Les femmes ont-elles les mêmes droits que les hommes en religion ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir si, dans les premiers temps ou les premiers siècles du christianisme, des femmes ont exercé le même ministère que les prêtres et eté autorisées à célébrer la messe et les sacrements tels que le baptême.
Par ailleurs, des femmes protestantes sont maintenant pasteures. Des femmes orthodoxes peuvent-elles être popes ? Ou plus généralement, quelles sont les branches du christianisme qui accordent aux femmes le droit de célébrer offices et sacrements ?
Merci par avance pour votre réponse.
Et meilleures salutations.
Réponse du Guichet

Il est certain que les femmes de l'Eglise primitive ont joué un rôle primordial dans son organisation. De nos jours, il n'en est pas de même et tous les courants du Christianisme ne reconnaissent pas le ministère féminin.
Bonjour,
Vaste question que celle de la place de la femme dans l’Église de façon générale. Elle a suscité et suscitera encore de nombreux écrits et débats.
Pour ce qui est de la place des femmes dans l’église primitive, elle n’est plus à prouver. Les femmes semblaient bel et bien avoir des rôles importants. Rappelons que les historiens s’accordent à dire que la majorité des chrétiens des premiers siècles étaient des femmes, surtout dans les classes sociales les plus riches. Les droits et la liberté que le christianisme permet aux femmes ont joué un grand rôle dans sa croissance rapide.
Tout d’abord, beaucoup de femmes se convertissaient parce qu’elles voyaient à quel point l’enseignement chrétien améliorait leur condition. Ensuite, ces femmes chrétiennes élevaient leurs enfants dans leur foi. Dans certains cas, elles conduisaient même leur mari au Christ. Enfin, à cause du surnombre de femmes et du refus chrétien de l’avortement et de l’infanticide, la communauté chrétienne avait un taux de natalité supérieur à la moyenne, ce qui a contribué à la croissance de l’Église des premiers siècles.
La revue Aleteia explique :
« Dès les origines du christianisme, les femmes ont été impliquées dans la transmission de la foi chrétienne. Très présentes autour du Christ, elles ont eu un rôle éminent bien que différent de celui des apôtres de Jésus. Elles offrent le témoignage d’une fidélité à toute épreuve, que l’on ne retrouve pas toujours chez les disciples. Parfois nommées, souvent anonymes, ces femmes ont suivi Jésus de ville en ville tout au long de son ministère. Les évangiles les montrent présentes au pied de la croix, faisant passer leur fidélité au Christ avant leur réputation ou leur vie.
Certes, aucune de ces « femmes qui suivirent Jésus », comme les appellent les évangiles, n’est appelée un apôtre. Cela ne les empêche pas d’être des relais de la foi. Les évangiles montrent qu’elles ont confessé plus facilement leur foi que les hommes, et que le Christ n’a pas hésité à leur dévoiler le cœur de son message. C’est la Samaritaine, une femme adultère et une païenne, qui a reçu les paroles de l’eau jaillissante de la vie éternelle (Jn 4,14). Marthe et Marie, les sœurs de Lazare, représentent des modèles de conduite et de confiance en Dieu (Lc 10,38-42 et Jn 11,17-44). Marie de Magdala, enfin, dans l’évangile selon saint Jean (20,11-18), a été le témoin privilégié de la Résurrection du Christ, événement sur lequel repose toute la foi chrétienne.
Les femmes jouèrent également un rôle central dans la constitution des premières communautés chrétiennes. Les Actes des apôtres (16,13-15 ; 17,4) rapportent leurs conversions, témoignant de leur rôle de ferment du christianisme dans les sociétés juives ou païennes. Ces femmes remplissaient aussi des fonctions concrètes d’apostolat et de formation des nouveaux venus dans la jeune Église. Indépendantes financièrement, elles disposaient d’une grande liberté d’action et de parole et ont accueilli et protégé les communautés naissantes.»
Sur le plan biblique, on peut évoquer le cas de deux femmes citées par l’apôtre Paul. Tout d’abord il est question de Phoebe dans l’épître aux Romains 16, 1-2. Cette femme semble être diaconesse («diakonos» en grec) dans l’église de Corinthe. Pour rappel, le diaconat est définit chez les catholiques et les orthodoxes comme un ministre qui a reçu l'ordre immédiatement inférieur à la prêtrise. Le diacre sert le prêtre ou l'évêque à l'autel, et proclame l'Évangile. Chez les protestants, il s’agit d’un laïc chargé de visiter les malades, de quêter ou d'administrer les fonds de l'église et d'assister les pauvres.
Phoebe apparaît dans le texte, comme l’égale des hommes entourant Paul puisqu’il recommande d’obéir à Phoebe et précise de respect et la confiance qu’il a en elle. Notons qu’elle est la seule femme qualifiée ainsi dans le Nouveau Testament. Elle est aussi qualifiée de «prostatis»: c’est le seul cas dans le Nouveau Testament où ce mot est utilisé. Ce mot désigne un bienfaiteur, quelqu’un qui prend soin des intérêts des autres, qui a une autorité, qui dirige. Ce mot a aussi le sens de «patronnesse», et désigne la relation entre le bienfaiteur et le bénéficiaire. Ce type de relation était courant dans l’Empire romain du premier siècle. Ainsi Phoebe avait-t-elle sans doute un rôle d’autorité et de dirigeante.
La deuxième femme à retenir dans l’épître de Paul aux Romains chap 1: 3, est Priscilla.
Priscilla et son mari Aquilas sont impliqués dans plusieurs Eglises naissantes du 1er siècle selon des textes du livre des Actes des Apôtres chap 18 et de la 1è épître de l’apôtre Paul aux Corinthiens chap 1 et 16. Sur les 6 fois où le couple est cité, Priscilla est mentionnée 4 fois la 1è devant son mari. Or, dans les documents de l’époque, le mari est toujours cité le premier, sauf si la femme possède un statut social plus élevé. Ainsi Priscilla avait certainement un rôle primordial dans l’annonce de l’Evangile et l’implantation de ces nouvelles Eglises.
Il convient de reconnaître que les textes chrétiens de l’Antiquité sont les seuls à parler autant de la femme et à lui accorder une telle place : il suffit de les comparer avec ceux des auteurs païens et juifs de même culture.
Néanmoins, il est difficile de savoir réellement jusqu’où allait les prérogatives de ces femmes. Les textes bibliques ne sont pas assez détaillés sur ce point. Certains spécialistes pensent que les femmes diacres administraient le sacrement du baptême et celui de l’onction aux femmes malades. Elles auraient également donné la communion aux femmes malades, ce que les hommes ne faisaient pas.
Dans l'ouvrage Les premiers chrétiens de B. Lançon et T. Moreau, il est précisé :
"Paul reconnaît le droit fondamental des femmes de prier et de prophétiser au cours des assemblées. L'apôtre reconnaît en outre l'égalité des femmes dans le droit de manifester les dons de l'Esprit de Dieu (1 Cor. 11,4-5)."
L’article de Michel Lauwers L'institution et le genre. À propos de l'accès des femmes au sacré dans l'Occident médiéval précise :
«La question du sacerdoce des femmes dans l'Occident chrétien doit être examinée à la lumière des catégories sociales (masculin/féminin, laïc/ecclésiastique) imaginées par l'Église durant le Moyen Age. C'est en forgeant, entre le IIIe et le XIIe siècle, des systèmes de classification adaptés à leur insertion croissante dans la société que les clercs en vinrent à exclure catégoriquement les femmes du ministère sacerdotal, tout en définissant des fonctions socio-religieuses spécifiquement féminines.
Au cours du XIIIe siècle, alors que l'ordre social défini par les clercs était ébranlé par des expériences religieuses originales, qui furent le fait de femmes contestant (plus ou moins explicitement) leur état de subordination au sein de l'Église, l'institution ecclésiale surmonta l'épreuve en éradiquant toute forme de contestation et en réaffirmant de manière nouvelle les classifications qu'elle avait élaborées durant les siècles précédents.»
Concernant la seconde partie de votre question, rappelons que les Églises chrétiennes sont regroupées en différentes branches, dont les principales sont le catholicisme, le christianisme orthodoxe et le protestantisme (avec sa branche évangélique) représentant respectivement 51 %, 11 % et 37 % du total des chrétiens en 2017.
Ainsi, chez les Orthodoxes, les prêtres peuvent actuellement se marier, mais les femmes ne peuvent exercer la charge de pope. Quant aux différentes branches multiples et variées du christianisme, les Eglises Luthériennes et Calvinistes, Réformées, Episcopales, Méthodistes acceptent des femmes pasteures, ainsi que les Eglises Anglicanes, et la plupart des Eglises Protestantes Evangéliques. Cet article fait d’ailleurs le point sur la situation du ministère féminin au sein des différentes branches du christianisme.
Pour aller plus loin :
La femme face au christianisme sur la chaîne KTO, avec l’intervention de deux historiennes: Agnès Walch et Catherine Vincent
Les femmes et Jésus / Henri Froment-Meurice
Des femmes aussi suivaient Jésus / Suzanne Tunc
Des femmes et des dieux / Floriane Chinsky, Kahina Bahloul, Emmanuelle Carrière-Seyboldt
La femme dans l'Eglise / Janine Hourcade
Le ministère des femmes dans l'église ancienne / Roger Gryson
Bonne journée.