Je voudrais connaître l'évolution historique de l'anonymat ou du droit à l'anonymat.
Question d'origine :
Je voudrais connaître l'évolution historique de l'anonymat ou du droit à l'anonymat.
Merci pour votre réponse.
Réponse du Guichet
La notion d'anonymat peut avoir des champs d'application très vastes, qu'il nous serait difficile de traiter de manière approfondie dans une seule réponse. Votre question porte-t-elle plus particulièrement sur l'anonymat dans la littérature ou le journalisme ? L'anonymat dans la filiation ? L'anonymat sur internet ?...
Nous vous proposons ci-dessous quelques pistes généralistes.
Bonjour,
Dans Incognito : anonymat, histoires d'une contre-culture, Yann Perreau introduit son propos en citant "le premier héros du premier texte jamais écrit", Ulysse :
Mon nom est Personne.
De fait, on peut dire que l'anonymat a toujours existé en littérature : la tradition de la littérature orale se base principalement sur une production anonyme, et l'attribution à des auteurs présumés est en partie mythique, comme l'indique Jean Derive (qui parle plus spécifiquement de la littérature orale africaine).
L'anonymat est ainsi intimement lié à la notion d'auteur, toutefois cette dernière est relativement récente. D'après Yann Perreau :
La notion d'auteur naît avec l'imprimerie et les livres. En 1537, François 1er impose à tout auteur ou imprimeur le dépôt légal de ses oeuvres ; l'objectif est manifeste : la censure. Penseurs et artistes ont recours au pseudonyme ou nom de plume pour s'exprimer librement, éviter de se retrouver en prison ou sur le bûcher.
Même en l'absence de censure, après l'apparition de l'imprimerie l'anonymat est une pratique courante, comme le remarque Manon Brunet dans son article Anonymat et pseudonymat au XIXe siècle : l’envers et l’endroit de pratiques institutionnelles :
Ceci peut s'expliquer par la crainte légitime qu'un auteur éprouve à rencontrer pour la première fois un public élargi et incognito de surcroît. La crainte de la non-reconnaissance sociale de son travail amène donc l'auteur à agir sous un masque jusqu'à ce qu'il sente une réception favorable de la part du plus grand nombre de publics visés, car la reconnaissance ne lui est plus (seulement) dévolue par l'Etat ou l'Église.
L'anonymat est la première forme de brouillage utilisée par l'écrivain. Elle est suivie du pseudonymat et, en dernier lieu, au moment final opportun, du dévoilement de l'identité véritable. Ces différentes formes de masque correspondent ainsi à différents moments de reconnaissance sociale d'une pratique d'écriture.
Les articles suivants vous permettront d'en savoir plus sur la place de l'anonymat dans la littérature, du Moyen-Âge au XIXe siècle :
L'anonymat dans les arts et les lettres au Moyen Âge / sous la direction de Sébastien Douchet et Valérie Naudet
Rabinovitch, Oded. « Anonymat et institutions littéraires au XVIIe siècle : la revendication des œuvres anonymes dans la carrière de Charles Perrault », Littératures classiques, vol. 80, no. 1, 2013, pp. 87-104.
La notion d'anonymat peut avoir des champs d'application très divers : anonymat sur internet, anonymat des dons de gamètes, accouchement sous X, protection des témoins, anonymisation des gendarmes, policiers et certains agents de l'administration... Si votre interrogation porte sur un domaine spécifique, n'hésitez pas à nous poser une nouvelle question plus précise.
Par ailleurs, si nous étendons la notion d'anonymat à celle de vie privée, cet article de l'influx abordant cette notion sous l'angle historique devrait vous intéresser. Les pages Wikipedia consacrées à l'anonymat et à la vie privée pourront également vous apporter des éléments de réponse et des pistes bibliographiques pour approfondir.