Quelle est la fonction historique des entresols dans les immeubles canuts ?
Question d'origine :
Bonjour, j'aimerais connaître la fonction historique des entresols dans les immeubles canuts.
Ces entresols sont généralement au dessus des locaux commerciaux en rez-de-chaussée et possèdent des plafonds beaucoup plus bas que ceux des appartements des étages supérieurs.
Merci d'avance pour votre réponse.
Cordialement.
Réponse du Guichet
Les entresols de ces immeubles pouvaient servir de logement, de bureau ou d'annexe aux commerces ou ateliers du rez-de-chaussée.
Bonjour,
L'entresol désigne l'étage de hauteur réduite situé entre le rez-de-chaussée et le premier étage d'un immeuble. Il était réservé au logement des artisans et commerçants tenant la boutique du rez-de-chaussée ou encore servait d'annexe ou de bureau à ces activités-là.
Voici ce qui est indiqué dans un article de Josette Barre, concernant les immeubles situés dans la partie inférieure des pentes de la Croix-Rousse, quartier des capucins :
En 1810, le long des quatre rues nouvellement percées, s'élèvent déjà 27 immeubles dont la vocation commerciale n'est cependant pas encore très marquée. Ces constructions comptent en moyenne 4 étages et comprennent des appartements de 3 ou 4 pièces aux premiers et aux deuxièmes étages alors que dans les étages supérieurs ou au rez-de-chaussée, les locaux à pièce unique dominent. Une véritable stratification des occupants s'opère selon la catégorie socio-professionnelle des chefs de ménage. Au rez-de-chaussée figurent les petits commerçants et artisans, soit un cinquième des chefs de famille du quartier. Leurs locaux associent souvent la fonction de travail à celle d'habitation, le logement se réduisant à une petite pièce contiguë à la boutique, à l'atelier, ou située à l'entresol.
Aux premiers et deuxièmes étages demeurent deux catégories aisées : les propriétaires-rentiers (10% des chefs de ménage), et d'autre part les donneurs d'ordre de la Fabrique, les marchands-fabricants, les commissionnaires en soie représentant 25 % des chefs de ménage. Pour elles, de grands appartements aux pièces hautes ont été conçues. Parfois, quelques ornements de façade (balcon en fer forgé, pilastres à chapiteaux corinthiens, pierres de taille au rez-de-chaussée) témoignent d'une recherche architecturale et de l'aisance du commanditaire.
Dans les étages supérieurs se trouvent les populations modestes. Si les tisseurs sont rares, en revanche, les femmes préparant les fils de soie sont plus nombreuses. Elles sont dévideuses pour transformer les flottes ou écheveaux de soie en bobines (roquets), ou ourdisseuses pour regrouper les fils des roquets et constituer les chaînes des soieries. Elles ont pour voisins de palier des ouvriers d'autres textiles mais aussi des ouvriers de secteurs autres que le textile : des hommes de peine, des journaliers. L'ensemble de ces prolétaires représente le quart des locataires recensés dans ce quartier en 1810. Ils vivent soit en famille avec les enfants en âge de travailler — les plus jeunes étant placés en nourrice à l'extérieur de la ville — , soit en célibataires. Leurs appartements, réduits souvent à une pièce, servent de logement mais aussi de lieu de travail pour les ouvrières en soie ou pour les épouses des travailleurs des autres catégories, auxquelles le travail des fils de soie procure un complément de revenus. Cette pièce, plus basse que celle des premiers niveaux, abrite la famille (en moyenne 4 personnes) mais aussi des apprentis,
des ouvriers et quelquefois du matériel (ourdissoirs, dévidoirs).
source : Soierie lyonnaise et habitat : typologie des immeubles de la Croix-Rousse vers 1830 / Josette Barre
Un autre ouvrage explique :
Les immeubles de rapport présentent un certain nombre de caractéristiques communes: présence de commerces en rez-de-chaussée et réduction de la taille des appartements au fur et à mesure que l’on monte dans les étages. […] Les commerces gérés par l’administrateur de biens se situent à 91% au rez-de-chaussée car les activités commerciales dont l’activité principale consiste à vendre au public et/ou demandant des ateliers de type artisanal, requièrent des locaux au rez-de-chaussée, soit sur rue pour la vente soit sur cour pour les ateliers. L’occupation de l’entresol est souvent associée à l’activité du rez-de-chaussée. Dans les étages supérieurs, le nombre d’appartements augmente avec l’étage.
source : L'immeuble de rapport: L'immobilier entre gestion et spéculation (Lyon 1860-1990)
L'ouvrage intitulé Lyon, entre Bellecour et Terreaux: Urbanisme et architecture au XIXe siècle indique que "la disparition progressive des entresols semble aller de pair avec une disparition des logements directement associés aux activités du rez-de-chaussée, bien documentés dans le recensement de 1840".
A lire aussi : Un quartier de « fabrique », la fabrique d’un quartier : les pentes de la Croix-Rousse / conférence de Jean-Yves QUAY architecte-urbaniste
Il ne semble toutefois pas s'agir d'une spécificité lyonnaise. Beaucoup d'immeubles Haussmanniens étaient conçus ainsi, l'entresol étant destiné à stocker les marchandises et à loger les commerçants.
Et les hauteurs sous plafond ne sont pas les mêmes à tous les étages. Au 1er étage, que l'on appelait l'entresol, les appartements étaient réservés aux marchands, propriétaires des magasins du rez-de-chaussée. Si vous regardez bien, les fenêtres y sont moins hautes qu'aux autres étages. C'était pour des raisons de symétrie, le porche étant plus haut, il fallait réduire le niveau juste au-dessus. La hauteur sous plafond n'y dépassait pas 2,60 mètres, contre 3,20 mètres pour le deuxième étage, l'étage noble. Ensuite, la hauteur sous plafond va en décroissant au fur et à mesure que l'on monte.
source : Paris et l'architecture du baron Haussmann
et voir notre précédente réponse : Balcons des immeubles anciens.
Bonne journée.