Peut-on remplacer les mots "homme" et "femme" par "XY" et "XX ?
Question d'origine :
XX ou XY : à quoi correspond cette séparation ? Si les mots « homme » ou « femme » posent problème (genre, etc.), peutt-on distinguer les gens selon XX ou XY ? Y a-t-il des théoriciens d'une telle appelation ? Enfin, question naïve : un XY peut-il (ou pourra-t-il à l'avenir avec les progrès de la science) devenir XX ? Et vice versa ?
Merci <3
Réponse du Guichet
Parler d'XX et d'XY au lieu de femmes et d'hommes nous paraît peu propice à pacifier les débats autour des questions de genre, puisque cela reviendrait à assigner encore une fois les identités de individus à leur sexe biologique. Concernant la possibilité de changer de chromosomes, cela n'est pas actuellement possible, mais les technologies de modification de génome progressent...
Bonjour,
Nous n'avons pas trouvé de source proposant de remplacer les appellation femme et homme par XX et XY, et il semble qu'il y ait une bonne raison : certes, dans l'espèce humaine ce sont bien les chromosomes sexuels X et Y qui "codent" notre appartenance à l'un ou l'autre sexe, comme l'explique Futura sciences :
Les chromosomes sexuels, comme leur nom l'indique, sont des chromosomes qui déterminent le sexe d'un individu. Dans l'espèce humaine, qui compte 46 chromosomes répartis en 23 paires, il y a deux chromosomes sexuels, X et Y : les cellules des femmes ont deux chromosomes X, tandis que celles des hommes ont un chromosome X et un chromosome Y. Les 44 autres chromosomes sont appelés autosomes. Contrairement aux autosomes, les chromosomes sexuels X et Y ne sont pas homologues. La présence de chromosomes sexuels est caractéristique des espèces sexuées. Chez les oiseaux, les mâles ont deux chromosomes sexuels ZZ et les femelles deux chromosomes sexuels WZ.
Et justement, si le sexe est une appellation biologique, le genre est une construction culturelle ! Voici une distinction assez limpide :
Le terme sexe renvoie à un ensemble d’attributs biologiques retrouvés chez les humains et les animaux. Il est lié principalement à des caractéristiques physiques et physiologiques, par exemple les chromosomes, l’expression génique, les niveaux d’hormones et l’anatomie du système reproducteur. On décrit généralement le sexe en termes binaires, « femme » ou « homme », mais il existe des variations touchant les attributs biologiques définissant le sexe ainsi que l’expression de ces attributs.
Le terme genre renvoie aux rôles, aux comportements, aux expressions et aux identités que la société construit pour les hommes, les femmes, les filles, les garçons et personnes de divers sexes et de genre. Le genre influe sur la perception qu’ont les gens d’eux-mêmes et d’autrui, leur façon d’agir et d’interagir, ainsi que la répartition du pouvoir et des ressources dans la société. L’identité du genre n’est ni binaire (fille/femme, garçon/homme) ni statique. Elle se situe plutôt le long d’un continuum et peut évoluer au fil du temps. Les individus et les groupes comprennent, vivent et expriment le genre de manières très diverses, par les rôles qu’ils adoptent, les attentes à leur égard, les relations avec les autres et les façons complexes dont le genre est institutionnalisé dans la société.
Source : cihr-irsc.gc.ca
Si la biologie classique reconnaît deux sexes, la création de genre n'est pas fermée. En 2014, un grand réseau social en reconnaissait déjà 52... Ainsi, comme nous vous le disions dans une précédente réponse :
Ce qu'on appelle homme et femme sont des extrapolations culturelles à partir de la biologie de la reproduction. Les attitudes et aptitudes attendues, les stéréotypes du masculin et du féminin, sont variables selon les sociétés. En cela le travail de Marguerite Mead, qui fit polémique, fut fondateur sur la problématique avec notamment la publication de Mœurs et sexualité en Océanie.
Comme nous le développons dans le reste de la réponse, certaines cultures reconnaissent plus que deux genres (homme/femme/chamane chez certains Inuits, par exemple. Sans compter qu'il existe des personnes dites "intersexuées" (ou, plus anciennement "hermaphrodites") qui possèdent les caractéristiques des deux sexes biologiques !
Remplacer "homme" et "femme" par "XY" et "XX" nous paraît donc peu pertinent... cela ne serait qu'utiliser des termes scientifiques pour dresser la même distinction - à moins, bien sûr, que l'usage de ces appellations se limite aux domaines de la médecine et de la biologie. La pratique ne recouvrirait d'ailleurs pas exactement les données de la science puisque, comme l'explique le docteur Ariane Giacobino dans un post du service questions/réponses de la Radio télévision suisse, certains hommes (au sens morphologique) possèdent deux chromosomes X !
Pour définir le sexe d’un individu, il y a plusieurs paramètres à prendre en compte: le sexe gonadique (organes génitaux, la présence de testicules ou ovaires), le sexe chromosomique (caryotype XX ou XY) et le sexe phénotypique (sexe «visible», caractères sexuels secondaires). Il existe des situations où ces 3 critères ne vont pas dans la même direction, notamment dans les variations du développement sexuel.
Il y a de rares situations de caryotype «féminin», donc XX, chez des individus avec un développement sexuel masculin, par exemple lorsqu’une petite portion du chromosome Y (région SRY) est déplacée sur un chromosome X (mécanisme de translocation). Ce phénomène peut se produire durant le processus aboutissant à la formation des spermatozoïdes. La région SRY induit une détermination sexuelle de type masculin mais en présence de deux chromosomes X.
Ce qui est d'ailleurs rassurant, puisque selon certains scientifiques, le chromosome Y, plus fragile et instable que son homologue X, pourrait bien disparaître dans cinq petits millions d'années...
Quant à modifier ses chromosomes sexuels au cours de la vie, cela semble pour l'instant relever de la science-fiction car nous ne sommes qu'au début des découvertes touchant à la modification du génome. Cependant, de nombreuses recherches sont à l'oeuvre : la technique d’édition des génomes CRISPR-Cas9 a par exemple été récompensée du prix Nobel de chimie en 2020. Elle permet d'ores et déjà de choisir le sexe des embryons de souris et un article de The Conversation nous apprend qu'avec elle "la modification du génome de cellules germinales (les cellules sexuelles) et de l’embryon devient accessible à tous" ! Nous nous garderons bien de dire que cela n'existera jamais.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à découvrir notre Centre de ressources sur le genre et notre riche collection sur le sujet, et notamment :
Bonne journée.