Avez-vous des informations sur le fonctionnement des factorats et de l’approvisionnement des denrées à Lyon ?
Question d'origine :
Bonjour,
Auriez-vous des informations sur le fonctionnement des factorats et de l’approvisionnement des denrées à Lyon ?
Réponse du Guichet
Fin XIXe comme dans toutes les grandes villes, on trouve sur les marchés lyonnais des facteurs ou commissionnaires chargés du négoce des denrées de consommation courante.
Au préalable, il nous a fallu définir le terme de «factorat» que nous ne connaissions pas :
«Charge, fonctions de facteur aux halles de Paris. Les services que rend le factorat, pour l'alimentation des grands centres de population et particulièrement de la ville de Paris.—(Observ. des facteurs aux Halles de Paris, novembre 1872)»
«Celui qui agit pour le compte d’autrui dans un négoce (on dit aujourd’hui Commissionnaire). Facteur des halles, aux halles, intermédiaire chargé de la vente en gros à la criée des denrées alimentaires apportées aux halles (dans cette acception, on trouvait le féminin Factrice ; aujourd’hui, on dit plutôt Mandataire)»
Nos premières recherches sur internet avec ce terme «factorat» nous ont ensuite dirigés vers des documents concernant davantage les marchés de Paris que ceux de Lyon, notamment:
- Origines et transformations du factorat dans les marchés de Paris / Léon Biollay (1830-1920), extrait de la "Revue générale d'administration". Juin 1880
- Mémoire d’Histoire économique et sociale 2011-2013 Le transfert des Halles de Paris et la création du Marché d'Intérêt National de Rungis / Florian KRZYZANOWSKI
A la lecture de ce second document, nous apprenons que « Napoléon créa de nouveaux intermédiaires entre l’État et les commerçants. Appelés “facteurs” ces professionnels étaient chargés d’une part, de percevoir les droits de vente pour le compte de la ville de Paris, et d’autre part, de vendre à la criée les produits comme la viande, le poisson et les fruits et légumes. Leur nombre était limité à 39. Ils obtenaient leur rémunération par un pourcentage sur le produit des ventes. Les producteurs pouvaient vendre leur marchandise uniquement à l’amiable. Une organisation qui va durer pendant près d’un demi-siècle, jusqu’en 1878. Puis une première réforme est intervenue avec le décret du 22 janvier 1878. Une liberté commerciale fut appliquée à la réglementation du marché des Halles. Les « facteurs » gardaient le monopole des transactions officielles, mais leur profession n’était plus limitée en nombre. Cela signifie que n’importe qui pouvait devenir « facteur » après s’être inscrite auprès du tribunal de commerce et après avoir prêté serment. Le nombre de personnes autorisées à vendre les denrées de consommation courante, comme la viande, les produits de la mer et les fruits et légumes, sur le marché passa de 39 à 109, dès la mise en œuvre du décret. De plus, le décret du 23 janvier 1878 légalisa la vente à l’amiable, une pratique historique, longtemps tolérée, mais qui restait illégale, car les marchandises vendues ainsi ne transitaient pas toujours par les « facteurs », c’est-à-dire le circuit officiel. Les commissionnaires, des marchands dont l’existence est tolérée depuis Napoléon, sont désormais autorisés à s’installer sous les pavillons. Les commissionnaires sont donc plus libres que les facteurs. C’est pourquoi la vente à l’amiable s’intensifia et le nombre de commissionnaires augmenta.»
Si nous revenons à la ville de Lyon et son approvisionnement en denrées, c’est grâce au mémoire rédigé par un membre de la profession que nous reconstituons cette histoire du temps des facteurs-commissionnaires : Histoire des marchés lyonnais / Laurent Gouat, 2007
Notes sur l’auteur : Laurent Gouat fut commissionnaire en Fruits et Légumes sur Lyon à partir de 19054 et fonda la société Gouat et Boulot; il fut président de la chambre syndicale des expéditeurs de fruits de la région lyonnaise, vice-président de la chambre syndicale des commissionnaires de la ville de Lyon, président de comité technique et consultatif du marché gare et juge au tribunal de commerce de Lyon
Voici l’extrait du Chapitre «de la fin du 19e à la guerre de 14-18» qui nous permet de répondre à votre question :
«Le premier marché de gros se manifesta sur le quai de Saône, sur la place de Roanne devant le Palais de justice. C’est là que les produits de la haute vallée du Rhône venaient se vendre. Ce marché embryonnaire se développa et des grossistes s’installèrent sur le quai en remontant vers le nord. De nombreux marchands ouvrirent des magasins: les maisons Rosier, Rambaud, Decugis, etc. Et bénéficièrent pour leur approvisionnement des nouveaux moyens de communication comme le train, le télégraphe, le téléphone qui favorisèrent les échanges des denrées périssables.
Pendant ce temps, la profession s’organise. A la différence des mandataires qui comme à Paris étaient des commissionnaires mandatés par les producteurs pour vendre en leur nom ou à la criée des denrées expédiées ou apportées et qui étaient soumis à des règles précises de rendement de comptes, les commerçants de Lyon étaient des commissionnaires, c’est-à-dire des agents chargés de quelques négoces, de quelques trafics pour un négociant ou un producteur qui résident ailleurs.
En matière commerciale, on appelle «commissionnaire» celui qui professionnellement agit en son nom propre ou sous un nom social pour le compte d’un commettant. Il diffère du mandataire ordinaire car ce dernier agit au nom de son commettant tant que le commissionnaire agit en son nom personnel et s’engage lui-même à l’égard des tiers. Il fallut crée un syndicat, nommer un bureau, élire un président. Les membres de cette profession étaient des négociants commissionnaires.
Le marché du quai de la Bibliothèque appartenait à la ville de Lyon et les commissionnaires n’occupaient les trottoirs du quai qu’à titre précaire et payaient des redevances au colis. Ce marché exclusivement matinal était à la merci des intempéries. Par la suite, furent autorisées des baraques en bois pour abriter le personnel comptable et les bascules et enfin la possibilité des stocker les resserres. Au cours des années, la bibliothèque perdit son monopole des produits locaux et régionaux et Saint-Antoine, le monopole des produits provençaux catalans et d’importation et à la veille de la grande guerre, une osmose se fit des mêmes produits sur les 2 côté de la Saône.
Le transfert au Marché Gare se fit en mélangeant toutes les appartenances de ces marchés : celui de la Bibliothèque, de Saint-Antoine et de la Guillotière.
L’approvisionnement extérieur était ferroviaire mais les apports régionaux furent hippomobiles jusqu’au ce que l’usage de l’automobile devient courant, soit après 1918. Dans la ville; les revendeurs et les épiciers utilisaient les carrioles à bras sur les marchés découverts et dans les boutiques. Les commerçants de la Croix-Rousse utilisaient la ficelle à 2 sous.»
Pour illustrer cette histoire des marchés lyonnais, nous avons sélectionné quelques cartes postales de la base Photographes en Rhône-Alpes :
- Lyon. - Un coin du marché St Antoine vers 1900
- La Douce France. - Lyon. - Le Marché de la Guillotière
- Lyon. - Croix-Rousse, le Boulevard
En revanche, le peu de documents retraçant l’histoire des Halles de Lyon en notre possession ne nous permettent pas de connaître précisément l’organisation de ce marché et de tous les métiers qui s’y affairaient:
- Les halles de Lyon : histoire, figures, produits, recettes / Sonia Ezgulian, Jean-François Mesplède ; photogr. Emmanuel Auger
- 50 ans d'histoires...halles de Lyon à la Part-Dieu / dossier sous la direction de Marc Engelhardin Lyon People ; n°225, mars 2022, p.45-84
Aussi, nous vous proposons de poursuivre vos recherches dans les fonds des Archives municipales de Lyon concernant le commerce et l’artisanat : organisation générale ; commerce de gros; professions de service; services chargés du commerce