Élevage vaches / moutons
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 02/06/2019 à 07h46
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Question d'origine :
Bonjour,
Je me demandais pourquoi l'élevage de moutons est plus développé dans certains pays comme l'Irlande, le Pays de Galles ou la Nouvelle-Zélande plutôt que dans d'autres tels que la France qui a plutôt privilégié l'élevage bovin.
Merci de votre réponse.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 04/06/2019 à 10h51
Bonjour,
D’après les données de la FAO, en 2017 en France la production des élevages est respectivement de :
- 19 233 244 têtes pour l’élevage bovin
- 6 935 185 têtes pour l’élevage ovin
Le Royaume-Uni a produit :
- 10 004 000 têtes pour l’élevage bovin
- 34 832 000 têtes pour l’élevage ovin
Et la Nouvelle-Zélande :
- 10 145 902 têtes pour l’élevage bovin
- 27 526 537 têtes pour l’élevage ovin
Le compte-rendu de Jean-Pierre Delhoume sur l’ouvrage de Jean-Marc Moriceau, Histoire et géographie de l’élevage français, du Moyen Âge à la Révolution, nous aide à comprendre les places respectives de l’élevage bovin et de l’élevage ovin dans l’histoire de l’agriculture en France :
« Les bovins, présents dans la plus grande partie du royaume, constituent le « secteur lourd de l’élevage ». Leurs aptitudes géographiques différentes selon les régions ont sans doute contribué en partie à « forger plusieurs types » de bêtes à cornes. Les caractéristiques morphologiques des bœufs, par exemple, sont relativement diversifiées : pour les animaux de « petit format », le poids ne dépasse pas 400 à 500 livres (Sologne, Morvan, Bretagne) alors qu’il atteint 800 à 900 livres, voire davantage, pour les animaux de « gros format » (Normandie, Limousin, Poitou). Dans certaines provinces, l’élevage bovin a une finalité assez bien définie confinant à la spécialisation. Dans les pays naisseurs, par exemple, où dominent les femelles, on s’oriente essentiellement vers la vente de jeunes animaux aux autres provinces car les possibilités locales de nourriture sont limitées. À l’opposé, dans les pays d’embouche, dont la Basse-Normandie est l’archétype, l’herbe abondante permet de produire des animaux adultes gras destinés à la consommation urbaine. Entre ces deux types d’élevage se situent les pays qui recourent avant tout aux bovins pour les travaux agricoles mais qui, en même temps, sont peu ou prou et naisseurs et nourrisseurs.
L’accroissement de la population des villes a favorisé l’essor de l’élevage par l’intermédiaire de la consommation de viande, surtout bovine. Cet appel des marchés urbains a ainsi poussé certaines régions, au XVIIIe siècle, à se spécialiser dans la production de viande, comme la Basse-Normandie et le Limousin qui sont les fournisseurs quasi exclusifs de bœufs gras destinés à la capitale. En effet, ces deux provinces assurent, à elles seules, 80 % de l’approvisionnement, et ce de manière parfaitement complémentaire tout au long de l’année grâce à deux méthodes d’engraissement : l’une utilise uniquement l’herbe et fournit le produit fini, de juin à décembre (Basse-Normandie) ; l’autre, pratiquée à l’étable avec des « sous-produits » tels que les raves et les châtaignes en complément du foin, pourvoit la capitale, de janvier à mai (Limousin). À la veille de la Révolution, la demande parisienne en viande suscite une nouvelle spéculation : la production de veau de lait.
Avec le menu bétail, l’élevage apparaît plus démocratique, tout au moins plus facilement accessible à la population la plus démunie (chapitre VI). Parmi les ovins, présents à travers tout le royaume, les animaux « moyens » et « petits » prédominent, et ce type d’élevage laisse encore plus à désirer que celui des bovins, notamment pour ce qui est de l’hygiène et de l’alimentation. Des essais d’amélioration sont tentés en introduisant des béliers et des brebis de pays étrangers, mais sans grande réussite. Avec le souci croissant de développer les manufactures de textile, les moutons d’Espagne et d’Angleterre, réputés pour la finesse et l’abondance de leur laine, deviennent particulièrement recherchés. Toutefois leur importation s’avère difficile en provenance d’Angleterre. C’est donc essentiellement en contrebande que les moutons anglais seront introduits en France au xviiie siècle. Et c’est d’Espagne que viendra « le principal agent de mutation du troupeau français », grâce à deux importations officielles de mérinos, l’une en 1786 (366 animaux sont destinés à la bergerie royale nouvellement créée à Rambouillet), l’autre en 1798 (1 030 animaux sont répartis entre diverses bergeries du royaume). Ces importations assureront le succès tardif de la mérinisation du troupeau français au xixe siècle. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les insuffisances structurelles de l’élevage ovin restent patentes, en particulier pour ce qui concerne la laine, aussi bien en quantité qu’en qualité, ce qui oblige à en importer massivement. Ce désintérêt pour la production lainière tient à deux facteurs : 1) la préférence des éleveurs pour le parcage des ovins et pour la fertilisation qu’il procure, surtout dans les pays de grande culture ; 2) l’orientation vers la boucherie à proximité des villes. »
Historiquement au Royaume-Uni, le mouton occupe une place prépondérante :
« Le trait le plus saillant de l’agriculture britannique comparée à la nôtre, c’est le nombre et la qualité de ses moutons. Il suffit de traverser, même en chemin de fer, un comté anglais pris au hasard, pour voir que l’Angleterre nourrit proportionnellement beaucoup plus de moutons que la France ; il suffit de mesurer d’un coup d’œil un de ces animaux, quel qu’il soit, pour voir qu’ils sont beaucoup plus gros en moyenne, et qu’ils doivent donner plus de viande que les nôtres. Cette vérité, qui saisit en quelque sorte de tous les côtés l’observateur le plus superficiel, n’est pas seulement confirmée par l’examen attentif des faits; elle prend, par cette étude, des proportions inattendues : ce qui n’est pour le simple voyageur qu’un objet de curiosité devient pour l’agronome et l’économiste le sujet de recherches qui l’étonnent lui-même par l’immensité de leurs résultats.
Le cultivateur anglais a remarqué, avec cet instinct de calcul qui distingue ce peuple, que le mouton est de tous les animaux le plus facile à nourrir, celui qui tire le meilleur parti des alimens qu’il consomme, et en même temps celui qui donne, pour entretenir la fertilité de la terre, le fumier le plus actif et le plus chaud. En conséquence, il s’est attaché, avant toute chose, à avoir beaucoup de moutons ; il y a dans la Grande-Bretagne d’immenses fermes qui n’ont presque pas d’autre bétail; pendant que nos cultivateurs se laissaient distraire par beaucoup d’autres soins, l’élève de la race ovine était, de temps immémorial, considérée par nos voisins comme la première des industries agricoles. Qui ne sait que le chancelier d’Angleterre, président de la chambre des lords, est assis sur un sac de laine, afin de montrer, par un pittoresque symbole, l’importance que la nation entière attache à ce produit ? La viande de mouton est à son tour aussi populaire que la laine, et fort recherchée en général par les consommateurs anglais. […]
Il y a toujours eu beaucoup de moutons en Angleterre; ces îles étaient déjà, sous ce rapport, célèbres du temps des Romains. Les races primitives vivaient à l’état sauvage, on retrouve encore leurs derniers descendans dans les montagnes du pays de Galles, de la presqu’île de Cornouailles et de la Haute-Ecosse. Cette tendance naturelle du sol et du climat n’a fait que s’accroître et se fortifier avec le temps. Déjà, il y a près de trois siècles, au moment où l’esprit commercial et manufacturier a commencé à se développer en Europe, l’élève des moutons avait pris brusquement en Angleterre une extension inusitée partout ailleurs : c’était alors la laine qu’on recherchait avant tout, comme de nos jours en France. On les distinguait en races à longue laine et races à laine courte, les premières surtout étaient très estimées. »
Source : L’économie rurale en Angleterre, Léonce de Lavergne, Revue des Deux Mondes, |2e série de la nouv. période, tome 1, 1853 (p. 262-291).
Pour en savoir plus sur l’élevage de moutons au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, vous pouvez notamment consulter les ressources suivantes :
- En Grande Bretagne et en France La reconquête ovine à la peine, web-agri.fr
- 1er producteur d´ovins en Europe - La Grande-Bretagne renforce ses stratégies de leader, patre.reussir.fr
- En Ecosse, la laine tire son épingle du jeu, rfi.fr
-
- Le Mouton en Irlande, mascotte du pays irlandais, guide-irlande.com
- L'Irlande à la reconquête des brebis perdues et du marché européen, idele.fr
- La brève histoire du mouton en Nouvelle-Zélande, lepetitjournal.com
- Les filières viande bovine et ovine en Nouvelle-Zélande Une affaire familiale entre technicité et manque de rentabilité, agrireseau.net
Bonne journée.
D’après les données de la FAO, en 2017 en France la production des élevages est respectivement de :
- 19 233 244 têtes pour l’élevage bovin
- 6 935 185 têtes pour l’élevage ovin
Le Royaume-Uni a produit :
- 10 004 000 têtes pour l’élevage bovin
- 34 832 000 têtes pour l’élevage ovin
Et la Nouvelle-Zélande :
- 10 145 902 têtes pour l’élevage bovin
- 27 526 537 têtes pour l’élevage ovin
Le compte-rendu de Jean-Pierre Delhoume sur l’ouvrage de Jean-Marc Moriceau, Histoire et géographie de l’élevage français, du Moyen Âge à la Révolution, nous aide à comprendre les places respectives de l’élevage bovin et de l’élevage ovin dans l’histoire de l’agriculture en France :
« Les bovins, présents dans la plus grande partie du royaume, constituent le « secteur lourd de l’élevage ». Leurs aptitudes géographiques différentes selon les régions ont sans doute contribué en partie à « forger plusieurs types » de bêtes à cornes. Les caractéristiques morphologiques des bœufs, par exemple, sont relativement diversifiées : pour les animaux de « petit format », le poids ne dépasse pas 400 à 500 livres (Sologne, Morvan, Bretagne) alors qu’il atteint 800 à 900 livres, voire davantage, pour les animaux de « gros format » (Normandie, Limousin, Poitou). Dans certaines provinces, l’élevage bovin a une finalité assez bien définie confinant à la spécialisation. Dans les pays naisseurs, par exemple, où dominent les femelles, on s’oriente essentiellement vers la vente de jeunes animaux aux autres provinces car les possibilités locales de nourriture sont limitées. À l’opposé, dans les pays d’embouche, dont la Basse-Normandie est l’archétype, l’herbe abondante permet de produire des animaux adultes gras destinés à la consommation urbaine. Entre ces deux types d’élevage se situent les pays qui recourent avant tout aux bovins pour les travaux agricoles mais qui, en même temps, sont peu ou prou et naisseurs et nourrisseurs.
L’accroissement de la population des villes a favorisé l’essor de l’élevage par l’intermédiaire de la consommation de viande, surtout bovine. Cet appel des marchés urbains a ainsi poussé certaines régions, au XVIIIe siècle, à se spécialiser dans la production de viande, comme la Basse-Normandie et le Limousin qui sont les fournisseurs quasi exclusifs de bœufs gras destinés à la capitale. En effet, ces deux provinces assurent, à elles seules, 80 % de l’approvisionnement, et ce de manière parfaitement complémentaire tout au long de l’année grâce à deux méthodes d’engraissement : l’une utilise uniquement l’herbe et fournit le produit fini, de juin à décembre (Basse-Normandie) ; l’autre, pratiquée à l’étable avec des « sous-produits » tels que les raves et les châtaignes en complément du foin, pourvoit la capitale, de janvier à mai (Limousin). À la veille de la Révolution, la demande parisienne en viande suscite une nouvelle spéculation : la production de veau de lait.
Avec le menu bétail, l’élevage apparaît plus démocratique, tout au moins plus facilement accessible à la population la plus démunie (chapitre VI). Parmi les ovins, présents à travers tout le royaume, les animaux « moyens » et « petits » prédominent, et ce type d’élevage laisse encore plus à désirer que celui des bovins, notamment pour ce qui est de l’hygiène et de l’alimentation. Des essais d’amélioration sont tentés en introduisant des béliers et des brebis de pays étrangers, mais sans grande réussite. Avec le souci croissant de développer les manufactures de textile, les moutons d’Espagne et d’Angleterre, réputés pour la finesse et l’abondance de leur laine, deviennent particulièrement recherchés. Toutefois leur importation s’avère difficile en provenance d’Angleterre. C’est donc essentiellement en contrebande que les moutons anglais seront introduits en France au xviiie siècle. Et c’est d’Espagne que viendra « le principal agent de mutation du troupeau français », grâce à deux importations officielles de mérinos, l’une en 1786 (366 animaux sont destinés à la bergerie royale nouvellement créée à Rambouillet), l’autre en 1798 (1 030 animaux sont répartis entre diverses bergeries du royaume). Ces importations assureront le succès tardif de la mérinisation du troupeau français au xixe siècle. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les insuffisances structurelles de l’élevage ovin restent patentes, en particulier pour ce qui concerne la laine, aussi bien en quantité qu’en qualité, ce qui oblige à en importer massivement. Ce désintérêt pour la production lainière tient à deux facteurs : 1) la préférence des éleveurs pour le parcage des ovins et pour la fertilisation qu’il procure, surtout dans les pays de grande culture ; 2) l’orientation vers la boucherie à proximité des villes. »
Historiquement au Royaume-Uni, le mouton occupe une place prépondérante :
« Le trait le plus saillant de l’agriculture britannique comparée à la nôtre, c’est le nombre et la qualité de ses moutons. Il suffit de traverser, même en chemin de fer, un comté anglais pris au hasard, pour voir que l’Angleterre nourrit proportionnellement beaucoup plus de moutons que la France ; il suffit de mesurer d’un coup d’œil un de ces animaux, quel qu’il soit, pour voir qu’ils sont beaucoup plus gros en moyenne, et qu’ils doivent donner plus de viande que les nôtres. Cette vérité, qui saisit en quelque sorte de tous les côtés l’observateur le plus superficiel, n’est pas seulement confirmée par l’examen attentif des faits; elle prend, par cette étude, des proportions inattendues : ce qui n’est pour le simple voyageur qu’un objet de curiosité devient pour l’agronome et l’économiste le sujet de recherches qui l’étonnent lui-même par l’immensité de leurs résultats.
Le cultivateur anglais a remarqué, avec cet instinct de calcul qui distingue ce peuple, que le mouton est de tous les animaux le plus facile à nourrir, celui qui tire le meilleur parti des alimens qu’il consomme, et en même temps celui qui donne, pour entretenir la fertilité de la terre, le fumier le plus actif et le plus chaud. En conséquence, il s’est attaché, avant toute chose, à avoir beaucoup de moutons ; il y a dans la Grande-Bretagne d’immenses fermes qui n’ont presque pas d’autre bétail; pendant que nos cultivateurs se laissaient distraire par beaucoup d’autres soins, l’élève de la race ovine était, de temps immémorial, considérée par nos voisins comme la première des industries agricoles. Qui ne sait que le chancelier d’Angleterre, président de la chambre des lords, est assis sur un sac de laine, afin de montrer, par un pittoresque symbole, l’importance que la nation entière attache à ce produit ? La viande de mouton est à son tour aussi populaire que la laine, et fort recherchée en général par les consommateurs anglais. […]
Il y a toujours eu beaucoup de moutons en Angleterre; ces îles étaient déjà, sous ce rapport, célèbres du temps des Romains. Les races primitives vivaient à l’état sauvage, on retrouve encore leurs derniers descendans dans les montagnes du pays de Galles, de la presqu’île de Cornouailles et de la Haute-Ecosse. Cette tendance naturelle du sol et du climat n’a fait que s’accroître et se fortifier avec le temps. Déjà, il y a près de trois siècles, au moment où l’esprit commercial et manufacturier a commencé à se développer en Europe, l’élève des moutons avait pris brusquement en Angleterre une extension inusitée partout ailleurs : c’était alors la laine qu’on recherchait avant tout, comme de nos jours en France. On les distinguait en races à longue laine et races à laine courte, les premières surtout étaient très estimées. »
Source : L’économie rurale en Angleterre, Léonce de Lavergne, Revue des Deux Mondes, |2e série de la nouv. période, tome 1, 1853 (p. 262-291).
Pour en savoir plus sur l’élevage de moutons au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, vous pouvez notamment consulter les ressources suivantes :
- En Grande Bretagne et en France La reconquête ovine à la peine, web-agri.fr
- 1er producteur d´ovins en Europe - La Grande-Bretagne renforce ses stratégies de leader, patre.reussir.fr
- En Ecosse, la laine tire son épingle du jeu, rfi.fr
-
- Le Mouton en Irlande, mascotte du pays irlandais, guide-irlande.com
- L'Irlande à la reconquête des brebis perdues et du marché européen, idele.fr
- La brève histoire du mouton en Nouvelle-Zélande, lepetitjournal.com
- Les filières viande bovine et ovine en Nouvelle-Zélande Une affaire familiale entre technicité et manque de rentabilité, agrireseau.net
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