D'où viennent les prénoms de La Flûte enchantée : Tamino, Pamina, Sarastro, Papageno et Papagena ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir d'où viennent les prénoms de La Flûte enchantée : Tamino, Pamina, Sarastro, Papageno (et Papagena donc). Sont-ce de pures inventions du librettiste ? ou ont-ils une origine particulière ?
Je vous remercie d'avance pour votre réponse.
Réponse du Guichet
Les prénoms des personnages de cet opéra sont inspirés de sources et langues diverses : allemand, égyptien, grec, et ont chacun une portée symbolique.
Si le livret de la Flûte enchantée est porté au crédit d’Emmanuel Schikaneder, sa genèse procède vraisemblablement de multiples sources, dont certaines sont toujours soumises à discussion. Citons notamment le conte Lulu ou la flûte enchantée, tiré du recueil Dschinnistan (1786-1789), de Christophe M. Wieland. L’opéra Oberon, König der Elfen, de Paul Wranitzky (1789) pourrait également avoir inspiré ou influencé l’écriture du livret. L’Avant-scène Opéra n°196 consacré à La Flûte enchantée développe d’ailleurs la thèse d’une oeuvre collective, fruit de la collaboration ou de l’émulation d’un réseau amical, artistique et spirituel autour de Mozart, Schikaneder, et la compagnie du Theater auf der Wieden où l'opéra fut créé.
Le musicologue allemand Jules Speller complète et résume :
Les principales [sources] sont, d'un côté, les contes réunis par Wieland dans le recueil Dschinnistan et, de l'autre, le roman Sethos de l’abbé Jean Terrasson ainsi que l'essai Ueber die Mysterien der Aegyptier d'Ignaz von Born (dont il a déjà été question). Les premiers fournissent l'ossature du drame et l'enrichissent d'une foule de détails souvent très révélateurs, les seconds sont responsables de l'apport "égyptien".
Le choix des prénoms des personnages de l’opéra reflète donc probablement ce tissage d’influences. On peut néanmoins tenter d’établir plus ou moins précisément, à qui ou quoi réfèrent ces personnages.
Pour cela, l’ouvrage de Jacques Chailley La flûte enchantée : opéra maçonnique donne des pistes intéressantes :
- Papageno vient de l’allemand papagei, c’est-à dire "perroquet“. Ce serait une référence à l'utilisation d'un oiseau lors de certains rites maçonniques, destiné à symboliser la volatilité, la futilité.
- Sarastro est un dérivé de Zoroastre, figure historico-mythologique d'une ancienne religion perse, symbole de sagesse et de lumière (s'opposant à la Reine de la Nuit)
- Tamino et Pamina sont littéralement et respectivement "l'homme / la femme" dédiés au dieu Min, divinité égyptienne de fertilité
- Monostatos est lui directement tiré du grec "l'isolé", littéralement "celui qui se tient seul"
Vous pourrez lire de plus amples développements sur la version de cet ouvrage proposée sur Googlebooks.