Question d'origine :
Madame/ Monsieur;
Je cherche comme mon sujet de these de Master, sur une ambassade des Ottomanes auprès de Directoire (1797-1802)
Cet Ambassadeur ‘Seyyid Ali Efendi’ est également passé votre bibliothèque. Il en parle dans sa relation d'ambassade avec des grands intérêts. D’ailleurs, un bibliothécaire, Delandine a donné un discours qu’il a ornementé avec les expressions littéraires turques. Je ne sais si l’immeuble que L’ambassadeur a visité, subsiste depuis toujours.
En cherchant les réponses a mes questions seriez-vous si gentil de me donner les possibilités de partager quelques informations avec vos experts et visiter la bibliothèque ? Il est probable que les références que j’ai trouvées soient utiles pour vous puisque elles sont les pièces de votre histoire.
Je vais être à Lyon le 15 et 16 Mai.
En attendant
Je vous remercie pour votre intérêt
Osman Nihat Bişgin
Chargé des relations Franco-Turques auprès de Grande Assemblée Nationale de la Turquie
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 24/04/2015 à 13h15
Bonjour,
L’ambassadeur ottoman Seyyid Ali Efendi a en effet effectué une mission diplomatique sous le Directoire et au début de l’Empire. Le récit de sa mission diplomatique a été publiée en France aux éditions Actes Sud en 1998 (Morali Seyyid Ali Efendi et Seyyid Abdürrahim Muhhibb Efendi, Deux Ottomans à Paris sous le Directoire et l’Empire. Relation d’ambassade, Arles, Actes Sud, 1998), avec celle d’un autre ambassadeur ottoman, Abdürrahim Muhibb Efendi. La traduction en français est due à Stéphane Yerasimos.
Au cours de son voyage le menant de Marseille à Paris en 1797, il fait halte à Lyon où il est accueilli avec les honneurs dus à son rang. L’emplacement de la bibliothèque où est reçu l’ambassadeur par Antoine-François Delandine ne fait aucun doute. Député des Etats Généraux, bibliothécaire de l’Académie de Lyon après la Constituante, Delandine occupa sous le Directoire la chaire de législation à l’Ecole centrale du Rhône. Il fut ensuite nommé conservateur de la bibliothèque publique de Lyon en 1803. Le bâtiment dans lequel se passa la réception de l’ambassadeur ottoman est situé dans l’ancien collège jésuite de la Trinité, sur la Presqu’île de Lyon. Au moment du passage de Seyyid Ali Efendi, la bibliothèque appartenait depuis 1795 à la nouvelle Ecole centrale. Ce bâtiment existe toujours et est occupé par l’actuel lycée Ampère.
Citons les lignes relatives à cette bibliothèque tirées du dossier documentaire consacré aux anciennes bibliothèques lyonnaises disponible sur Numelyo :
"Situé au bord du Rhône, le collège de la Trinité (actuel lycée Ampère) a été pendant 200 ans (1565 à 1765) le fer de lance de la Contre-Réforme dans le sud-est de la France. Les jésuites y éduquèrent toute la jeunesse de la région, se signalant par leurs innovations en matière pédagogique. La cour principale du Collège participait à cette éducation avec un extraordinaire décor peint décrit par le P. Menestrier dans le « Temple de la sagesse ». Les pères étaient de grands savants : historiens, lexicographes, humanistes, astronomes, mathématiciens, missionnaires etc. Dans ce contexte la bibliothèque constituée au départ de quelques étagères de livres dans les chambres des pères se transforma à la suite d’une bonne gestion et d’acquisitions judicieuses en un véritable « temple des muses » de 30.000 volumes, curiosité de la ville dans la seconde moitié du 18e siècle.
Les jésuites y ajoutèrent un cabinet des médailles géré un moment par le Père de la Chaise, confesseur de Louis XIV ("La numismatique à Lyon au XVIIIe siècle" de Jean Guillemain et "Le médaillier du collège de la Trinité sous le règne de Louis le Grand", Claude-François Ménestrier : les jésuites et le monde des images, PUG, 2009). Des dons offerts par des amis ou élèves des jésuites (notables lyonnais, confesseurs des rois, ecclésiastiques) l’enrichirent de manuscrits et d’ouvrages remarquables. Cette bibliothèque ayant passé avec quelques péripéties la Révolution forme actuellement la base du Fonds ancien de la Bibliothèque municipale de Lyon".
Seyyid Ali Efendi relate dans son récit le discours lus par Antoine Delandine le jour de la visite le 5 juillet 1797 : « L’ancien souverain, le regretté et absous de ses péchés, dont la demeure est le paradis et le nid le ciel, Sa Seigneurie et notre maître, le Sultan Ahmed Khan – que sa terre soit légère – sur la fontaine sans pareille qu’il ordonna d’édifier et de vivifier devant la Porte impériale, laquelle est un produit naturel de ses prodiges, il prescrivit de rédiger et d’apposer ce chronogramme en vers, « Ouvre au nom de Dieu, bois l’eau et prie pour le khan Ahmed », en ordonnant que ceux qui le lisent et le déclament, en exprimant la soif de leur compassion pour le susdit défunt, soient apaisés et rassasiés par l’invention de cette fontaine, source de grâce et de faveurs. De même, l’épanouissement des ornements du trône des Ottomans, le magnifique, le compatissant, l’auguste, le puissant souverain, le jeune Alexandre, le roi des rois, le Darius de la magnificence, Sa Seigneurie notre maître sultan Selim Khan, dispensa un des actes de sa sollicitude, dont le flot de l’abondance des grâces et des faveurs libère et relève les peuples du monde et particulièrement la nation de France de tous les tourments du feu, en dépêchant en ce moment son infime serviteur avec son ambassade. » (Morali Seyyid Ali Efendi et Seyyid Abdürrahim Muhhibb Efendi, Deux Ottomans à Paris sous le Directoire et l’Empire. Relation d’ambassade, Arles, Actes Sud, 1998, p. 82)
Seyyid Ali Efendi rend hommage au discours de Delandine : « La traduction de ce discours étant portée à ma connaissance, nous répondîmes que la recherche d’expressions aussi circonstanciées attira notre attention.» (p. 82).
Dans un ouvrage paru en 1902 (Maurice Herbette, Une ambassade turque sous le Directoire, Paris, Perrin, 1902, p. 75), l’auteur donne une version légèrement différente du discours de Delandine : « L’Ecole centrale est flattée de recevoir Votre Excellence, dit-il ; les regards des hommes distingués comme elle par leurs lumières comme par leur rangs, fécondent les lettres. C’est ici l’un des sanctuaires de nos sciences. On sait que Son Excellence possède celle de son pays et a su en accroître les progrès. Aussi l’Ecole centrale, en lui montrant le dépôt de ses richesses littéraires, s’empresse-t-elle de lui appliquer ces mots que le grand Achmet III a fait graver sur la fontaine de Constantinople : il t’est permis de puiser dans cette source tranquille et pure ; ses eaux sont toujours limpides et ne peuvent jamais tarir. Ce sont les lettres qui unissent les Empires et les hommes dignes de s’aimer. Puisse son Excellence se plaire longtemps avec les Français et se rappeler ce vers de l’un des poètes de sa nation, du célèbre Misihi : « Le sage trouve toujours parmi ses amis des jours heureux.»
Herbette indique plus loin que le diplomate « fit alors demander où le citoyen Delandine avait puisé les citations dont il avait émaillé son discours, et l’orateur nomma la Bibliothèque orientale d’Herbelot, et surtout l’Histoire turque de Rachild.»
Barthélémy d’Herbelot (1625-1695) était un orientaliste renommé, professeur de syriaque au Collège de France en 1692. Sa Bibliothèque orientale ou dictionnaire universel contenant tout ce qui fait connaître les peuples de l’Orient a été publiée en 1697 par Antoine Galland, le premier traducteur en français des Mille et une nuits.
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