D'où vient le mot "gaille", qui signifie "chien" en argot lyonnais ?
Question d'origine :
Mon père, né en 1898, me parlait toujours des gailles, qui voulait dire chien en argot lyonnais.
il semblerait que cela vienne du maire Gailleton, qui avait un goût pour les chiens.
cette histoire est-elle véridique ?
merci par avance et bonne journée
Réponse du Guichet
Nous n'avons pas trouvé de documents associant les "gailles" aux chiens au cours de nos recherches documentaires. Peut-être s'agissait-il d'un bon mot de caricaturiste de l'époque qui sera resté dans l'esprit de votre père ?
Bonjour,
Malgré nos recherches dans de nombreux dictionnaires de patois ou parler lyonnais, nous n'avons pas trouvé d'allusion au mot "gaille" pour désigner un chien.
Un gaillot, mot le plus proche que nous ayons trouvé, désignait une flaque d'eau généralement mal propre, une boutasse.
Voici la liste des documents consultés sans succès :
- Le petit Littré de la Grand'Côte [Livre] : le dictionnaire du parler lyonnais / Nizier Du Puitspelu
- Le littré du Gourguillon [Livre] : dictionnaire français-lyonnais à l'usage de ceux qui veulent parler et écrire correctement / Chaon Grattepierre
- Le parler du Lyonnais [Livre] / Gilbert Salmon
- Le parler lyonnais [Livre] / lexique établi par Anne-Marie Vurpas
- Dico illustré des gones [Livre] / Félix Benoit
- Mots et histoires de Lyon [Livre] / René Cottet
- Le lyonnais de poche [Livre] / Jean-Baptiste Martin, Anne-Marie Vurpas
- Essai d'un glossaire des patois de Lyonnais, Forez et Beaujolais [Livre] / par J.-B. Onofrio
- Glossaire des gones de Lyon [Livre] / Ad. Vachet
...
Le dictionnaire historique de Lyon de Patrice Béghain, Bruno Benoit, Gérard Corneloup et Bruno Thévenon explique qu'Antoine Gailleton a proposé la mise en place d'une médaille pour chiens afin de limiter la propagation de la rage dans la population lyonnaise :
CHIENS ERRANTS :
Une véritable hantise pour les Lyonnais de jadis et un problème récurrent pour des générations d'édiles et de fonctionnaires : on a oublié le danger présenté, dans les rues de Lyon, des siècles durant, par les chiens errants souvent porteurs de la rage, alors toujours mortelle. [...]
Au niveau national, le Code rural et plusieurs textes abordent régulièrement la question, jusqu'à la loi du 21 juillet 1881 et au décret du 22 juin 1882 sur la police sanitaire des animaux. En 1897, c'est par le biais financier que le maire Antoine Gailleton va s'attaquer à l'insoluble question... stimulant par là la verve des caricaturiste. La possession d'un chien entraîne déjà la déclaration en mairie et le paiement d'une taxe. Le rapport que l'édile présente au Conseil municipal le 26 janvier signale la prophylaxie de la rage à Lyon, en constante progression depuis quatorze ans, selon les chiffres de l'Ecole vétérinaire, qui signale vingt-six cas enregistrés en 1882 et soixante-dix-neuf en 1895. Responsable, la Ville envoie chaque fois les personnes mordues à l'Institut Pasteur et il lui en coûte annuellement la coquette somme de trois mille sept cent francs. Le maire conseille de doubler l'arsenal des mesures existantes par l'institution d'une médaille pour chien, obligatoire et délivrée par l'autorité. "Constatant le paiement de l'impôt, elle permettrait aux agents de distinguer aisément ceux des animaux qui doivent être saisis et abattus". Et le maire de conclure : "Il ne paraît pas douteux qu'au point de vue fiscal la médaille n'ait des effets très salutaires". Ce texte adopté, les Lyonnais se rendent en masse dans les mairies d'arrondissement pour recevoir la fameuse médaille portant le numéro d'inscription du chien et dont la couleur change chaque année. Elle est gratuite, mais sa perte entraîne le versement d'une somme de vingt-cinq centimes pour tout nouvel exemplaire. Du coup, le nombre de chiens inscrits s’accroît subitement dans la ville, passant en quelques mois de dix mille quatre cents à seize mille. Cette pratique va durer quasiment un demi-siècle.
C'est effectivement par la séance du 26 janvier 1897 que le conseil municipal délibère et instaure le port d'une médaille nominative pour les chiens lyonnais :
Le Conseil municipal
Vu le rapport par lequel M. le Maire expose, dans le but de faire diminuer le nombre des chiens errants et par suite, le nombre des cas de rage, de rendre obligatoire le port de la médaille pour les chiens de Lyon;
La troisième commission entendue;
Considérant que le port d’une médaille, de forme ou de couleur chaque année variable, constatant le paiement de l’impôt, permettrait aux agents de distinguer aisément ceux de ces animaux qui doivent être saisis et abattus;
Considérant que l’application de cette mesure aurait pour effet de faire diminuer dans de notables proportions, le nombre des chiens errants et, par suite le nombre des cas de rage; qu’elle assurerait, en outre, une perception plus rigoureuse de la taxe sur les chiens, et donnerait en même temps une sanction sérieuse au défaut de déclaration, attendu que tout chien qui ne serait pas en règle avec le fisc, serait saisi et abattu s’il n’était réclamé dans les trois jours;
Considérant que si par suite du port de la médaille, la muselière sera supprimée pour les chiens de Lyon, elle doit par contre, être obligatoire pour les chiens venant de l’extérieur de la ville et maintenus en laisse;
Délibère:
1° Est voté le principe de l’obligation de la laisse ou de la muselière pour tous les chiens étrangers à Lyon.
2° Est rendu obligatoire, pour tous les chiens enregistrés à Lyon, le port d’une médaille renouvelée annuellement, comme moyen de contrôle du paiement de la taxe.
3° Il est ouvert, au budget supplémentaire de l’exercice courant, un crédit de 4000 F. destiné à couvrir les frais entraînés par la mise à exécution de cette dernière mesure.
4° L’administration est autorisée, en ce qui concerne l’acquisition et la confection des médailles, à traiter de gré à gré, au mieux des intérêts de la ville.
5° Un avis imprimé en gros caractères, indiquant que la laisse ou la muselière sont obligatoires en tout temps pour les chiens venant de l’extérieur de la ville, devra être placardé très ostensiblement à toutes les entrées de la ville, barrières d’octroi, gares de chemins de fer, pontons ou quais de débarquement de bateaux, etc.
source : registre des délibérations Lyon 12/11/1896-18/05/1897
Vous pourrez admirer une planche sur la Médaille des chiens : typogravure NB par Girrane (1897, cote : 63FI/92, détail)
Un caricaturiste aura peut-être utilisé le diminutif de gaille pour qualifier un chien et ce bon mot sera resté dans l'esprit de votre grand-père... ?
Nous n'avons malheureusement pas retrouvé d'articles de presse de l'époque le mentionnant.
Nous faisons néanmoins appel à la mémoire des lyonnais via notre rubrique SOS et les réseaux sociaux. Nous ne manquerons pas de vous prévenir si l'enquête avance.
Bonne journée.