Comment régler un différend à propos d'un écoulement d'eau suite à des travaux publics ?
Question d'origine :
Exposé
Le SIEVO ( Syndicat Intercommunal des Eaux du Val de l’Ognon ) a procédé il y a environ deux à trois ans, à la réfection du réseau d’eau potable du village, réalisé la remise en état de la chaussée détériorée par les travaux au moyen d’une semi-pénétration goudronnée, sur toute sa largeur. Les travaux ont été financés à priori par le SIEVO, intervenant à mon avis au titre de Maître d’œuvre et Maître d’Ouvrage délégué,
Mes relations avec le Premier Magistrat étant conflictuelles, je n’ai obtenu aucun renseignement :
* Y a t-il eu un contrat passé entre la Commune et le SIEVO ?
* Une réception des travaux a-t’elle été prononcée?
Telle est la situation actuellement.
Je ne suis lié par aucun lien avec le SIEVO et considère qu’avec ou sans contrat, qu’avec ou sans PV de réception , les travaux étant réalisés sur le domaine communal, la commune en est propriétaire et que de ce fait , il lui incombe d’en assumer la charge , l’entretien et remédier aux éventuelles malfaçons, ( libre à cette dernière de se retourner si bon lui semble contre le SIEVO, si toutefois elle n’a pas signé de PV de réception sans réserves.)
Les malfaçons essentielles
Suite à la modifications des pentes par l’entreprise lors de la remise en état de la chaussée, au lieu de s’écouler comme précédemment en direction de la grille d’égout, l’eau ruisselle en direction de mon habitation. Résultante en cas de fortes pluies, obstruction des caniveaux avec risque d’inondation, ( Exclus de la garantie dégâts des eaux de mon contrat d’assurances habitation.)
La position du Maire
Dégage toute responsabilité en cas de sinistre avec motif, ce n’est pas nous qui avons réalisé les travaux, notre responsabilité n’est pas engagée, en conclusion : allez vous faire pendre ailleurs si bon vous semble, ce que je conteste vivement.
Question
En cas de sinistre ; qui est responsable quel sont mes droits en vertu de la législation.
Cordiales salutations et par avance Merci
Courchapon 7 novembre 2021
R. Gevrey
Réponse du Guichet

En France, les collectivités doivent prendre en charge le service public d’adduction d’eau potable et d’assainissement collectif ainsi que le contrôle de l’assainissement autonome. Aussi, les réseaux d’eau et d’assainissement sont des ouvrages publics et donc propriété d'une commune ou, dans certains cas, transférés à une intercommunalité. De ce fait, le décideur public a souvent une fonction de maître d’ouvrage.
Réseau d’eau potable: qu’est ce qui relève du privé ou du public?
L’ouvrage Des tuyaux et des hommes(2011) apporte quelques éléments de compréhension générale : «Quand on parle de services d’eau, on parle souvent de tuyaux, mais pas uniquement. Transporter de l’eau sur de longues distances ou desservir un grand nombre d’abonnés nécessitent de nombreux équipements. Les réseaux d’eau sont composés de tuyaux enterrés, de canaux, d’ouvrages de régulation, de stations de pompage et de traitement de l’eau acheminant de l’eau potable, de l’eau d’irrigation, de l’eau pluviale ou des eaux usées. Un réseau d’eau comprend toujours une partie privée qui peut se limiter à un ouvrage situé généralement en limite de parcelle (branchement ou vanne, robinet ou borne) ou s’étendre à partir de celui-ci sur la propriété privée (desserte de l’habitation ou du champ, collecte des eaux de toiture ou des eaux usées de l’habitation). Au-delà de cette partie privée, les réseaux d’adduction d’eau potable et d’assainissement collectif sont publics, propriété de la commune, éventuellement transférés à une intercommunalité.» Il précise également : «Les communes et leurs groupements ont l’obligation en France de prendre en charge le service public d’adduction d’eau potable et celui de l’assainissement collectif ainsi que le contrôle de l’assainissement autonome. Ces services publics sont des activités à caractère industriel qui font l’objet de réglementation à la fois locale (règlement de service) et nationale (lois et décrets spécifiques). [...] L’importance accordée aux équipements dans la gestion de l’eau fait que le décideur public est souvent caractérisé par sa fonction de maître d’ouvrage.»
A l’occasion d’une question posée en 2014 à l’Assemblée nationale par M. Xavier Bertrand à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les responsabilités qui pèsent sur les gestionnaires des réseaux publics d'adduction d'eau potable, celle-ci a rappelé que les ouvrages publics d'adduction publique en eau potable présentent donc le caractère d'ouvrages publics y compris les branchements qui amènent l'eau aux immeubles des particuliers, c'est-à-dire jusqu'au compteur (cf article L152-1 du Code rural et de la pêche maritime relatif aux servitudes).
Les seuls éléments du dossier que vous exposez ne peuvent permettre de d'apporter de réponse précise et le Guichet du Savoir ne peut en aucun cas se substituer à un juriste pour analyser le différent qui vous oppose à votre collectivité.
Cependant, nous avons trouvé dans cette article de La Gazette des communes, un exemple de dommage causé à une propriété privée suite à des travaux opérés sur l’ouvrage public d’adduction d’eau qui vous apportera quelques éléments de réponse :
«En cas de délégation limitée à la seule exploitation de l’ouvrage, comme c’est le cas en matière d’affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et son dimensionnement appartient à la personne publique délégante. Ce n’est qu’en cas de concession d’un ouvrage public, c’est-à-dire d’une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l’existence ou au fonctionnement de cet ouvrage.»
La jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 16MA01371 invoque également l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel " Les communes ou leurs établissements publics de coopération délimitent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement : (...) 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ", pour conclure en l'affaire citée qu'"aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les communes aient l'obligation de recueillir l'ensemble des eaux de pluie transitant par leur territoire afin d'éviter que les eaux de ruissellement n'atteignent les constructions édifiées dans l'axe de leur écoulement naturel ; qu'aucune faute ne peut ainsi être reprochée à la commune à ce titre ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que le maire aurait commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police en l'absence d'un danger grave, répété ou imminent".
Dans votre cas précis, l’appel à une expertise sera certainement incontournable pour apporter la preuve de la réalité des préjudices que vous subissez et confirmer le lien de causalité direct entre l'ouvrage et les travaux publics et les préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial.
Sachez qu’en cas de litige avec l'administration ou un service public (service de l’État ou d'une collectivité territoriale), vous pouvez saisir un médiateur, le Défenseur des droits. Vous trouverez l'ensemble des procédures à suivre pour ces recours sur le site ServicePublic.fr.