des habitations particulières aux environs de la loge. Ainsi, dans un périmètre assez restreint cohabitaient toutes sortes de Français6. En plus des hommes de la Compagnie, passaient dans les loges quelques marchands particuliers, médecins ou aventuriers en transit ».
La même Marie Ménard-Jacob présente de façon plus précise le comptoir de Pondichéry dans un article pour l’Encyclopédie d’Histoire Numérique de l’Europe. Elle raconte notamment: « En janvier 1674, les Français se réfugient dans le petit village de Pondichéry. François Martin, futur gouverneur général de Pondichéry, s’y installe et obtient du gouverneur indien Chir Khan Loudy de protéger la “loge”, une maison qui sert de magasin au rez-de-chaussée et abrite les agents à l’étage ».
Pour une perspective plus globale sur le sujet :
Les compagnies des Indes, sous la direction de René Estienne, 2013
Les compagnies des Indes orientales, trois siècles de rencontre entre Orientaux et Occidentaux, de Philippe Haudrère, 2006.
Et pour finir, une carte valant parfois mieux que de grands discours :
Bonnes lectures !