Quelle est l'unité monétaire indiquée sur la plaque des bienfaiteurs de l'Hôtel-Dieu ?
Question d'origine :
Dans le cloître de la cour de l'Hôtel-Dieu, on peut voir sur les murs les plaques des bienfaiteurs, avec noms et sommes données. Quelle est l'unité monétaire indiquée ? S'agit-il de francs..?
Merci de votre aide
Réponse du Guichet
En toute logique, la monnaie devait être celle en cours au moment de la pose de ces plaques, soit la livre sous l'Ancien Régime et le Franc après la Révolution. Mais les choses ne sont pas si simples...
A propos des dons recueillis par l'Hôtel-Dieu, on peut lire dans Le Grand Hôtel-Dieu de Lyon :
Tout d'abord, au sein de l'Hôtel-Dieu, les consuls et les recteurs eux-mêmes soutiennent régulièrement l'oeuvre de leurs propres deniers. A l'issue de leur mission, les recteurs font un don souvent très élevé à l'Hôtel-Dieu, comme certains échevins avant eux. D'autre part, à partir du XVe siècle, les personnes qui entrent au service de l'hôpital et qui souhaitent y demeurer leur vie durant font don de tout ce qu'ils possèdent. Cette pratique est notamment observée par les soeurs hospitalières. Enfin, il est courant de voir également des malades faire dons de leur biens à l'Hôtel-Dieu.
On peut voir un exemple de cette générosité sur le cénotaphe de Marc Panissod, installé à l'Hôtel-Dieu après avoir orné la chapelle de la Charité : on y lit que celui-ci a légué à sa mort la somme de 730 000 livres et son domaine de l'Ain au bon soin de la Charité.
Pour faire appel à la charité publique, les recteurs sollicitent des prédicateurs, véritables relais auprès de la population, afin de recommander l'Hôtel-Dieu à la générosité des fidèles.
En 1787 notamment, pour multiplier le nombre de lits disponibles et assurer à chaque malade son propre lit, l'hôpital lance une souscription publique qui remporte un franc succès puisqu'en plus des lits nécessaires, il est possible d'en acquérir 134 supplémentaires.
Le souvenir de l'élan charitable des Lyonnais en cette occasion est visible sur les huit tables de marbre blanc qui se trouvent dans le grand dôme. Elles vont servir de modèle aux plaques de marbre noir posées au XIXe siècle sur les murs de la galerie du cloître et qui portent le souvenir de tous les bienfaiteurs de l'Hôtel-Dieu depuis le XVe siècle.
Donc, on peut sans risque avancer que pour les plaques blanches, le montant des dons est indiqués en livres, puisque c'est la monnaie en cours à l'époque. En revanche pour les montants des plaques noires posées au XIXe siècle mais mentionnant des dons antérieurs à l'avènement du franc (en 1795 - pour info 1 franc = 1 Livre et 3 Deniers = 4,5 gr d’argent pur ), le doute est permis : l'unité monétaire est-elle celle ayant cours à l’époque de la donation, ou alors les montants ont-ils été convertis dans les francs de l’époque de la pose – peut-être pour faciliter une «comparaison» entre donateurs ? Le fait qu’aucune unité ne soit détaillée après le montant est-il significatif : un moyen peut être justement de ne pas avoir à affronter le problème en se contentant juste de recopier les montants dans les registres sans se poser la question de la monnaie ?
Un moyen définitif de répondre à cette question serait de comparer ces montants aux registres de l’Hôtel-Dieu dont ils sont issus, mais cela dépasse nos capacités et les outils à notre disposition.
Le plus probable cependant à notre avis, c'est que ces plaques reportent littéralement le montant recopié dans les registres de l'Hôtel-Dieu, sans conversion (à priori difficile s'il fallait tenir compte de l'évolution de la valeur de la monnaie). Donc, le montant correspondrait à l'unité en cours à l'époque de la donation, soit la livre avant 1795, le franc après.
C'est également ce que pense un conservateur du musée Gadagne que nous avons contacté avec votre question : "Le moyen le plus sûr en effet serait de remonter aux archives de la souscription. J’aurais tendance à dire que les montants exprimés sont en unité de monnaie contemporaine du don. N’ayant pas même un visuel des plaques, ce que je vous indique-là n’a d’autre valeur que la simple suggestion."
Les archives de l'Hôtel-Dieu sont conservées aux Archives municipales de Lyon.