Porteur pour les refuges de haute montagne
LYON, MÉTROPOLE ET RÉGION
+ DE 2 ANS
Le 22/11/2019 à 11h07
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Question d'origine :
Bonjour à tous,
je recherche des renseignements à propos des porteurs qui ravitaillaient ( ou qui ravitaillent encore) les refuges de Haute montagne notamment celui de l'Aiguille du Goûter en Haute Savoie.
J'aimerais connaitre un peu l'historique de ce métier.
Depuis quand, ils ont été remplacés par l'hélicoptère.
Ou alors, des hommes sont-ils toujours employés pour ravitailler en produits frais ces refuges de très haute altitude
Avec mes remerciements
Très cordialement
Dom de V
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 25/11/2019 à 09h52
Bonjour,
Concernant le refuge de l'Aiguille du Goûter, on en trouve l'histoire succinte dans Origine des noms des montagnes de la Haute-Savoie:
L'idée de construire un premier refuge fut lancée, en 1784, par les chasseurs Jean-Marie Coutet et François Guidet (ils ne parlaient alors que d'une "guérite en ardoises plates").
C'est le docteur Ch. Loiseau qui, en 1854, fit construire un abri au sommet de l'Aiguille, afin d'y passer la nuit, dans le but d'atteindre, le lendemain, le sommet du Mont-Blanc, en passant par les Rochers Rouges.
Le premier refuge (presque) digne de ce nom, fut édifié en 1858-1859. 80 ascensions de porteurs furent nécessaires pour en acheminer les matériaux. Le refuge, exigu, inconfortable et très mal isolé, ne pouvait accueillir que 4 ou 5 personnes, mais était néanmoins équipé d’un poêle à bois. Restaurée en1882, cette "cabane" sera utilisée jusqu'en 1936.
L' alpinisme étant à la mode, la cabane se montra très insuffisante, il fut alors envisagé la construction d’un nouveau refuge.
Construit sous la direction de l'architecte Jaillet, ce nouveau refuge (de 13 m²) fut achevé en septembre 1906. Il ne pouvait accueillir que 8 personnes mais était beaucoup plus confortable que le précédent.
La vieille cabane fut détruite en 1936. À sa place, Monsieur Orset fit construire un refuge privé d'une capacité de 30 places.
Acheté en 1942 par le Club Alpin Français, qui le réaménagea et l'améliora, ce refuge s'avéra, là encore, rapidement trop petit.
Conçu par l'architecte Lederlin, préfabriqué en usine puis héliporté en "kit", un nouveau refuge fut construit (un chantier qui dura 4 saisons), et, en septembre 1962, inauguré par Maurice Herzog, alors haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports.
Ce nouveau refuge s'agrandit, en 1990, d'une annexe de 40 places supplémentaires.
Le refuge actuel a été construit en juin 2010, à 300 mètres de l’ancien, Inauguré le 28 juin 2015, il a une capacité de 120 places et à la particularité d’être énergétiquement autonome.
Les "porteurs" constituaient-ils une caste professionelles particulières dans le massif du mont blanc ? Dans A la conquête du Mont-Blanc, l'auteur évoque les "métiers d'hier" de la montagne : cristalliers et chasseurs de chamois, contrebandiers et plus tard : guides de hautes montagnes.
Ce sont ceux-là qu'on retrouve généralement à l'entretien des refuges, ainsi par exemple qu'on peut le lire dans cette évocation de la construction et de l'entretient d'un refuge dans l'ouvrage Les Refuges du Mont-Blancs (p. 145) : Revenons aux années 1920. La cabane du docteur Payot ne suffit plus. Un nouveau refuge est construit en aval de celle-ci. Henri Vallot, le cousin de Joseph, on s’en souvient, en dessine les plans, les frères Caillot, de Saint-Sauveur, dans l'Oise, se chargent de sa construction. Les murs de granit sont doublés à l'intérieur par des planches de l’ancienne cabane. Capacité d’accueil : quinze places, et le titre de cabane d’Argentière ou refuge Gallois, « du nom de l’alpiniste dont le legs a permis de financer cette réalisation ».” Quinze places, c’est peu. Trop peu :
Daniel Burnier construira également
Avant les Montessuit, un couple très apprécié tenait la cabane : les Simond ; Roger, le guide, et sa femme Irène, laquelle faisait
monter ses chèvres sur le glacier pour nourrir là-haut ses enfants en bas âge.
Nous vous invitons à consulter cet ouvrage (disponible dans notre salle de lecture Documentation régionale à la Part-Dieu, ainsi que les autres ouvrages cités), tout comme Les enfants du Mont Blanc : histoire des guides de Saint-Gervais Val-Montjoie, depuis 1864, autre excellent ouvrage de la même collection abordant le sujet. Dans le même rayon, vous trouverez quelques ouvrages -parfois des témoignages- sur ce métier passionnant.
Et également, pour varier les plaisirs, un documentaire vidéo Refuges du Mont-Blanc dont un des chapitres devraient vous interesser : "Mémoires de porteurs"
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 25/11/2019 à 14h08
Bonjour,
Sur la profession de porteur en général, c’est certainement en creusant du côté de la profession de guide que vous trouverez des informations supplémentaires, ces deux métiers étant étroitement liés. Dans Le patois et la vie traditionnelle aux Contamines-Montjoie Hubert Bessat précise que le « portseû » est un « porteur en refuge ou accompagnant le guide, aspirant guide ».
Exercer cette profession quelques années était une façon d’apprendre le métier de guide :
« La profession consistait à accompagner clients et guides diplômés, en portant le plus gros des bagages, tout en acquérant les connaissances du métier, mais aussi à coltiner de lourdes charges destinées au ravitaillement des hauts refuges.
Le porteur était parfois surnommé: 'le mulet à deux pattes'. »
Source : Porteur de montagne ou aspirant guide de montagne, notrehistoire.ch
Dans les années 50 l’arrivée des hélicoptères révolutionne la manière de bâtir en altitude, ainsi que le ravitaillement. A partir de ce moment la fonction de porteur tend à disparaître, mais ne s’éteint jamais complètement : aujourd’hui on a toujours recours aux porteurs notamment pour approvisionner les refuges en produits frais :
« S’abriter pour la nuit... Des premiers abris sous roche aux refuges contemporains, c’est toute une épopée ! Les refuges, des lieux d’accueil et d’histoire qui ont évolué au fil du temps. Les premiers refuges sont des abris sous roche aménagés ou des cabanes en pierre.A partir de 1890, des refuges en bois préfabriqués en atelier sont montées à dos d’homme ou de mulet, et assemblés sur place . D’autres sont construits en pierre, mais le transport des matériaux est difficile. La plupart de ces refuge a ensuite été agrandie pour répondre aux besoins des alpinistes. L’hélicoptère (fin des années 1950) révolutionne la construction en haute altitude (transport, armatures métalliques...), les refuges sont plus grands. C’est le cas des refuges actuels du Carrelet (1972), du Promontoire (1966), des Ecrins (1969)... Les réalisations les plus récentes utilisent des technologies et des matériaux nouveaux (énergie, traitement des eaux usées...), comme le refuge de La Pilatte. Avant 1945, les refuges ne sont pas gardés : chaque cordée y apporte bois de chauffage et ravitaillement. Des porteurs, avec ou sans ânes, les ravitaillent toujours en produits frais pour compléter les héliportages, faits avant l’été. »
Source : Gravir les sommets : un siècle et demi d’alpinisme dans les Ecrins, ecrins-parcnational.fr
«en 1957, l’hélicoptère vient révolutionner l’art de bâtir en altitude. Les charges ne doivent plus être portées à dos d’homme et les chantiers peuvent être réalisés dans des délais bien plus courts . Les charpentes, autrefois intransportables sont maintenant acheminables sur le site de construction et l’hélicoptère peut même jouer le rôle de grue de chantier. Cette révolution technologique met un terme au métier de porteur mais, en revanche, est une aubaine pour les gardiens qui peuvent maintenant être ravitaillés en quelques heures.
[…]Depuis 2007, les gardiens suisses sont indépendants du Club Alpin. Ils louent la cabane et gagnent leur vie en vendant des repas tandis que l’argent des nuitées revient au CAS. Ils doivent gérerl’approvisionnement des stocks qui se fait en hélicoptère en début de saison et à dos d’homme ou de mulet le reste de l’année .
[…] l’ensemble des refuges doit, par définition, n’être accessible qu’à pied ou en hélicoptère pour les ravitaillements, nous avons toutefois pu constater quecertains d’entre eux n’ont pas cette chance et continuent, encore aujourd’hui à être ravitaillés à dos d’homme ou d’âne . »
Source : Etude et catégorisation des refuges de haute montagne construits ou rénovés en Europe ces dix dernières années, Germain Lamotte
« L'hélicoptère se moque bien de la neige qui, en ces premiers jours de juin, encercle encore le refuge du Fond d'Aussois. Le voici qui émerge au-dessus d'une crête rocheuse, lesté d'un volumineux chargement. Il le dépose en douceur à quelques mètres du gîte avant de s'en retourner aussitôt, chargé de bouteilles de gaz vides. Quatre allers et retours se succèdent, convoyant chaque fois 650 kilos de victuailles. Assez pour entamer l'été.
Dans deux semaines, le refuge ouvrira ses portes aux randonneurs et aux alpinistes. Pour l'instant, il sort à peine de l'hiver, comme les marmottes qui se chamaillent dans la neige. Le gardien, Thierry Margueron, a quitté la vallée de la Maurienne dès l'aube pour une ascension rapide à travers les névés. On s'enfonce jusqu'aux cuisses mais qu'importe, il faut être au rendez-vous pour l'héliportage, à 2 346 mètres d'altitude. Une fois en haut, il commence par ouvrir la large baie vitrée et retrouve un panorama dont il ne se lasse pas, depuis les vingt-deux étés qu'il travaille ici, en plein massif de la Vanoise, face à l'aiguille de Scolette marquant la frontière avec l'Italie. Mais ce matin, il y a urgence: l'hélico dicte son tempo. Chaque minute de vol est facturée 35 euros. Alors, vite, décharger! La charcuterie et les fromages - 30kilos de tome de Savoie et 50 kilos de beaufort - emplissent le garde-manger. Polenta, crozets, bière locale, cubis de vin Un second ravitaillement arrivera durant l'été.Et les produits frais ? Laitages ou salades sont montés à dos d'homme, près de 50 kilos chaque jour . »
Source : Travailler près des étoiles, Baptiste Legrand, L'Obs, jeudi 11 juillet 2019 1048 mots, p. 48,49 (consulté sur Europresse)
Peut-être trouverez-vous plus d’informations dans les ressources suivantes :
• Refuges, Jacques Sapiega (documentaire)
• Les refuges du Mont-Blanc : versant français, Dominique Potard
• Les refuges dans les Alpes : abris du ciel, défis des hommes, par Antoine Chandellier
• Tuquerouye : balcon du Mont-Perdu, Gérard Raynaud
• Un gardien de refuge raconte / Raymond Martinatto dit "Martin"
• Profession guides de haute montagne, Syndicat National des Guides de Montagne ; coordination Bruno Pellicier, Denis Crabières, Michel Zalio
• Les carnets d'un guide de haute montagne : La dynastie des Ravanel"à Luc", "auteur" ; Roland Ravanel
• Histoire de la Compagnie des guides de Chamonix, Daniel Chaubet
• Histoire des guides de montagne : Alpes & Pyrénées (1760-1980), Renaud de Bellefon
• Profession guide : deux siècles de passion montagnarde : exposition, Grenoble, Musée dauphinois, 1988
• Une mémoire alpine dauphinoise : alpinistes et guides, 1875-1925, Philippe Bourdeau
• Les derniers guides-paysans : Saint-Christophe-en-Oisans, René Glénat
• 100 ans de guides en Ecrins, Claude Albrand ; [avec la participation de la] compagnie des guides Oisans-Ecrins, Bureau des Ecrins
Bonne journée.
Sur la profession de porteur en général, c’est certainement en creusant du côté de la profession de guide que vous trouverez des informations supplémentaires, ces deux métiers étant étroitement liés. Dans Le patois et la vie traditionnelle aux Contamines-Montjoie Hubert Bessat précise que le « portseû » est un « porteur en refuge ou accompagnant le guide, aspirant guide ».
Exercer cette profession quelques années était une façon d’apprendre le métier de guide :
« La profession consistait à accompagner clients et guides diplômés, en portant le plus gros des bagages, tout en acquérant les connaissances du métier, mais aussi à coltiner de lourdes charges destinées au ravitaillement des hauts refuges.
Le porteur était parfois surnommé: 'le mulet à deux pattes'. »
Source : Porteur de montagne ou aspirant guide de montagne, notrehistoire.ch
Dans les années 50 l’arrivée des hélicoptères révolutionne la manière de bâtir en altitude, ainsi que le ravitaillement. A partir de ce moment la fonction de porteur tend à disparaître, mais ne s’éteint jamais complètement : aujourd’hui on a toujours recours aux porteurs notamment pour approvisionner les refuges en produits frais :
« S’abriter pour la nuit... Des premiers abris sous roche aux refuges contemporains, c’est toute une épopée ! Les refuges, des lieux d’accueil et d’histoire qui ont évolué au fil du temps. Les premiers refuges sont des abris sous roche aménagés ou des cabanes en pierre.
Source : Gravir les sommets : un siècle et demi d’alpinisme dans les Ecrins, ecrins-parcnational.fr
«
[…]Depuis 2007, les gardiens suisses sont indépendants du Club Alpin. Ils louent la cabane et gagnent leur vie en vendant des repas tandis que l’argent des nuitées revient au CAS. Ils doivent gérer
[…] l’ensemble des refuges doit, par définition, n’être accessible qu’à pied ou en hélicoptère pour les ravitaillements, nous avons toutefois pu constater que
Source : Etude et catégorisation des refuges de haute montagne construits ou rénovés en Europe ces dix dernières années, Germain Lamotte
« L'hélicoptère se moque bien de la neige qui, en ces premiers jours de juin, encercle encore le refuge du Fond d'Aussois. Le voici qui émerge au-dessus d'une crête rocheuse, lesté d'un volumineux chargement. Il le dépose en douceur à quelques mètres du gîte avant de s'en retourner aussitôt, chargé de bouteilles de gaz vides. Quatre allers et retours se succèdent, convoyant chaque fois 650 kilos de victuailles. Assez pour entamer l'été.
Dans deux semaines, le refuge ouvrira ses portes aux randonneurs et aux alpinistes. Pour l'instant, il sort à peine de l'hiver, comme les marmottes qui se chamaillent dans la neige. Le gardien, Thierry Margueron, a quitté la vallée de la Maurienne dès l'aube pour une ascension rapide à travers les névés. On s'enfonce jusqu'aux cuisses mais qu'importe, il faut être au rendez-vous pour l'héliportage, à 2 346 mètres d'altitude. Une fois en haut, il commence par ouvrir la large baie vitrée et retrouve un panorama dont il ne se lasse pas, depuis les vingt-deux étés qu'il travaille ici, en plein massif de la Vanoise, face à l'aiguille de Scolette marquant la frontière avec l'Italie. Mais ce matin, il y a urgence: l'hélico dicte son tempo. Chaque minute de vol est facturée 35 euros. Alors, vite, décharger! La charcuterie et les fromages - 30kilos de tome de Savoie et 50 kilos de beaufort - emplissent le garde-manger. Polenta, crozets, bière locale, cubis de vin Un second ravitaillement arrivera durant l'été.
Source : Travailler près des étoiles, Baptiste Legrand, L'Obs, jeudi 11 juillet 2019 1048 mots, p. 48,49 (consulté sur Europresse)
Peut-être trouverez-vous plus d’informations dans les ressources suivantes :
• Refuges, Jacques Sapiega (documentaire)
• Les refuges du Mont-Blanc : versant français, Dominique Potard
• Les refuges dans les Alpes : abris du ciel, défis des hommes, par Antoine Chandellier
• Tuquerouye : balcon du Mont-Perdu, Gérard Raynaud
• Un gardien de refuge raconte / Raymond Martinatto dit "Martin"
• Profession guides de haute montagne, Syndicat National des Guides de Montagne ; coordination Bruno Pellicier, Denis Crabières, Michel Zalio
• Les carnets d'un guide de haute montagne : La dynastie des Ravanel"à Luc", "auteur" ; Roland Ravanel
• Histoire de la Compagnie des guides de Chamonix, Daniel Chaubet
• Histoire des guides de montagne : Alpes & Pyrénées (1760-1980), Renaud de Bellefon
• Profession guide : deux siècles de passion montagnarde : exposition, Grenoble, Musée dauphinois, 1988
• Une mémoire alpine dauphinoise : alpinistes et guides, 1875-1925, Philippe Bourdeau
• Les derniers guides-paysans : Saint-Christophe-en-Oisans, René Glénat
• 100 ans de guides en Ecrins, Claude Albrand ; [avec la participation de la] compagnie des guides Oisans-Ecrins, Bureau des Ecrins
Bonne journée.
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