Pourquoi les ailes des anges sont-elles très colorées sur les peintures du Moyen-Age et début de la Renaissance ?

Le premier chapitre du Le livre d’or du paradis et de l’enfer porte sur l’analyse de l’image des anges.

Concernant l’origine du motif des anges dans l’art, on peut y lire:

«L’image de l’ange a une origine très ancienne, probablement prébiblique, et y sont perceptibles les influences que les civilisations égyptiennes et assyro-babylonienne ont exercées sur la culture et la religion hébraïques (…)» Leur diffusion iconographique s’étend sur un vaste territoire assyrien, à l’époque préchrétienne, en Grèce et à Rome.»

Dans Le dictionnaire en ligne "Larousse", la notice sur les anges indique :
« Dans la Bible, les anges sont les messagers de Dieu auprès des humains. C’est probablement sous l’influence zoroastrienne que les anges furent conçus comme des êtres immatériels. Pour la théologie chrétienne, les anges sont des substances incorporelles, intelligentes, supérieures à l’âme de l’homme. On les partage en trois hiérarchies, distribuées chacune en trois chœurs. La première hiérarchie comprend les séraphins, les chérubins et le trônes; la deuxième, les dominations, les vertus et les puissances; la troisième, les principautés, les archanges et les anges. Ce dernier nom est employé aussi pour désigner tous ces esprits en général.»

Concernant les ailes précisément et sur leur interprétation, il est écrit page 12 du Le livre d’or du paradis et de l’enfer :

«Dans la représentation la plus ancienne de l’Annonciation, celle des catacombes de Priscilla (IIe-IIIe siècle), l’ange est sans ailes, comme devaient l’être les premières figures d’envoyés divins, soit pour se démarquer nettement du répertoire iconographique païen, soit pour être d’avantage conforme aux textes bibliques qui parle d’anges semblables aux hommes. (…)»

L’article sur les anges dans l'art dans Wikipédia complète ainsi:

«Dans cette même période, saint Jean Chrysostome a expliqué ce que signifient les ailes des anges : «Ils manifestent le caractère sublime de leur nature. C'est pourquoi Gabriel est représenté avec des ailes. Non que les anges aient des ailes, mais vous savez peut-être qu'ils quittent les hauteurs célestes où ils résident pour se rapprocher de la nature humaine. Par conséquent, les ailes attribuées à ces puissances n'ont pas d'autre intention que d'indiquer la sublimité de leur nature.»
(...)
À partir de ce moment-là, avec quelques exceptions bien sûr, l'art chrétien a représenté les anges avec des ailes, comme dans le cycle de mosaïques de la Basilique Sainte-Marie-Majeure(432-440)5. Les anges multiailés, qui ne montrent souvent que leur visage et leurs ailes, et qui appartiennent aux chœurs des anges les plus élevés, en particulier les chérubins et les séraphins, sont issus de l'art persan, et ne sont montrés en général que dans des contextes célestes, par opposition à l'exécution de tâches sur la terre. Ils apparaissent souvent dans les pendentifs de coupoles d'églises.»

Toujours dans le livre d’or du paradis et de l’enfer, on lit : «C’est ultérieurement qu’ils sont munis d’ailes, attributs inhérents à l’idée même d’envoyés de Dieu volants dans les airs et à partir de la Renaissance, ils sont figurés sous l’aspect d’enfants nus : il n’y a alors plus de risque de confusion avec les génies ailés du paganisme.»

Au sujet de cette figuration d’enfants nus, les chérubins, nous vous conseillons de lire la réponse suivante sur service de question réponse de la Ville de Genève Interroge.

Concernant leurs formes, Michael Lonsdale dans Sur les ailes de la beauté remarque: «Puisqu’il y a si peu de précisions dans les textes sur leur aspect physiques les artistes ont bénéficiés d’une liberté totale.»

Concernant la couleur, on trouve dans Le livre d’or du paradis et de l’enfer p.27 au sujet de l’ange de Guariento di Arpo Une Puissance, daté de 1354:  «Les différentes couleurs des ailes reprennent celles de l’arc en ciel, symbole de l’alliance entre Dieu et les hommes.»

Concernant la fonction de médiateur, d’alliance, l’historien, Philippe Faure, dans cet article Les cieux ouverts- les anges et leurs images dans le christianisme médiéval (xie-xiiiesiècles) (Étude d'anthropologie et d'iconographie religieuses) dans les cahiers du Centre de recherches historiques, note au sujet d’une présente iconographique massive dans l’art occidentale entre le 14e et le 15e et l’analyse en ces termes: «La prise de conscience de ce qu'on pourrait appeler «l'explosion démographique» des images d'anges auxxiveetxvesiècles m'a poussé à ouvrir une enquête sur cette période En analysant les images, on constate que la rançon de «l'explosion démographique» des anges est l'affaiblissement de la figure angélique dans sa fonction de médiateur et de messager de Dieu. Se détachent le protecteur, individuel ou collectif, et l'escorte lumineuse de Dieu. L'unité du système de représentation éclate sous l'influence de la résurgence de modèles antiques. L'effondrement du sens théophanique de l'ange et sa déconnexion du substrat biblique sont patents. Il me semble que l'on peut parler d'une disparition partielle de l'ange biblique et d'une véritable rupture dans la tradition iconographique. On est tenté de voir dans ce phénomène majeur le signe d'une évacuation de l'ange du christianisme et le prélude à la sécularisation. Car c'est le sens théophanique de l'ange qui s'estompe à la faveur de cette rupture, et la réduction de l'ange au décoratif qui s'impose.»

Dans Le livre d’or du paradis et de l’enfer, page 79, on trouve à propos de la robe blanche d’un ange qu’elle est «le signe qu’il est un envoyé de Dieu».

Dansl'œuvre de Rubens, Loth et sa famille s’enfuient de Sodome figure un ange aux ailes complètement blanches.Dans la fresque de Taddeo Gaddi L’Annonce aux bergers vers 1328, on peut voir aussi un ange aux ailes blanches.

En revanche, il n’est pas dit que l’évolution des ailes passent de multicolores à blanches. Ce que l’on note c’est surtout une évolution des traitements chromatiques correspondant à l’évolution de la représentation de la figure humaine, du rapport au divin. On peut penser par exemple qu’un traitement plus naturaliste à mesure que l’on quitte la Moyen Age, où le symbolique prime sur le figuratif.
On peut aussi penser à l’utilisation plus massive du blanc en peinture à partir de la Renaissance, comme le dit cet article : Couleur blanche dans l’histoire et l’art :

« Au cours de l’histoire Postclassique, les peintres mélangent rarement les couleurs; mais à la Renaissance, l’influent humaniste et érudit Leon Battista Alberti encouragea les artistes à ajouter du blanc à leurs couleurs pour les rendre plus légères, plus lumineuses et ajouter de la hilaritas, ou de la gaieté. Beaucoup de peintres ont suivi son conseil, et la palette de la Renaissance était considérablement plus lumineuse.»