Je suis à la recherche d'un roman / pièce / monologue sur une ou des femme(s) qui abandonne(nt) tout
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche d'un roman/pièce de théâtre/monologue qui traite de la question d'une ou de femme(s) qui abandonne tout. Sa vie, ses enfants, son boulot, sa situation. La question est traitée par rapport aux hommes plus largement, et ceci fait partie du champ des possible dans le conscient collectif, mais l'idée d'une femme qui lâche tout est plus minoritaire, voire absente, et très mal vu. Pourriez-vous m'aider à trouver des lectures par rapport à ce thème? Merci d'avance.
Maud
Réponse du Guichet
Peu de textes existent en théâtre, sur la thématique des femmes qui abandonnent tout pour refaire leur vie. On trouve d’avantage de figures de femmes en lutte ou en résistance contre un ordre établi.
Nous avons trouvé, cependant, quelques références qui peuvent vous intéresser. Nous avons effectué pour cela une recherche sur Mascarille, base de connaissance sur le théâtre consultable en ligne à la Bibliothèque municipale de Lyon.
Voici nos propositions :
Ce qui arriva après le départ de Nora … / JELINEK Elfriede / 1993, éditions de l'Arche
Comédie psychologique
La suite de "Maison de poupée" d'Ibsen, imaginée par la plus subversive des auteurs.
Que reste-t-il des slogans de Nora, le personnage d'Ibsen, lorsqu'après avoir éprouvé pour le consul Weygang, roi du textile et de la spéculation, un "coup de foudre partagé", elle passe du monde ouvrier à celui de la finance ?
Distribution : 5 hommes + 5 femmes
Comme un insecte / LONOBILE Giuseppe / 2014, édition Lansman – collection «Théâtre à vif»
Sa vie a basculé un vingt-huit juillet, journée de fête et de répit dans le recoin d'un pays rongé par une guerre éternelle. Interpellée par le destin au détour d'une ruelle, elle se voit plongée dans un engrenage inéluctable. Papillon aux ailes tronquées, elle va tenter, envers et contre tout, de prendre son envol d'un milieu familial qui la tyrannise. Même au prix de sa propre mort. Avide de liberté, la jeune femme raconte et vit son récit comme on traverse un champ de bataille, avec cette crainte, ce sentiment permanent que tout peut s'arrêter d'un moment à l'autre… Comme un insecte nous parle de toutes ces femmes qui luttent pour être acceptées comme seules juges de leurs propres choix de vie.
Distribution : 1 femme
Eileen Shakespeare / MELQUIOT Fabrice / 2009, édition de l’Arche
Monologue
Eileen Shakespeare, sœur de William, embrasse toutes les voix des femmes qui ont connu la lutte, la révolte, la résistance. Double du personnage d’Orlando de Virginia Woolf, elle traverse le temps, les époques et vient nous boxer de sa vérité nue de femme réveillant notre désir d’être et de vivre.
Elle pourrait être la parente de Lady Macbeth, Eileen au menton haut, Eileen - Camille Claudel est une femme de liberté mise au bûcher pour avoir trop dit, trop pleurée, trop vécue.
Incarnation de la force, elle luttera et quittera un mariage forcé pour suivre les pas de son illustre frère, cherchant à devenir auteur et actrice. Elle luttera pour se cultiver, une ogresse libre et forte, à la parole haute, sans peur ni loi, puissante et vaillante.
De l’enfantement et de sa souffrance, du dépit, de son cœur comme un champ de bataille vide, elle balaie d’un revers de la main les idées préconçues, nous pousse dans nos retranchements et du fond des siècles nous dit de ne jamais abandonner nos rêves.
Distribution : 1 femme
Le Groenland / SALES Pauline / 2003, éditions Les Solitaires Intempestifs
Comédie dramatique - Monologue
Elle part, une nuit, avec sa petite fille, pour le Groenland. Elle a quitté sa maison, son mari, elle veut l’emmener vers les étendues, la neige, l’infini. Elle lui raconte des histoires, elle nous raconte son histoire. Elle veut que sa petite fille lui lâche la main… Sur le plateau, un piano droit et son pianiste accompagnent ce voyage, comme un iceberg à la dérive, sur des compositions de Béla Bartók.
"Ne pleure pas. J'ai mal à la tête. Pas de larmes. Je m'en vais toute seule et te laisse là. J'accroche un papier avec notre adresse à la fermeture Éclair de ton anorak. N'importe qui te raccompagnera chez toi tout droit. C'est ce que tu veux? Alors qu'est-ce que tu veux? Moi je reste là. Je ne rentre pas. Je vais au Groenland. Tu me crois ou pas (...)"
Distribution : 1 femme
Tous les résumés sont extraits de Mascarille - avec l'aimable autorisation d'Emile Zeizig.
A consulter également :
- Recherche de pièces de théâtre pour les adultes en fonction du nombre de personnages
- Bibliographies thématiques de pièces pour adultes
- Recherche de pièces de théâtre enfant en fonction du nombre de personnages
- Bibliographies thématiques pour enfants et adolescents.
Nous espérons vous avoir aidé dans vos recherches et nous vous remercions pour votre confiance.
A bientôt !
Réponse du Guichet
Si l'on peut débuter le résumé de nombreux romans ainsi : «Un homme quitte sa femme, ses enfants …», la réciproque côté féminin s’avère plus difficile à trouver (doux euphémisme). Surtout, quand il s’agit de quitter en plus ses enfants. Là, on touche carrément au tabou suprême. Sauf à vouloir passer pour une Médée contemporaine. Et pourtant, on remarque, récemment, une évolution dans la production littéraire, certes, presque imperceptible.
On voit apparaître de-ci, de-là, de nouveaux personnages féminins, autrefois condamnés par la morale et couverts d'opprobre. A la lecture de certains titres (Le premier jour du reste de ma vie de Virginie Grimaldi ; Maman est partie chercher du lait de Maud Goyer ; Juste un peu de temps de Caroline Boudet), on pourrait même presque dire que s'esquisse quelque chose comme l’air du temps. Nous ne serions ainsi pas surpris de voir fleurir dans les prochaines années de nombreux textes sur cette thématique.
Est-ce la déferlante MeToo qui a ainsi fait bouger les lignes ? Il est probable que la nouvelle génération décomplexée de féministes ait eu un impact sur les mentalités. De la même façon, l’apparition du concept de «charge mentale» pour les femmes dans le débat public a contribué à rendre visibles des problématiques longtemps tues.
Enfin, pas un jour ne passe sans que nous ne soyons amenés à nous interroger sur nos vies par trop aliénées et incités à nous reconnecter à nous-même.
Pour se retrouver, pour se connaître, il faut alors partir. Anaïs Vanel raconte sa nouvelle vie centrée désormais autour du surf dans son roman, Tout quitter, et aussi sur France Culture :
«Un jour, j’ai acheté un Berlingo. J’ai mis quelques cartons dans le coffre et je suis partie. J’ai pris la route comme ça. Après ma journée de boulot, comme on part en week-end. J’ai avalé les kilomètres, en écoutant King of the Road, de Roger Miller. Et enfin. Les pins. Les dunes. Les embruns. L’appartement. J’ai éventré les cartons. Trouvé mon maillot de bain. Et je suis allée me jeter dans les vagues.»
Tout quitter, tout plaquer, comme une envie impérieuse, presque inexplicable. C'est également ce que ressent Liv Maria, l'héroïne du roman éponyme de Julia Kerninon :
"Dans la libraire, en ouvrant le journal du matin, elle avait de plus en plus souvent l'impression de lire l'état de sa propre vie. Des incendies. Des pluies diluviennes. des populations déplacées. Des moustiques en février. Des floraisons en décembre. La disparition du silence, la disparition de la nuit. Elle aussi, de plus en plus souvent, sans encore se l'avouer, elle avait envie de disparaître." (p 238)
Si les motivations des protagonistes des romans recensés, restent parfois indicibles, en apparence confuses, ces héroïnes et/ou narratrices partagent bien souvent la poursuite d'une quête de liberté, dans laquelle se dessine une nouvelle identité. Une identité vraie loin de l’identité sociale que l’on vous assigne.
En cela, l’œuvre de Constance Debré résonne comme un manifeste et nous semble tout particulièrement exemplaire. Issue d’un milieu bourgeois et donc sur les rails du conformisme dès son plus jeune âge, l’auteure se débarrasse au fil de son œuvre des oripeaux de son identité sociale jusqu’à l’épure. Une quête de liberté douloureuse mais loin des "vies lamentables" (les vies aliénées), selon elle. Les premières lignes de son deuxième roman, Love me tender, donnent le ton:
«Je ne vois pas pourquoi l’amour entre une mère et un fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi on ne pourrait pas cesser de s’aimer. Pourquoi on ne pourrait pas rompre. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s’en foutre, une fois pour toutes, de l’amour.»
Voici donc la liste des romans cités ci-dessus et d’autres titres :
Play boy / Constance Debré
Love me tender / Constance Debré
Nom / Constance Debré
Tout quitter / Anaïs Vanel
Liv Maria / Julia Kerninon
Médée / Christa Wolf
Le premier jour du reste de ma vie / Virginie Grimaldi
Maman est partie chercher du lait / Maud Goyet
Juste un peu de temps / Caroline Boudet
La femme révélée / Gaëlle Nohant
L'arrachée belle / Lou Darsan
Ce matin-là / Gaëlle Josse
Une autre femme / Anne Tyler
Le triangle d'hiver / Julia Deck
Le mal de mer / Marie Darrieussecq
et une BD
Lulu femme nue / Etienne Davodeau
Bonnes lectures !