voyage de l'eau
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 29/06/2019 à 16h21
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Question d'origine :
Bonjour,
Dans le cadre des restrictions d'eau, je me demandais si l'Espagne, qui nous exporte des milliers de tonnes de fruits et légumes et qui doit subir des sécheresses surtout en Andalousie, ne "perdait" pas en même temps des millions de litres d'eau, et si cette eau était définitivement perdue vu qu'elle ne s'évapore pas chez eux.
Par corollaire, la France "gagne"-t-elle de l'eau ?
Merci.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 01/07/2019 à 13h34
Bonjour,
Heureusement pour nos voisins espagnols, l’eau qui s’évapore en Espagne, en France ou ailleurs n’est pas statique : elle grossit des nuages qui se déplacent sous l’influence des vents, sur des distances très vastes. D’ailleurs, la majeure partie de l’eau qui s’évapore dans l’atmosphère pour former les nuages provient des océans.
Les exportations de fruits et légumes ne perturbent donc pas, ou du moins pas de manière aussi directe, le cycle de l’eau : l’eau qui irrigue les cultures espagnoles provient des nappes phréatiques et des cours d’eaux, eux-mêmes alimentés par les glaciers et les intempéries :
«Le cycle de l’eau
L’eau circule sur terre sous différentes formes : nuages, pluie, rivières et océans.
Elle va passer de la mer à l’atmosphère, de l’atmosphère à la terre puis de la terre à la mer, en suivant un cycle qui se répète indéfiniment. Au sein d’un même bassin, tous les milieux aquatiques (lacs, rivières, mer, nappes souterraines…) sont interdépendants durant ce cycle.
Le cycle de l’eau se décompose en plusieurs étapes :
L’évaporation
Grâce à l’énergie solaire, l’eau des mers et des océans s’évapore dans l’atmosphère en se débarrassant de son sel et de ses impuretés.
L’évaporation peut également provenir de la terre, nous parlerons alors d’évapotranspiration. C’est un phénomène qui transforme en vapeur d’eau les eaux des rivières, des lacs, des sols, des animaux, des hommes et surtout de la végétation. Cette vapeur d’eau viendra ensuite s’accumuler dans les nuages, de la même manière que l’évaporation des mers et océans.
La condensation
Au contact de l’atmosphère, la vapeur d’eau se refroidit et se transforme en gouttelettes qui vont former les nuages, la brume ou le brouillard.
Les précipitations
Sous l’impulsion des vents, les nuages se déplacent dans l’atmosphère. Lors d’un changement climatique et par effet de gravité, les nuages s’alourdissent et retombent sur le sol sous forme d’eaux pluviales, de grêle ou de neige.
79 % des précipitations tombent sur les océans, les 21 % restants tombent sur la terre puis viennent alimenter les nappes phréatiques, soit par infiltration, soit par ruissellement.
Les eaux de pluie qui pénètrent dans le sol par infiltration peuvent stagner jusqu’à des milliers d’années avant de retourner dans les océans. Un peu moins de la moitié des précipitations va servir à recharger les nappes souterraines, le reste repart en évaporation.
L’eau qui ne parvient pas à s’infiltrer directement dans le sol, ruisselle le long des pentes pour se jeter ensuite dans les lacs et les rivières. Cette eau suivra leurs cours pour rejoindre les mers et les océans.
Toutes les eaux issues du ruissellement (ruisseaux, rivières, fleuves, lacs) sont appelées cours d’eau de drainage.
La stagnation de l’eau dans les réservoirs naturels
Durant son cycle, l’eau va passer dans différents réservoirs naturels pour y rester plus ou moins longtemps avant de reprendre son voyage vers les mers et les océans.
Ce temps de stagnation s’appelle le temps de résidence de l’eau. Elle varie suivant les types de réservoirs :
• Atmosphère : 8 jours
• Rivières : quelques jours
• Lacs : 17 ans
• Nappes souterraines : de quelques jours à plusieurs milliers d’années
• Océan : 2 500 ans
• Glacier : plusieurs milliers d’années
L’eau douce et l’eau salée
Notre planète contient un volume d’eau total d’environ 1,4 milliard de km3. Cette quantité d’eau demeure la même depuis son apparition sur Terre.
Ces 1,4 milliard de km3 se composent de 97,17 % d’eau salée et de 2,83 % d’eau douce. Ils forment l’hydrosphère, c’est-à-dire l’ensemble des réserves d’eau de la Terre.
L’eau salée couvre 2/3 de la surface de la Terre et se trouve dans les mers, les océans et les banquises. Le sel qu’elle contient provient des roches et des minéraux qui sont entrés en contact avec elle.
L’eau douce provient essentiellement des précipitations. On la trouve à différents niveaux :
• à 76 % dans les glaciers
• à 22,5 % sous la terre : nappes phréatiques et nappes profondes et captives
• à 1,26 % sur la terre : eaux de surface (lacs, rivières, étangs…)
• à 0,04 % dans l’air : nuages, pluies, brouillard, brume
La principale source d’eau douce de la planète provient de la fonte des glaces de la calotte glaciaire et des glaciers.
Bien que présente en faible quantité sur terre par rapport à l’eau salée, l’eau douce est essentielle à la vie. L’alimentation en eau douce permet notamment à l’homme de vivre en lui fournissant de quoi boire, se laver et cultiver de quoi se nourrir.
Les eaux souterraines
Les eaux souterraines sont issues de l’infiltration des eaux de pluie dans le sol. Elles forment deux types de nappes appelées également aquifères :
• les nappes phréatiques proches de la surface du sol
• les nappes captives qui sont plus profondes
Ces eaux sont ensuite recueillies par captage puis traitées dans des usines de traitement afin de produire de l’eau potable pour la consommation humaine.
Le cycle domestique de l’eau
En parallèle du voyage éternellement renouvelé de l’eau sur notre planète, l’eau peut être détournée vers un autre cycle, plus court et restreint aux activités humaines. C’est grâce à ce petit voyage intérieur que nous pourrons utiliser l’eau du robinet pour notre consommation d’eau, la dépolluer après usage avant de la rendre au milieu naturel…
Pour assurer une bonne gestion de l’eau, le cycle domestique doit respecter plusieurs étapes :
• Le captage
• Le traitement
• Le stockage
• La distribution
• La collecte
• La dépollution
• Le retour à la nature
62 % de l’eau potable provient des eaux souterraines, les 38 % restants proviennent des eaux superficielles (torrents, rivières, lacs). L’eau minérale et l’eau de source sont exclusivement d’origine souterraine alors que l’eau du robinet peut provenir d’origines multiples (eaux de surface, eaux souterraines…).
L’eau est prélevée par captage dans un forage ou un puit. Le sol servant de filtre naturel permet d’assurer une bonne qualité de l’eau. Mais un traitement s’impose pour offrir une eau potable, débarrassée de ses impuretés. »
Source : cieau.com
Ceci étant posé, la sécheresse, et même la désertification en Espagne est une réalité séculaire qui, sous les effets conjugués du tourisme, de l’agriculture et du changement climatique, ne va pas en s’améliorant :
«Des réserves d’eau très basses
Si les barrages du nord du pays ont fait le plein, les réserves des régions du sud-est, comme la Castille-La Manche (36,5 % de ses capacités), Murcie (18,24 %) et Valence (29,8 %) restent largement au-dessous de la moyenne. « La sécheresse reste un défi structurel, les deux tiers du territoire espagnol risquent la désertification et 20 % se trouvent déjà désertifiés », assène Gonzalo Delacamara, directeur du département pour l’économie de l’eau de la fondation IMDEA et directeur des programmes du Forum de l’économie de l’eau.
Etle changement climatique en a amplifié les effets . Sur les dix bassins européens souffrant d’un « stress hydraulique » élevé, sept sont en Espagne. « On résout toujours le problème de l’eau en Espagne du côté de l’offre, mais le modèle est tout simplement épuisé », explique cet expert.
L’offre, pour l’instant, passe par exemple par les transferts de fleuve à fleuve. Comme ceux du fleuve Tage vers la Segura, de la région de Castille-La Manche vers celle de Murcie. Début avril, le gouvernement a décidé de renouer avec ces transferts jusqu’au mois de juin, le Tage ayant retrouvé des niveaux acceptables. « Cela faisait dix mois que nous attendions ce transfert », assure Lucas Jimenez, président du Scrats (Syndicat des irrigants de l’aqueduc Tage-Segura).
Quatre ans de sécheresse
Mais la mairie de Sacedon, une localité de Castille-La Manche, qui a vu des centaines d’habitants partir en raison de la sécheresse, s’y oppose. Sur le site internet de la municipalité, cinq mots traduisent le ras-le-bol des habitants : « Ça suffit ! Non au transfert. » Mais, à des kilomètres au sud, dans la région de Murcie, le « potager » de l’Espagne, après quatre ans de sécheresse, on insiste sur la solidarité.
En attendant, Lucas Jimenez énumère les solutions de rechange : « Nous avons utilisé les sources aquifères déjà très exploitées et les usines de dessalinisation. » Seulement voilà, le prix de l’eau sortant des usines de dessalinisation reste plus élevé que l’eau d’un puits aquifère. « Du coup, certaines grandes usines sont sous-utilisées », assure Gonzalo Delacamara.
Maisl’agriculture et le tourisme, deux activités importantes, sont gourmandes en eau . « Les agriculteurs ont fait leur devoir pour mieux gérer l’eau », affirme José Luis Gallego, mais « l’augmentation des superficies a gommé les gains obtenus en consommation d’eau », ajoute Gonzalo Delacamara. De l’avis de nombreux experts, il manque une véritable politique d’État de l’eau, qui « puisse gérer la demande et pas seulement l’offre ».
Source : L’Espagne aura de plus en plus soif, la-croix.com
Citons également des extraits de l’analyse de Marie François publiée en 2006 dans la revue Géocarrefour : La pénurie d’eau en Espagne : un déficit physique ou socio-économique ?
«Disponibilités et utilisations de l’eau en Espagne
Partagée entre les domaines atlantique et méditerranéen, l’Espagne est un pays aux situations hydrologiques contrastées. Les précipitations moyennes annuelles sont de 687 mm mais, 24% du territoire reçoivent plus de 800 mm et 15% reçoivent moins de 400 mm (Maury , 1990). Tout comme les précipitations, les eaux superficielles sont inégalement réparties : 69% sont situées sur la façade atlantique et 31% sur la façade méditerranéenne.
Les organismes officiels distinguent les bassins hydrographiques excédentaires (Duero, Tage, Èbre), les bassins à faible excès (Júcar, Pyrénées orientales) et les bassins déficitaires (Segura).
Sécheresse et désertification en Espagne
La sécheresse en Espagne n’est pas un phénomène nouveau ni exceptionnel. Jorge Olcina Cantos (2001, p. 52-53), professeur de géographie à l’Université d’Alicante, classe les sécheresses en trois types selon leur localisation géographique et leur durée :
les sécheresses cantábricas, de caractère imprévisible et de faible fréquence, se localisent sur la frange climatique océanique au nord de la péninsule ;
les sécheresses ibéricas, de caractère conjoncturel dont les séquences ont une durée de deux à quatre ans, se localisent pratiquement sur la totalité du territoire ;
les sécheresses surestinas, de caractère structurel, prolongent les effets des sécheresses ibéricas dans les territoires de climat aride.
Bien que le caractère non exceptionnel des épisodes de sécheresse en Espagne soit admis, la perception de ce risque naturel a changé (Olcina Cantos, 2001). Ce changement a pris naissance lors de la sécheresse des années 1960. Avant cet épisode, la société s’adaptait aux sécheresses, alors qu’après elles sont considérées comme des séquences catastrophiques.
Dans le processus de désertification plusieurs facteurs interagissent parmi lesquels les sécheresses, les changements d’utilisation du sol, les types de productions agricoles et la perte de biodiversité. Mais comme l’exprime Francisco Lopez Bermudez (2004) : « la désertification est, fondamentalement, un problème de développement durable. C’est un symptôme d’un mal fondamental : la rupture de l’équilibre entre le système de ressources naturelles et le système socio-économique qui les exploite. L’aridité, les sécheresses, les fluctuations climatiques ne suffisent pas à elles seules à expliquer le phénomène de la désertification. La crise environnementale que représente la désertification requiert une reconsidération radicale du conflit société/nature. »
En Europe, l’Espagne apparaît comme le pays le plus affecté par le processus de désertification : il concerne 67% du territoire, dont plus de 30% caractérisé par un risque élevé voire très élevé. La Communauté Valencienne (Bassin du Júcar), la région de Murcie (Bassin du Segura), l’Andalousie (Bassins du Guadalquivir et du Sur) et Castille – La Manche (Bassin du Tage) sont les régions les plus touchées.
[…]Consommations d’eau
En Europe, l’Espagne est la plus grande consommatrice d’eau par habitant (656 m3/hab/an) bien qu’elle soit parmi les pays les moins dotés en ressources hydriques (moins de 3 000 m3/hab/an). En terme d’intensité d’utilisation (prélèvements totaux/ressources en eau), elle se situe en troisième position (23%) derrière la Belgique (45%) et l’Italie (32%). Cette forte intensité d’utilisation est due à l’irrigation. En effet, l’utilisation agricole d’eau en Espagne représente 77% des utilisations totales. Près de 15% de la surface agricole utile en Espagne sont irrigués. L’irrigation concerne en grande partie les régions situées au sud et au sud-est de la péninsule comme la Communauté de Valencia ou la Région de Murcie, régions qui sont aussi touchées par un risque élevé de désertification (tabl. 1).
[…] A l’importante consommation d’eau par l’agriculture et en particulier l’irrigation, il faut ajouter une concentration de la population à l’est et au sud de l’Espagne. En 2003, la densité moyenne espagnole était de 86 hab/km² (MMA (a), 2005) mais elle atteignait des concentrations très importantes dans des provinces comme Malaga (188), Valencia (214), Alicante (280) ou Barcelone (654).
Il faut également tenir compte de l’important processus d’urbanisation et du développement du tourisme dans le Sud-Est, surtout en bordure des littoraux. Tourisme et urbanisation sont des phénomènes importants en Espagne.
Or, dans la zone méditerranéenne le processus d’urbanisation est une des principales menaces pour les sols. La superficie urbanisée en Espagne a augmenté de 26% dans les années 1990 (Observatorio de la sostenibilidad en España, 2005, p.122). Dans certaines Communautés Autonomes (fig.1), l’augmentation de cette superficie a dépassé 50%, par exemple dans les Communautés Autonomes de Murcie (52%), de Navarre (51%) et de Valence (50%).
[…]L’urbanisation augmente l’artificialisation du sol et la concurrence avec l’agriculture pour les ressources hydriques. Comme le souligne A. Aledo Tur (1999, p. 5), la spéculation immobilière se convertit de cette façon en un élément associé à la désertification. Le modèle touristique de l’Espagne méditerranéenne se base, sauf quelques exceptions, sur la promotion et la vente d’appartements et de maisons, ce que nous avons nommé tourisme immobilier. Ce tourisme est de caractère extensif et génère, à la différence du tourisme hôtelier, une énorme consommation d’espace, favorise l’expansion de l’urbanisation, le changement dans l’utilisation de la terre (…).
L’augmentation de la consommation urbaine de l’eau permet de mettre en évidence le décalage entre ressources hydriques et besoins croissants. Au niveau national elle a augmenté de 20,9% entre 1990 et 2001 (MMA (a), 2005). Cette augmentation de la consommation urbaine a atteint près de 30% dans les bassins méditerranéens espagnols et a dépassé 50% dans la Région de Murcie (55,4%).
Ces quelques chiffres montrent le caractère semi-aride de la péninsule ibérique, soumise régulièrement à des épisodes de sécheresse, tout en soulignant le rôle important des facteurs socio-économiques tels que la forte intensité de prélèvements d’eau, en particulier par l’agriculture, l’accroissement de l’urbanisation et l’augmentation de la consommation urbaine. Ce sont tous ces facteurs cumulés qui posent le problème des déficits croissants.
[…]CONCLUSION
La question de la pénurie d’eau en Espagne est-elle liée à un déficit physique ou à un déficit socio-économique ? La réponse ne peut être simple. Il est indéniable que l’Espagne est en majeure partie un pays au climat semi-aride qui connaît depuis des siècles des épisodes de sécheresse. En ce sens, la pénurie d’eau est liée à un déficit physique. Cependant, l’exemple de la Région de Murcie montre que s’ajoutent des raisons socio-économiques et médiatiques. Le développement économique de type productiviste des cinquante dernières années, qui a accru considérablement les besoins et les consommations d’eau, exacerbe la pénurie en Espagne, créant des conflits inter et intra-régionaux. Et les médias, par la diffusion d’arguments plus ou moins stéréotypés, ont propagé l’idée d’une sécheresse que l’on peut qualifier de « médiatique », induisant dans la société une sécheresse « psychologico-sociale ».
Un autre modèle de développement, qui recevrait l’appui des medias, ne serait-il pas à envisager ? Un modèle qui diffuserait un discours mettant en évidence que l’Espagne doit utiliser le caractère semi-aride de son climat comme une richesse et non comme un handicap à son développement et qu’elle doit adopter des pratiques et des utilisations qui s’adaptent aux ressources naturelles. Un modèle plus juste socialement, économiquement et au plan environnemental.
« La gestion de l’eau ne se ramène pas uniquement à sa dimension technique et ne dépend pas que des contraintes climatiques. Les situations de pénurie ne s’expliquent pas nécessairement par une rareté réelle de la ressource, mais bien souvent par la faiblesse des ressources sociales et organisationnelles consacrées à leur gestion, sous la forme de changement de valeurs, de définition de normes, de procédures ou de planification à long terme. » (Lasserre, 2005, p. 563).
Je conclurai cet article en reprenant les propos de Michel Drain (2005, p. 192-193) qui, à mon sens, résument clairement la situation hydrique et la politique de gestion de l’eau en Espagne :
« Si l’inégale répartition géographique des ressources hydriques est indéniable, le recours aux transferts [et aux grandes infrastructures hydrauliques de manière générale] afin d’y remédier n’est pas seulement motivé par une aspiration à une égalité des ressources hydriques à l’échelle nationale. Il s’y ajoute des considérations économiques (…). De nos jours, ce sont les activités liées au tourisme qui sont à l’origine des plus fortes valeurs ajoutées par l’usage de l’eau avec, notamment, la spéculation immobilière et les équipements sportifs et ludiques. Faut-il alors satisfaire des exigences qui aboutissent à la concentration sur le littoral des populations et des activités et aux dégradations du milieu qui en résultent ? » »
Si les exportations de fruits et légumes ont un impact sur la sécheresse, c’est donc plutôt au niveau de l’irrigation nécessaire pour produire ces cultures, et non la perte en évapotranspiration due à l’exportation vers d’autres pays. On pourrait aussi arguer que la pollution entraînée par le transport (par camion, par avion…) contribue au réchauffement climatique, et ce faisant contribue à aggraver le phénomène de désertification…
Bonne journée.
Heureusement pour nos voisins espagnols, l’eau qui s’évapore en Espagne, en France ou ailleurs n’est pas statique : elle grossit des nuages qui se déplacent sous l’influence des vents, sur des distances très vastes. D’ailleurs, la majeure partie de l’eau qui s’évapore dans l’atmosphère pour former les nuages provient des océans.
Les exportations de fruits et légumes ne perturbent donc pas, ou du moins pas de manière aussi directe, le cycle de l’eau : l’eau qui irrigue les cultures espagnoles provient des nappes phréatiques et des cours d’eaux, eux-mêmes alimentés par les glaciers et les intempéries :
«
L’eau circule sur terre sous différentes formes : nuages, pluie, rivières et océans.
Elle va passer de la mer à l’atmosphère, de l’atmosphère à la terre puis de la terre à la mer, en suivant un cycle qui se répète indéfiniment. Au sein d’un même bassin, tous les milieux aquatiques (lacs, rivières, mer, nappes souterraines…) sont interdépendants durant ce cycle.
Le cycle de l’eau se décompose en plusieurs étapes :
Grâce à l’énergie solaire, l’eau des mers et des océans s’évapore dans l’atmosphère en se débarrassant de son sel et de ses impuretés.
L’évaporation peut également provenir de la terre, nous parlerons alors d’évapotranspiration. C’est un phénomène qui transforme en vapeur d’eau les eaux des rivières, des lacs, des sols, des animaux, des hommes et surtout de la végétation. Cette vapeur d’eau viendra ensuite s’accumuler dans les nuages, de la même manière que l’évaporation des mers et océans.
Au contact de l’atmosphère, la vapeur d’eau se refroidit et se transforme en gouttelettes qui vont former les nuages, la brume ou le brouillard.
Sous l’impulsion des vents, les nuages se déplacent dans l’atmosphère. Lors d’un changement climatique et par effet de gravité, les nuages s’alourdissent et retombent sur le sol sous forme d’eaux pluviales, de grêle ou de neige.
79 % des précipitations tombent sur les océans, les 21 % restants tombent sur la terre puis viennent alimenter les nappes phréatiques, soit par infiltration, soit par ruissellement.
Les eaux de pluie qui pénètrent dans le sol par infiltration peuvent stagner jusqu’à des milliers d’années avant de retourner dans les océans. Un peu moins de la moitié des précipitations va servir à recharger les nappes souterraines, le reste repart en évaporation.
L’eau qui ne parvient pas à s’infiltrer directement dans le sol, ruisselle le long des pentes pour se jeter ensuite dans les lacs et les rivières. Cette eau suivra leurs cours pour rejoindre les mers et les océans.
Toutes les eaux issues du ruissellement (ruisseaux, rivières, fleuves, lacs) sont appelées cours d’eau de drainage.
Durant son cycle, l’eau va passer dans différents réservoirs naturels pour y rester plus ou moins longtemps avant de reprendre son voyage vers les mers et les océans.
Ce temps de stagnation s’appelle le temps de résidence de l’eau. Elle varie suivant les types de réservoirs :
• Atmosphère : 8 jours
• Rivières : quelques jours
• Lacs : 17 ans
• Nappes souterraines : de quelques jours à plusieurs milliers d’années
• Océan : 2 500 ans
• Glacier : plusieurs milliers d’années
Notre planète contient un volume d’eau total d’environ 1,4 milliard de km3. Cette quantité d’eau demeure la même depuis son apparition sur Terre.
Ces 1,4 milliard de km3 se composent de 97,17 % d’eau salée et de 2,83 % d’eau douce. Ils forment l’hydrosphère, c’est-à-dire l’ensemble des réserves d’eau de la Terre.
L’eau salée couvre 2/3 de la surface de la Terre et se trouve dans les mers, les océans et les banquises. Le sel qu’elle contient provient des roches et des minéraux qui sont entrés en contact avec elle.
L’eau douce provient essentiellement des précipitations. On la trouve à différents niveaux :
• à 76 % dans les glaciers
• à 22,5 % sous la terre : nappes phréatiques et nappes profondes et captives
• à 1,26 % sur la terre : eaux de surface (lacs, rivières, étangs…)
• à 0,04 % dans l’air : nuages, pluies, brouillard, brume
La principale source d’eau douce de la planète provient de la fonte des glaces de la calotte glaciaire et des glaciers.
Bien que présente en faible quantité sur terre par rapport à l’eau salée, l’eau douce est essentielle à la vie. L’alimentation en eau douce permet notamment à l’homme de vivre en lui fournissant de quoi boire, se laver et cultiver de quoi se nourrir.
Les eaux souterraines sont issues de l’infiltration des eaux de pluie dans le sol. Elles forment deux types de nappes appelées également aquifères :
• les nappes phréatiques proches de la surface du sol
• les nappes captives qui sont plus profondes
Ces eaux sont ensuite recueillies par captage puis traitées dans des usines de traitement afin de produire de l’eau potable pour la consommation humaine.
En parallèle du voyage éternellement renouvelé de l’eau sur notre planète, l’eau peut être détournée vers un autre cycle, plus court et restreint aux activités humaines. C’est grâce à ce petit voyage intérieur que nous pourrons utiliser l’eau du robinet pour notre consommation d’eau, la dépolluer après usage avant de la rendre au milieu naturel…
Pour assurer une bonne gestion de l’eau, le cycle domestique doit respecter plusieurs étapes :
• Le captage
• Le traitement
• Le stockage
• La distribution
• La collecte
• La dépollution
• Le retour à la nature
62 % de l’eau potable provient des eaux souterraines, les 38 % restants proviennent des eaux superficielles (torrents, rivières, lacs). L’eau minérale et l’eau de source sont exclusivement d’origine souterraine alors que l’eau du robinet peut provenir d’origines multiples (eaux de surface, eaux souterraines…).
L’eau est prélevée par captage dans un forage ou un puit. Le sol servant de filtre naturel permet d’assurer une bonne qualité de l’eau. Mais un traitement s’impose pour offrir une eau potable, débarrassée de ses impuretés. »
Source : cieau.com
Ceci étant posé, la sécheresse, et même la désertification en Espagne est une réalité séculaire qui, sous les effets conjugués du tourisme, de l’agriculture et du changement climatique, ne va pas en s’améliorant :
«
Si les barrages du nord du pays ont fait le plein, les réserves des régions du sud-est, comme la Castille-La Manche (36,5 % de ses capacités), Murcie (18,24 %) et Valence (29,8 %) restent largement au-dessous de la moyenne. « La sécheresse reste un défi structurel, les deux tiers du territoire espagnol risquent la désertification et 20 % se trouvent déjà désertifiés », assène Gonzalo Delacamara, directeur du département pour l’économie de l’eau de la fondation IMDEA et directeur des programmes du Forum de l’économie de l’eau.
Et
L’offre, pour l’instant, passe par exemple par les transferts de fleuve à fleuve. Comme ceux du fleuve Tage vers la Segura, de la région de Castille-La Manche vers celle de Murcie. Début avril, le gouvernement a décidé de renouer avec ces transferts jusqu’au mois de juin, le Tage ayant retrouvé des niveaux acceptables. « Cela faisait dix mois que nous attendions ce transfert », assure Lucas Jimenez, président du Scrats (Syndicat des irrigants de l’aqueduc Tage-Segura).
Mais la mairie de Sacedon, une localité de Castille-La Manche, qui a vu des centaines d’habitants partir en raison de la sécheresse, s’y oppose. Sur le site internet de la municipalité, cinq mots traduisent le ras-le-bol des habitants : « Ça suffit ! Non au transfert. » Mais, à des kilomètres au sud, dans la région de Murcie, le « potager » de l’Espagne, après quatre ans de sécheresse, on insiste sur la solidarité.
En attendant, Lucas Jimenez énumère les solutions de rechange : « Nous avons utilisé les sources aquifères déjà très exploitées et les usines de dessalinisation. » Seulement voilà, le prix de l’eau sortant des usines de dessalinisation reste plus élevé que l’eau d’un puits aquifère. « Du coup, certaines grandes usines sont sous-utilisées », assure Gonzalo Delacamara.
Mais
Source : L’Espagne aura de plus en plus soif, la-croix.com
Citons également des extraits de l’analyse de Marie François publiée en 2006 dans la revue Géocarrefour : La pénurie d’eau en Espagne : un déficit physique ou socio-économique ?
«
Partagée entre les domaines atlantique et méditerranéen, l’Espagne est un pays aux situations hydrologiques contrastées. Les précipitations moyennes annuelles sont de 687 mm mais, 24% du territoire reçoivent plus de 800 mm et 15% reçoivent moins de 400 mm (Maury , 1990). Tout comme les précipitations, les eaux superficielles sont inégalement réparties : 69% sont situées sur la façade atlantique et 31% sur la façade méditerranéenne.
Les organismes officiels distinguent les bassins hydrographiques excédentaires (Duero, Tage, Èbre), les bassins à faible excès (Júcar, Pyrénées orientales) et les bassins déficitaires (Segura).
La sécheresse en Espagne n’est pas un phénomène nouveau ni exceptionnel. Jorge Olcina Cantos (2001, p. 52-53), professeur de géographie à l’Université d’Alicante, classe les sécheresses en trois types selon leur localisation géographique et leur durée :
les sécheresses cantábricas, de caractère imprévisible et de faible fréquence, se localisent sur la frange climatique océanique au nord de la péninsule ;
les sécheresses ibéricas, de caractère conjoncturel dont les séquences ont une durée de deux à quatre ans, se localisent pratiquement sur la totalité du territoire ;
les sécheresses surestinas, de caractère structurel, prolongent les effets des sécheresses ibéricas dans les territoires de climat aride.
Bien que le caractère non exceptionnel des épisodes de sécheresse en Espagne soit admis, la perception de ce risque naturel a changé (Olcina Cantos, 2001). Ce changement a pris naissance lors de la sécheresse des années 1960. Avant cet épisode, la société s’adaptait aux sécheresses, alors qu’après elles sont considérées comme des séquences catastrophiques.
Dans le processus de désertification plusieurs facteurs interagissent parmi lesquels les sécheresses, les changements d’utilisation du sol, les types de productions agricoles et la perte de biodiversité. Mais comme l’exprime Francisco Lopez Bermudez (2004) : « la désertification est, fondamentalement, un problème de développement durable. C’est un symptôme d’un mal fondamental : la rupture de l’équilibre entre le système de ressources naturelles et le système socio-économique qui les exploite. L’aridité, les sécheresses, les fluctuations climatiques ne suffisent pas à elles seules à expliquer le phénomène de la désertification. La crise environnementale que représente la désertification requiert une reconsidération radicale du conflit société/nature. »
En Europe, l’Espagne apparaît comme le pays le plus affecté par le processus de désertification : il concerne 67% du territoire, dont plus de 30% caractérisé par un risque élevé voire très élevé. La Communauté Valencienne (Bassin du Júcar), la région de Murcie (Bassin du Segura), l’Andalousie (Bassins du Guadalquivir et du Sur) et Castille – La Manche (Bassin du Tage) sont les régions les plus touchées.
[…]
En Europe, l’Espagne est la plus grande consommatrice d’eau par habitant (656 m3/hab/an) bien qu’elle soit parmi les pays les moins dotés en ressources hydriques (moins de 3 000 m3/hab/an). En terme d’intensité d’utilisation (prélèvements totaux/ressources en eau), elle se situe en troisième position (23%) derrière la Belgique (45%) et l’Italie (32%). Cette forte intensité d’utilisation est due à l’irrigation. En effet, l’utilisation agricole d’eau en Espagne représente 77% des utilisations totales. Près de 15% de la surface agricole utile en Espagne sont irrigués. L’irrigation concerne en grande partie les régions situées au sud et au sud-est de la péninsule comme la Communauté de Valencia ou la Région de Murcie, régions qui sont aussi touchées par un risque élevé de désertification (tabl. 1).
[…] A l’importante consommation d’eau par l’agriculture et en particulier l’irrigation, il faut ajouter une concentration de la population à l’est et au sud de l’Espagne. En 2003, la densité moyenne espagnole était de 86 hab/km² (MMA (a), 2005) mais elle atteignait des concentrations très importantes dans des provinces comme Malaga (188), Valencia (214), Alicante (280) ou Barcelone (654).
Il faut également tenir compte de l’important processus d’urbanisation et du développement du tourisme dans le Sud-Est, surtout en bordure des littoraux. Tourisme et urbanisation sont des phénomènes importants en Espagne.
Or, dans la zone méditerranéenne le processus d’urbanisation est une des principales menaces pour les sols. La superficie urbanisée en Espagne a augmenté de 26% dans les années 1990 (Observatorio de la sostenibilidad en España, 2005, p.122). Dans certaines Communautés Autonomes (fig.1), l’augmentation de cette superficie a dépassé 50%, par exemple dans les Communautés Autonomes de Murcie (52%), de Navarre (51%) et de Valence (50%).
[…]L’urbanisation augmente l’artificialisation du sol et la concurrence avec l’agriculture pour les ressources hydriques. Comme le souligne A. Aledo Tur (1999, p. 5), la spéculation immobilière se convertit de cette façon en un élément associé à la désertification. Le modèle touristique de l’Espagne méditerranéenne se base, sauf quelques exceptions, sur la promotion et la vente d’appartements et de maisons, ce que nous avons nommé tourisme immobilier. Ce tourisme est de caractère extensif et génère, à la différence du tourisme hôtelier, une énorme consommation d’espace, favorise l’expansion de l’urbanisation, le changement dans l’utilisation de la terre (…).
L’augmentation de la consommation urbaine de l’eau permet de mettre en évidence le décalage entre ressources hydriques et besoins croissants. Au niveau national elle a augmenté de 20,9% entre 1990 et 2001 (MMA (a), 2005). Cette augmentation de la consommation urbaine a atteint près de 30% dans les bassins méditerranéens espagnols et a dépassé 50% dans la Région de Murcie (55,4%).
Ces quelques chiffres montrent le caractère semi-aride de la péninsule ibérique, soumise régulièrement à des épisodes de sécheresse, tout en soulignant le rôle important des facteurs socio-économiques tels que la forte intensité de prélèvements d’eau, en particulier par l’agriculture, l’accroissement de l’urbanisation et l’augmentation de la consommation urbaine. Ce sont tous ces facteurs cumulés qui posent le problème des déficits croissants.
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La question de la pénurie d’eau en Espagne est-elle liée à un déficit physique ou à un déficit socio-économique ? La réponse ne peut être simple. Il est indéniable que l’Espagne est en majeure partie un pays au climat semi-aride qui connaît depuis des siècles des épisodes de sécheresse. En ce sens, la pénurie d’eau est liée à un déficit physique. Cependant, l’exemple de la Région de Murcie montre que s’ajoutent des raisons socio-économiques et médiatiques. Le développement économique de type productiviste des cinquante dernières années, qui a accru considérablement les besoins et les consommations d’eau, exacerbe la pénurie en Espagne, créant des conflits inter et intra-régionaux. Et les médias, par la diffusion d’arguments plus ou moins stéréotypés, ont propagé l’idée d’une sécheresse que l’on peut qualifier de « médiatique », induisant dans la société une sécheresse « psychologico-sociale ».
Un autre modèle de développement, qui recevrait l’appui des medias, ne serait-il pas à envisager ? Un modèle qui diffuserait un discours mettant en évidence que l’Espagne doit utiliser le caractère semi-aride de son climat comme une richesse et non comme un handicap à son développement et qu’elle doit adopter des pratiques et des utilisations qui s’adaptent aux ressources naturelles. Un modèle plus juste socialement, économiquement et au plan environnemental.
« La gestion de l’eau ne se ramène pas uniquement à sa dimension technique et ne dépend pas que des contraintes climatiques. Les situations de pénurie ne s’expliquent pas nécessairement par une rareté réelle de la ressource, mais bien souvent par la faiblesse des ressources sociales et organisationnelles consacrées à leur gestion, sous la forme de changement de valeurs, de définition de normes, de procédures ou de planification à long terme. » (Lasserre, 2005, p. 563).
Je conclurai cet article en reprenant les propos de Michel Drain (2005, p. 192-193) qui, à mon sens, résument clairement la situation hydrique et la politique de gestion de l’eau en Espagne :
« Si l’inégale répartition géographique des ressources hydriques est indéniable, le recours aux transferts [et aux grandes infrastructures hydrauliques de manière générale] afin d’y remédier n’est pas seulement motivé par une aspiration à une égalité des ressources hydriques à l’échelle nationale. Il s’y ajoute des considérations économiques (…). De nos jours, ce sont les activités liées au tourisme qui sont à l’origine des plus fortes valeurs ajoutées par l’usage de l’eau avec, notamment, la spéculation immobilière et les équipements sportifs et ludiques. Faut-il alors satisfaire des exigences qui aboutissent à la concentration sur le littoral des populations et des activités et aux dégradations du milieu qui en résultent ? » »
Si les exportations de fruits et légumes ont un impact sur la sécheresse, c’est donc plutôt au niveau de l’irrigation nécessaire pour produire ces cultures, et non la perte en évapotranspiration due à l’exportation vers d’autres pays. On pourrait aussi arguer que la pollution entraînée par le transport (par camion, par avion…) contribue au réchauffement climatique, et ce faisant contribue à aggraver le phénomène de désertification…
Bonne journée.
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