Question d'origine :
Bonjour,
ma question est d'ordre philosophique,
Etudiant le droit et la justice en philosophie, je ne parviens malheureusement pas à comprendre certaines distinctions :
Une société dite "unie" signifie bien que ce sont les parties de cette société (les hommes dans leur hétérogénéité) qui parviennent à former un tout grâce à un lien commun.
Cependant, dire que l'homme est PLURIEL (hannah arendt) revient t il à dire que l'homme est UNIQUE? Parler d'unicité de chaque homme revient-il a dire que l'homme est pluriel (et donc que l'homme doit se penser au pluriel) : en clair qu'elle est la distinction entre PLURALITé et UNICITé dans un tel contexte?
autre exemple : unique veut dire "seul/sans équivalent" donc à l'echelle d'une société on ne peut pas dire par exemple que la société française est unique, parce que la société existe ailleurs, cependant, dans son genre elle est unique, puisqu'il n'y a qu'une seule société française : doit-on dire qu'elle fait partie d'une pluralité (parmi le genre de la société) ou parler d'unicité ?
Merci d'avance, et désolée pour la longueur j'ai essayé d'exposer le plus clairement possible ma confusion.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 12/09/2015 à 08h11
Bonjour,
Pour Hannah Arendt, la pluralité est la condition de l’unicité de l’homme :
« La pluralité humaine, condition fondamentale de l’action et de la parole a le double caractère de l’égalité et de la distinction. Si les hommes n’étaient pas égaux, ils ne pourraient se comprendre les uns les autres, ni comprendre ceux qui les ont précédés ni préparer l’avenir et prévoir les besoins de ceux qui viendront après eux. Si les hommes n’étaient pas distincts, chaque être humain se distinguant de tout autre être présent, passé ou futur, ils n’auraient besoin ni de la parole ni de l’action pour se faire comprendre. Il suffirait de signes et de bruits pour communiquer* des désirs et des besoins immédiats et identiques.
L'individualité humaine n'est pas l'altérité (...). L’altérité sous sa forme la plus abstraite ne se rencontre que dans la multiplication pure et simple des objets inorganiques, alors que toute vie organique montre déjà des variations et des distinctions même entre spécimens d’une même espèce. Mais seul l’homme peut exprimer cette distinction et se distinguer lui-même ; lui seul peut se communiquer au lieu de communiquer quelque chose, la soif, la faim, l’affection, l’hostilité ou la peur. Chez l’homme l’altérité, qu’il partage avec tout ce qui existe, et l’individualité, qu’il partage avec tout ce qui vit, deviennent unicité, et la pluralité humaine est la paradoxale pluralité d’êtres uniques. »
Hannah Arendt, La condition de l'homme moderne (p.231-232, tr. G. Fradier), 1961
Source : Arendt / Individualité, altérité et unicité
Concernant la société de votre exemple :
« La politique, dans sa définition arendtienne, est l’espace contradictoire d’un lien et d’un écart. Un lien, car la politique est avant tout un rapport entre les hommes instauré par la loi, une relation qui s’installe à la place du vide occupé par le désert des peuples qui n’ont entre eux aucun contact normé. Un écart, puisque la politique est aussi la création d’un monde commun où subsiste la pluralité, où chaque peuple vient enrichir la vie et la connaissance communes en apportant sa façon d’être au monde : la politique est ce qui rassemble et maintient à distance en même temps. Exister au milieu de ses semblables est pour Arendt le propre de la véritable appartenance à l’humanité. Séparés les uns des autres, les peuples qui ne confrontent pas leurs modes de vie sont privés de monde. Et cet acosmisme menace aussi l’ensemble de ceux qui vivent dans l’exclusion de l’altérité. La politique, qui est l’espace-entre-les-hommes, est à la fois rapprochement et conservation de la distance, possibilité d’association dans l’action collective et préservation de la confrontation des différences. Ce n’est qu’en cessant de chercher partout l’identique et le même que l’on peut accéder à la politique et au monde qu’elle autorise. Sans oublier que seule la création d’un monde commun permet l’expression véritable de la pluralité qui est la caractéristique de l’homme »
L’espace de la démocratie. Identité et altérité dans la conception arendtienne de la politique, Erwan Sommerer
Voir aussi :
Condition de l’homme moderne, sur Wikipedia, notamment V. l’action
Droits démocratiques et identités, p. 64, sur la pluralité chez Arendt
La pensée politique de Hannah Arendt, André Enegren
La notion de pluralité chez Arendt, Blaise Bachofen, Université de Cergy-Pontoise, Centre de philosophie juridique et politique
Pour Hannah Arendt, la pluralité est la condition de l’unicité de l’homme :
« La pluralité humaine, condition fondamentale de l’action et de la parole a le double caractère de l’égalité et de la distinction. Si les hommes n’étaient pas égaux, ils ne pourraient se comprendre les uns les autres, ni comprendre ceux qui les ont précédés ni préparer l’avenir et prévoir les besoins de ceux qui viendront après eux. Si les hommes n’étaient pas distincts, chaque être humain se distinguant de tout autre être présent, passé ou futur, ils n’auraient besoin ni de la parole ni de l’action pour se faire comprendre. Il suffirait de signes et de bruits pour communiquer* des désirs et des besoins immédiats et identiques.
L'individualité humaine n'est pas l'altérité (...). L’altérité sous sa forme la plus abstraite ne se rencontre que dans la multiplication pure et simple des objets inorganiques, alors que toute vie organique montre déjà des variations et des distinctions même entre spécimens d’une même espèce. Mais seul l’homme peut exprimer cette distinction et se distinguer lui-même ; lui seul peut se communiquer au lieu de communiquer quelque chose, la soif, la faim, l’affection, l’hostilité ou la peur. Chez l’homme l’altérité, qu’il partage avec tout ce qui existe, et l’individualité, qu’il partage avec tout ce qui vit, deviennent unicité, et la pluralité humaine est la paradoxale pluralité d’êtres uniques. »
Hannah Arendt, La condition de l'homme moderne (p.231-232, tr. G. Fradier), 1961
Source : Arendt / Individualité, altérité et unicité
Concernant la société de votre exemple :
« La politique, dans sa définition arendtienne, est l’espace contradictoire d’un lien et d’un écart. Un lien, car la politique est avant tout un rapport entre les hommes instauré par la loi, une relation qui s’installe à la place du vide occupé par le désert des peuples qui n’ont entre eux aucun contact normé. Un écart, puisque la politique est aussi la création d’un monde commun où subsiste la pluralité, où chaque peuple vient enrichir la vie et la connaissance communes en apportant sa façon d’être au monde : la politique est ce qui rassemble et maintient à distance en même temps. Exister au milieu de ses semblables est pour Arendt le propre de la véritable appartenance à l’humanité. Séparés les uns des autres, les peuples qui ne confrontent pas leurs modes de vie sont privés de monde. Et cet acosmisme menace aussi l’ensemble de ceux qui vivent dans l’exclusion de l’altérité. La politique, qui est l’espace-entre-les-hommes, est à la fois rapprochement et conservation de la distance, possibilité d’association dans l’action collective et préservation de la confrontation des différences. Ce n’est qu’en cessant de chercher partout l’identique et le même que l’on peut accéder à la politique et au monde qu’elle autorise. Sans oublier que seule la création d’un monde commun permet l’expression véritable de la pluralité qui est la caractéristique de l’homme »
L’espace de la démocratie. Identité et altérité dans la conception arendtienne de la politique, Erwan Sommerer
Voir aussi :
Condition de l’homme moderne, sur Wikipedia, notamment V. l’action
Droits démocratiques et identités, p. 64, sur la pluralité chez Arendt
La pensée politique de Hannah Arendt, André Enegren
La notion de pluralité chez Arendt, Blaise Bachofen, Université de Cergy-Pontoise, Centre de philosophie juridique et politique
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