Existe-t-il des mouvements qui souhaitent voir l'Europe unifiée en intégrant la Russie ?
Question d'origine :
Bonjour Guichet du Savoir,
il apparait que la guerre menée par la Russie s'apparente à une guerre de territoire et surtout d'influence -liée au démenbrement de l'Union Soviétique !
Plusieurs approches ont été faites pour inclure la Russie dans la communauté européenne(le célèbre mot du général De Gaulle _de l'Atlantique à l'Oural). Si l'on exclu aujourd'hui la volonté dePoutine de reprendre les territoires qui faisaient partie de l'ex URSS- existe-t-il des mouvements(hors pacifiste) qui souhaitent que dans un avenir proche l'ensemble du continent européen soit rattaché ?. Bien évidement "celà remet en cause les volontés hégémonistes de la Russie de se réapproprier ses anciens territoires -ainsi que certains partis politiques anti américains qui militent pour une approche exclusivement pacifiste. Merci pour votre réponse
Réponse du Guichet
Le pouvoir russe actuel n'envisage pas une adhésion à l'UE. Même dans le cas d'un revirement, cette intégration nécessiterait de profonds changements et vraisemblablement plusieurs années pour remplir les critères d'adhésion à l'UE.
Cependant, une série d'enquêtes menées par la Deutsche Welle entre 2011 et 2013 semble indiquer qu'une proportion significative de l'opinion russe (de 36% à 54%) soutiendrait une adhésion de la Russie à l'UE.
Bonjour,
Si nous avons bien compris votre question, vous vous demandez si des mouvements souhaitent voir l'inclusion de la Russie dans l'Union européenne.
En 2007, le sénateur Yves Pozzo di Borgo dépose un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne : Union européenne - Russie : quelles relations ?
Y est mentionné un rapport de 2004 qui envisageait 4 scenarii pour l'avenir des relations entre les deux entités, parmi lesquels l'adhésion de la Russie à l'Union européenne. Voici comment le rapport de 2007 commente ce scénario :
L'adhésion de la Russie à l'Union européenne ne paraît pas une option envisageable à court ou moyen terme.
Même si, par la géographie, une partie du territoire de la Russie est située en Europe, la population et la taille de ce pays sont telles qu'elle dépasseraient la capacité d'intégration de l'Union européenne.
Surtout, les autorités russes ont toujours affirmé que la Russie ne voulait pas intégrer l'Union européenne. En effet, comme l'ont souligné les représentants du gouvernement russe lors de mon déplacement à Moscou, la Russie n'est pas disposée à accepter les larges transferts de souveraineté qu'impliquerait l'adhésion à l'Union européenne. Le Président Vladimir Poutine a d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises qu'il excluait une telle hypothèse. Dans une tribune publiée par le journal Le Monde, il écrit ainsi : « Je voudrais souligner que le renforcement des liens dans plusieurs domaines avec l'Union européenne est un choix de principe pour la Russie. Il est vrai que, dans l'avenir proche, nous ne nous apprêtons pas à adhérer à l'Union, ni à entrer dans une sorte d'association avec elle. Partant d'une approche réaliste, la Russie a l'intention de fonder ses relations avec l'Union européenne sur des principes conventionnels et de partenariat stratégique. Dans ce contexte, j'adhère à la formule des relations de la Russie avec l'Union européenne établie par Romano Prodi : « tout sauf les institutions » (13(*)).
[...]
* (13) Vladimir Poutine, « Vive le dialogue Europe-Russie », Le Monde, 28 mars 2007.
Toujours en 2007, Jean-Dominique Giuliani, dans son article Union européenne-Russie : je t'aime moi non plus paru dans la revue Géoéconomie, analyse les rapports entre la Russie et l'UE et dessine les conditions qui seraient nécessaires à leur rapprochement :
L’Union européenne et la Russie : partenaires stratégiques ?
Cette possibilité est un souhait largement partagé en Europe. Il pourrait concerner tant la politique étrangère générale que les principales questions régionales. Il devrait permettre de résoudre les « conflits gelés » régionaux. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie a aussi un rôle à jouer au sein de la Communauté internationale. Encore doit-elle le revoir à la lumière des évolutions récentes. L’exemple du dossier nucléaire iranien est, à cet égard, intéressant. Dans un premier temps, elle a tenté de privilégier ses intérêts nationaux avant de se ranger aux côtés de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis. L’Union européenne doit mettre l’accent sur ces convergences, car elle souhaite avoir en face d’elle une Russie raisonnable et consciente de ses responsabilités, qui parle d’une voix claire et acceptable. C’est tout l’enjeu et l’importance du dialogue au sein d’un monde multilatéral, tel que le conçoit l’Union européenne. La diplomatie française porte cette conception et plaide, au sein de l’Union, pour ce dialogue essentiel à la stabilité du continent européen.
Pourtant, la Russie tente toujours de préserver une influence sur les onze pays de la Communauté des États indépendants (CEI). L’Union européenne ne considère pas, quant à elle, les pays de l’ex-URSS comme un territoire à conquérir, mais comme des indépendances à conforter, des économies à aider, des démocraties à soutenir. Les échanges entre l’Union européenne et la Russie doivent constituer une alternative à un affrontement d’un autre âge. La Russie et l’Union européenne doivent également apprendre à parler davantage de la politique de voisinage. La Russie doit comprendre qu’être une grande puissance mondiale exige un rapport partenarial approfondi et stable avec ses voisins. Même si tous ont contribué positivement à l’instauration de relations normales entre les États européens, l’OSCE, le Conseil de l’Europe, le Conseil OTAN-Russie ont aussi montré leurs limites. Pour lever les ambiguïtés et développer une véritable relation de partenariat, seule l’Union européenne dispose de la puissance d’attraction nécessaire. Certains conflits séparatistes, apparus à la suite de la chute de l’URSS dans les régions de Moldavie et du Caucase du Sud, continuent d’être source d’instabilité. Ils concernent la Transnistrie qui, en 1992, a fait sécession grâce à l’armée russe, l’Abkhazie qui a fait sécession de la Géorgie et, enfin, l’Ossétie du Sud qui, lors de la disparition de l’URSS, a demandé son rattachement à la Fédération de Russie. Dans tous ces conflits, la Russie encourage de prétendues demandes locales de minorités qui n’ont pas réellement d’existence. Elle soutient parfois de petits dictateurs locaux, plus mafieux que politiques. Lorsque la Géorgie a récupéré l’Adjarie et le port de Batoumi, dans une opération spectaculaire du président géorgien Mikhail Saakachvili, on s’est aperçu que le satrape qui régnait sur place, depuis réfugié à Moscou, n’aurait pas existé sans une tolérance russe à ces agissements. Une telle attitude ne correspond pas au statut de grande puissance mondiale du XXIe siècle, ni à celui d’un grand pays qui vient de se voir confier, à 30 km des frontières de l’Abkhazie, à Sotchi, l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 2014.
Du côté asiatique, le président Poutine a fait mine d’adresser des signes en direction de la Chine. Depuis la normalisation entre la Chine et la Russie en 1989, une relation plus approfondie a été tissée, notamment depuis 2005 et des contrats de ventes d’armes sont venus les concrétiser. Sur le plan énergétique, la Russie a laissé planer le doute d’une diversification de sa stratégie énergétique. Mais en fait, le « volontarisme » russe envers l’Asie est loin d’être aussi actif que le président Poutine ne le laisse entendre. Il s’agissait davantage d’un message adressé aux États-Unis et à l’Union européenne, dont personne n’est réellement dupe. La quasi-totalité des gazoducs russes reste dirigée vers l’Union européenne qui offre à la Russie beaucoup plus de stabilité qu’une Asie en mutation. En réalité, la Russie a toutes les raisons de se montrer méfiante vis-à-vis d’une Chine qui devient une puissance rivale. Sous cet angle, l’Union européenne apparaît comme le partenaire stratégique et commercial le plus fiable pour la Fédération de Russie.
Un partenariat approfondi entre l’Union européenne et la Russie ne pourra faire l’économie d’une mise au point sur le respect de la démocratie. Or, il n’est pas impossible que, pour une part, l’Union européenne se leurre sur le degré de volonté de la Russie d’intégrer les normes et les valeurs de l’Union. Pour la population russe, la démocratie, les valeurs « occidentales » sont assimilées à l’instabilité et au désordre qui ont régné en Russie dans les années 90. L’opinion publique n’est pas convaincue que la démocratie libérale soit une organisation institutionnelle utile et les rappels à l’ordre européens sur le respect de la démocratie et des droits de l’homme n’ont malheureusement pas beaucoup d’écho au sein de la population russe. L’Union européenne doit donc poursuivre sans relâche, à la fois, son travail de pédagogie et la « pression partenariale » qu’elle a instaurée, notamment par des initiatives telles que celle de la consultation sur les droits de l’homme contenue dans le volet « espace commun de liberté, de sécurité et de justice » de l’accord de partenariat. Depuis mars 2005, des consultations régulières sont ainsi organisées et permettent un dialogue autour des « sujets qui fâchent ». Toute la question est évidemment de savoir ce que peut faire l’Union européenne, au-delà du rappel à l’ordre et sans rompre pour autant tout dialogue, lorsque les dirigeants d’un pays ont concentré anormalement les pouvoirs, affaibli le pluralisme et que la majorité de l’opinion publique n’est pas un moyen de pression pour contraindre les responsables politiques à renforcer la démocratie interne.
L’Union européenne sera présente auprès de la Russie pour l’aider à changer progressivement, mais résolument. Il faut que la Russie, comme tous les pays européens l’ont fait, se réconcilie avec son passé et résolve ses problèmes de mémoire et de politique intérieure. Malgré d’indéniables améliorations, on constate tout de même qu’après tant d’années de dictature, les responsables politiques conservent, pour le moins, de vieux « réflexes ». L’Union européenne doit convaincre son partenaire que l’État de droit et la démocratie correspondent également à ses intérêts et facilitent son développement. La Russie doit comprendre que ces principes ne sont pas négociables pour une Union qui s’est réconciliée autour d’eux. Si les Russes se penchent sereinement et lucidement sur leur passé, s’ils arrivent à dépasser leur propre histoire, comme tous les pays membres de l’Union l’ont fait, alors l’Union européenne et la Russie développeront facilement un véritable partenariat.
Cet avenir passe aussi par un examen lucide de la question de la démographie et des enjeux qui y sont directement liés, comme l’immigration. La Russie est un pays qui vieillit. Actuellement, elle perd près de 700 000 habitants par an. Prise entre un taux de mortalité qui ne cesse de croître et une natalité qui chute, la Russie connaît un déclin de sa population sans précédent depuis les années 1990. Les démographes prévoient qu’en 2015 le nombre de jeunes Russes de quinze à vingt-quatre ans sera réduit de moitié. Selon les scénarios les plus crédibles, la Russie pourrait perdre entre 30 et 45 % de sa population d’ici 2050. C’est une situation que l’Europe, à sa mesure, connaît également. Il y a donc une réflexion commune susceptible d’être conduite dans ce domaine qui serait certainement plus utile que l’addition de politiques nationales.
Ce gigantesque pays qu’est la Russie est également un espace où la politique de protection de l’environnement prend une dimension considérable, renforcée par un certain nombre de catastrophes dues à la politique passée que l’Europe est prête à aider à réparer. L’Union européenne est très engagée en faveur d’une diplomatie environnementale, qu’elle peut amplifier avec l’appui de la Russie. L’Union peut s’investir avec la Russie sur des projets concrets de lutte contre la pollution et de protection de l’environnement. C’est l’intérêt des deux parties.
Notons également que l'ancien chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, s'est prononcé en faveur de l'adhésion de Moscou à l'UE :
Cela fait des années que j'ai cette vision. Je considère la Russie comme un pays occidental et donc, mon projet est que la Fédération de Russie puisse devenir un membre de l'Union européenne dans les prochaines années.
Source : Berlusconi veut la Russie dans l'UE, Le Figaro
Souhait que, manifestement, Vladimir Poutine ne partageait pas :
Moscou est «reconnaissante» au Premier ministre italien Silvio Berlusconi qui a estimé que la Russie devait à terme adhérer à l'Union européenne mais elle «n'en éprouve par le besoin», a déclaré vendredi le représentant russe auprès de l'UE.
«Nous sommes reconnaissants à M. Berlusconi pour son attention mais la direction russe n'a pas de projet concret d'aller dans cette voie», a déclaré Vladimir Tchijov au cours d'une vidéo conférence depuis Bruxelles.
«La Russie n'en éprouve pas le besoin», a-t-il dit.
«Nous voulons avoir un partenariat stratégique développé avec l'Union européenne mais notre autosuffisance politique et militaire et notre autonomie économique donnent à la Russie toute les bases pour faire prospérer son économie de façon autonome, hors d'une telle union», a-t-il expliqué.
«Nous voyons avec quelles difficultés se poursuit le processus d'intégration des nouveaux membres de l'Union européenne qui par leur taille sont tous ensemble plusieurs fois plus petits que la Russie», a-t-il ajouté.
M. Tchijov a également souligné que la Russie était liée à nombre de pays de l'ex-URSS par des alliances, «notamment économiques».
Source : La Russie n'a pas besoin d'entrer dans l'UE, dit Moscou, lapresse.ca
Nous avons donc établi que le pouvoir russe n'envisage pas une adhésion à l'UE, et que même dans le cas d'un (improbable) revirement, cette intégration nécessiterait de profonds changements et vraisemblablement plusieurs années pour remplir les critères d'adhésion à l'UE.
Mais qu'en est-il de l'opinion russe ? La page Wikipedia consacrée aux relations entre la Russie et l'Union européenne indique que "Selon un certain nombre d'enquêtes menées par la Deutsche Welle, de 36 % à 54 % des Russes soutiennent l'adhésion, et environ 60 % d'entre eux voient l'UE comme un partenaire important pour leur pays102,103,104,105. Les jeunes ont une image particulièrement positive de l'Union européenne106."
Ces enquêtes ont été menées entre 2011 et 2013. Nous n'avons pas trouvé de sondages plus récents, mais ces sujets de discussion (en anglais) du site Quora pourront vous donner une idée de la perception en Russie (et ailleurs) d'une éventuelle adhésion de la Russie à l'UE :
Why doesn't the EU allow Russia to join ?
Can Russia join the European Union in the long term ?
Il va sans dire que dans le contexte actuel, un rapprochement de la Russie avec l'Europe est moins que jamais d'actualité, sans même parler de son adhésion à l'UE. Le 16 mars dernier, elle a d'ailleurs été officiellement exclue du Conseil de l'Europe, dont elle était membre depuis 1996. En conséquence de cette expulsion, la Russie va sortir de la Convention européenne des droits de l’homme, privant ses 145 millions de citoyens d’un accès à la Cour européenne des droits de l’homme.
Bonne journée.