Que peut-on dire de l'autoportrait de Louis Léopold Boilly ?
Question d'origine :
Bonjour, et merci pour votre précédente réponse.
J'ai été frappé par un autoportrait de Louis Léopold Boilly, 1761-1845, on le voit en sans culotte, pipe au bec, le regard méprisant.
Que peut-on dire de ce tableau ? Est-il ironique ?
Réponse du Guichet
Certains prêtent à cet artiste «chroniqueur» (sens de l'observation et du récit) de longue durée : de Louis XVI jusqu’à la monarchie de juillet, une inspiration venue de l’art hollandais du 17e (Ter Borch, Pieter de Hooch) une filiation à Charles Le Brun aussi (notamment le traitement des expressions du visage sur lequel il s’attarde). Louis Boilly, peintre, dessinateur, miniaturiste, caricaturiste et lithographe du 19e est prolixe et prolifique. Il fait actuellement l'objet d'une exposition monographique au Musée de Cognac-Jay.
« L'ironie est l'esprit de finesse, la pointe délicate qui nous fait atteindre l'irréversible. » V. Jankélévitch, L'Ironie
Son œuvre peinte, dessinée, gravée... (des milliers de pièces) consacre des anonymes comme des personnages souvent politiques brocardés figeant leurs grimaces ou accentuant leurs traits de caractère. il exploite le mordant de la caricature et l’allégorie. Exclu des salons, n'étant pas membre de l’Académie Royale, il nourrit un attrait pour les petits formats dont il fait sa signature: tableaux, éventails peints... formes idéales pour embastiller ses sujets frivoles qu’il distille ici et là. il collabore d’ailleurs avec les journaux "people" de l’époque: Le Journal des dames et Le Bon Genre. Si le portrait est son thème de prédilection, il pratique une forme d’autodérision via l’autoportrait, ici, cliché, déguisé, espiègle, en sans-culotte, avec pipe et cocarde.
Un " jeu raffiné auquel se livre l’artiste pour se mettre lui-même en scène. il brosse des autoportraits pleins de dérision, multiplie les signatures et se glisse parmi les protagonistes de ses scènes de foule, à l’image d’un Alfred Hitchcock dans ses films. Ces stratagèmes instaurent une relation complice entre l’artiste et le spectateur."
La BML dispose de trois ouvrages que nous n'avons pu consulter:
Louis Boilly : 1761-1845 : 3 mai-30 juin 1984, Musée Marmottan, ParisLouis Boilly : 1761-1845 : 3 mai-30 juin 1984, Musée Marmottan, Paris [catalogue par Marianne Delafond]
Worldcat recense de nombreux écrits sur Louis-Léopold Boilly
Actuellement, du fait de l'exposition éponyme, vous pourrez lire un article de la revue L'Oeil (mars 2022) qui synthétise son travail et ses intentions titré L'entrée du théâtre de l'ambigu-comique.
Nous vous conseillons également les lectures suivantes selon plusieurs axes d'analyses possibles du tableau :
Les peintres et l'autoportrait, Pascal Bonafoux
La peinture représentée : allégories, ateliers, autoportraitsLa peinture représentée : allégories, ateliers, autoportraits, Robert Bared et Natacha Pernac
L'art de l'autoportrait : histoire et théorie d'un genre picturalL'art de l'autoportrait : histoire et théorie d'un genre pictural ,Omar Calabrese
La caricature révolutionnaire : 1789 à 1795La caricature révolutionnaire : 1789 à 1795, André Blum
L' Art et la Révolution française, Jean-Jacques Lévêque
L'ironie ou l'art de la pointe, Gérald Cahen
L'ironie, Vladimir Jankélévitch
In fine, tout comme Daniel Arasse, il est possible de regarder "les tableaux longtemps, pour aller au-delà de la seule iconographie".
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