A vos souhaits !
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 23/09/2005 à 18h31
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Question d'origine :
Voilà, lorsque quelqun éternue, et que vous êtes témoin de l'évènement(assez loin quand même pour éviter la décharge de postillons), vous avez l'habitude de dire:
"A tes souhaits" ou "A vos souhaits", mais pourquoi donc? d'où cela vient-il?
Merci.
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 24/09/2005 à 12h42
Cet élégant et érudit texte de Théodore de Jolimont, édité en 1844, De l'usage de saluer et d'adresser des souhaits à ceux qui éternuent (en ligne sur le site de la Bm électronique de Lisieux), débute par des considérations générales sur les pratiques et usages, et propose ces explications :
Au nombre des usages les plus singuliers, et sur lesquels le vulgaire a fait peu de réflexions, est celui de saluer et d'adresser des souhaits à ceux qui éternuent. Si l'éternuement n'est chez l'homme qu'un simple besoin naturel, qu'un acte purement physique, quel rapport y a-t-il entre cet acte et les hommes et les souhaits qu'il inspire ? A quelle époque remonte cet usage ? A quelle cause doit-on l'attribuer ? N'en déplaise aux esprits indifférents, ces questions sont de nature à piquerla curiosité, et ce n'est sans doute pas déroger à la dignité scientifique que d'essayer d'y satisfaire.
Selon les traditions rabiniques, l'éternuement est le premier signe de vie ou le premier acte d'existence attribué à Adam lorsqu'il sortit des mains du Créateur : l'Esprit éternel souffla sur son ouvrage, et le premier homme éternua. Ce fut en quelque sorte le premier hommage de la première créature à son Créateur, le Créateur se complut en son oeuvre (1) et se félicita lui-même. Les théogonies païennes concordent parfaitement en ce point avec la croyance des Juifs, et font également remonter à l'origine du monde le premier éternuement et le premier souhait dont il fut salué, en nous racontant comme Prométhée, ayant façonné de limon et d'argile un homme à l'image des dieux, sut animer cette statue, d'abord inerte et sans vie, en dérobant aux cieux, avec la protection de Minerve, un rayon de soleil qu'il renferma dans un flambeau, et comment cet homme de terre, vivifié par la chaleur de ce rayon, s'anima peu à peu et bientôt éternua avec effort, en rejetant à la face de l'audacieux Prométhée tout ce qui lui restait encore d'humidité surabondante : de quoi, celui-ci fort satisfait, s'écria, dans son enthousiasme de créateur, et en saluant sont ouvrage : - Bien : que les dieux te soient en aide.
L'analogie frappante de ces deux récits, adoptée dans les croyances religieuses des différents peuples, semble en établir la véracité, et il est naturel de penser que, les successeurs immédiats du premier homme, lorsqu'ils éternuèrent, dûrent regarder d'abord cet acte comme une continuité du signe de vie, en quelque sorte un renouvellement d'existence, un mémento sacré de la création du premier homme, et à ce sujet se féliciter mutuellement, se saluer et s'adresser des souhaits de bonheur et de santé. Voilà comme cet usage, ainsi établi et devenu un pieux devoir, aurait été transmis d'âge en âge jusqu'à nous.
Suivant une autre version, puisée aux mêmes sources, non-seulement le premier signe ou le premier acte d'existence que donna le père commun des humains aurait été un éternuement, mais encore Adam serait mort en éternuant, et, comme lui, tous ses descendants éternuèrent en naissant et en mourant ; ce qui durait encore, si l'on en croit les mêmes traditions, à l'époque du patriarche Jacob (2), et cette version, non moins accréditée que la première chez les peuples primitifs, ajoute encore aux probabilités de notre thèse, en donnant un double motif aux hommages rendus à l'éternuement, puisque s'il était naturel de féliciter ceux dont l'éternuement rappelait l'heureuse venue au monde, il n'était pas moins naturel d'invoquer la protection divine en faveur de ceux chez lesquels ce signe annonçait le retour prochain de l'ame vers son Créateur.
Il expose aussi une autre explication, qui a davantage cours aujourd'hui : celle qui fait remonter cet usage aux malades atteints par les épidémies de peste et qui éternuaient, requérant une bénédiction divine. Explication qu'il réfute ensuite, en démontrant que cet usage remonte à l'Antiquité :
Je viens de dire que toute autre origine admissible nous fait faute ; et, en effet, la seule que l'on pourrait tenter d'opposer, parce qu'elle est presque devenue populaire et presque universellement accréditée, est celle donnée par Sigonius, un des plus savants écrivains du XVIe siècle, qui raconte que, sous le pontificat de Grégoire-le-Grand, en 590, il régna une épidémie très répandue et très meurtrière, dont les victimes moururent en éternuant, et il prétend que de là vient l'usage de souhaiter l'assistance de Dieu à ceux qui éternuent.
Mais quelque spécieuse et positive que paraisse cette croyance, et quelque respect que mérite la haute réputation de Sigonius, les plus simples notions d'histoire suffisent pour la réfuter, puisqu'elles nous instruisent, à n'en pouvoir douter, que l'usage de saluer et d'adresser des souhaits à ceux qui éternuent était pratiqué chez des peuples bien antérieurs au temps de Grégoire-le-Grand, ainsi qu'on l'apprend, entr'autres, d'un passage du roman de l'Asne d'Or, de l'ingénieux Apulée, qui écrivait plus de deux siècles avant Grégoire-le-Grand, et qui, en racontant l'histoire de certain amant malencontreux que le retour d'un mari importun force à se cacher sous un panier et là y éprouve le besoin fréquent d'éternuer, nous dit que le mari, dans sa simplicité, croyant entendre sa femme, lui adresse à chaque fois le salut d'usage (solito sermone salutem) (3), ce qui sans doute n'était pas de nature à rassurer beaucoup l'amoureux captif. - Ailleurs, dans une satire de Pétrone, contemporain et favori de Néron, un certain Giton, caché sous un lit, par suite d'une aventure à peu près semblable, se découvre en éternuant ; Eumapus qui le reconnaît à la voix lui dit, par forme de plaisanterie : Il paraît que maître Giton veut qu'on le salue (salvere Gitona jubet.) - Pline nous apprend très positivement que les Romains ne manquaient pas de saluer ceux qui éternuaient, sternutamentis salutamur, et il observe que l'empereur Tibère, fort exact à remplir ce devoir, exigeait très sévèrement qu'on ne manquât pas de rendre à lui-même cette marque de respect, même dans les occasions où l'on peut quelquefois se permettre de s'affranchir des lois d'une scrupuleuse étiquette. Chez les Grecs, cet usage n'est pas moins constamment établi ; l'universel Aristote a discouru sur ce sujet, et l'on connaît cette épigramme d'un poëte grec qui, voulant ridiculiser le nez démesuré d'un certain Proculus, dit qu'il éternuait sans invoquer les dieux, parce que le bruit partait de trop loin pour qu'il le puisse entendre. Il serait inutile de multiplier davantage ici ces sortes de citations qui abonderaient sous la plume ; il est notoire que non-seulement les Latins et les Grecs, mais tous les peuples antérieurs, en remontant à l'antiquité la plus reculée, se sont transmis successivement cet usage qui, nous le répètons, date probablement de l'origine du monde, respectacle origine qu'il est difficile de contester.
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