Je souhaite avoir des informations sur les maisons d'accouchements en France et à Lyon
Question d'origine :
Bonjour,
c'est une question pour le département civilisation. Je souhaite avoir des informations sur les maisons d'accouchements en France et plus précisément à Lyon pendant la seconde guerre mondiale. Quelles en étaient les spécificités? Accueillaient elles une population particulière? Pourquoi certaines femmes se rendaient dans ces maisons plutôt qu'à l'hôpital ou en clinique?
En vous remerciant
Cordialement
K L
Réponse du Guichet
Les maisons maternelles étaient des lieux principalement destinés aux femmes enceintes sans ressources, mariées ou non.
Bonjour,
Votre question sur les maisons d’accouchement comporte deux volets. L’un régional, auquel mes collègues de Documentation régionale ont déjà répondu, l’autre plus global, en rapport avec l’histoire de l’accouchement en général.
Nous n’avons pas trouvé d’ouvrages traitant des maisons d’accouchements dans nos collections. Les seuls titres à signaler traitent des maisons de naissance actuelles où sont pratiqués des accouchements plus «physiologiques» que dans les hôpitaux.
Néanmoins, dans son ouvrage Accueillir le nouveau-né, d'hier à aujourd'hui, Marie-France Morel explique que :
" Jusque dans les années 1950, la majorité des femmes sont accouchées par d'autres femmes, des sages-femmes plus ou moins formées. Depuis le Moyen Âge dans les villes, certaines suivent un apprentissage, passent un examen et devenaient «sages-femmes jurées ». Au 18e siècle, des cours itinérants contribuent à préparer celles des campagnes. À partir de 1803, l’État décide qu’il faut ouvrir dans chaque département une école de sages-femmes avec l'idée qu'elles empêcheront les parturientes et les enfants de mourir, surtout que le pays connaît à l'époque une baisse de la natalité. Dès le début du 19e siècle, on va réserver les accouchements aux femmes formées dans les écoles de sages-femmes, où elles suivent un enseignement théorique et pratique, dont l'apprentissage se fait dans les hôpitaux sur les femmes pauvres. Dans certains cas, dans la première moitié du 19e siècle, les jeunes sages-femmes diplômées ont du mal à exercer dans les villages, parce que les femmes continuent à appeler les vieilles matrones non formées. C'est intéressant car on s'aperçoit qu'autrefois le rapport des parturientes à la sage-femme résulte d'une confiance. Dans un certain nombre de territoires, les habitantes se réunissent et élisent la sage-femme du village.
Sur l'ensemble de la France, qui reste un grand pays rural jusqu'à la Deuxième guerre mondiale, le mouvement remonte à 1952. Jusque là, la plupart des sages-femmes se rendent dans les maisons, dans les fermes... On va ouvrir des maternités dans un certain nombre d'hôpitaux à la fin du 19e siècle, alors surtout pour les femmes pauvres. Celles qui ont un logement accouchent à domicile ou se rendent chez les sages-femmes qui ont des chambres pour les recevoir. Vu l'état des anti-infectieux de l'époque, cela se révèle beaucoup moins dangereux que d'aller à l'hôpital. Là-bas, les docteurs ne se lavent pas les mains, ont d'abord nié être les vecteurs de l'infection, on a longtemps cru qu'elles étaient dues à l'air...
Dans les années 1930, les sulfamides et, dans les années 1940, les antibiotiques bloquent les infections. Donc l'hôpital devient plus sûr. Pour les femmes, cela change les choses: il s'agit d'un lieu où elles sont prises en charge, où l'accouchement est remboursé à partir de 1945 par la Sécurité sociale, elles ont l'impression qu'elle se reposent plus qu'à la maison où elles reprennent bien vite leurs tâches... Dans les années 1950, leur accès au milieu hospitalier se fait aussi viadesde petites cliniques, tenues par des sages-femmes (les maisons maternelles). »
Vous pouvez retrouver en ligne un article de Marie-France Morel qui reprend ces propos.
Rappelons qu’il existait dans chaque département des établissements publics dits "maisons maternelles" qui devaient "accueillir sans formalités les personnes enceintes d'au moins sept mois et les mères avec leur nouveau-né". Cet article du Code de la famille du 29 juillet 1939 est confirmé par la loi du 15 avril 1943 sur l'Assistance à l'enfance. La fin du XIXe siècle, encouragée par la préoccupation grandissante de l'opinion sur le sort des enfants des rues, voit la création d'asile pour femmes enceintes, notamment celles qui souhaitent dissimuler leur grossesse : « Une maison maternelle est donc une institution où, sous la garantie du secret, sont hébergées des femmes enceintes quelques mois avant le terme de la gestation, où elles peuvent accoucher, et où elles demeurent après l’accouchement le temps que dure l’allaitement. »
Le site de l'AJPN relate l’histoire d’une de ces maison près d’Orléans, qui pendant la Seconde Guerre Mondiale a permis le sauvetage de mères et d’enfants juifs.
L'article Du caritatif au politique, l’itinéraire de Jeanne Koehler-Lumière retrace le parcours de cette lyonnaise impliquée dans les œuvres sociales. Il y est aussi question de «la maison des mères»:
«Les maisons maternelles proposent aux femmes enceintes sans ressource, mariées ou non, un asile afin de veiller au bon déroulement de la grossesse puis à la santé des nouveaux-nés. Le but poursuivi n’est plus moral mais bien démographique. Il s’agit de préserver des enfants mis en danger par la situation précaire de leur mère. À Lyon, deux initiatives répondent à cet objectif.
En 1918, Edouard Herriot inaugure, dans la périphérie méridionale de Lyon, la maison des mères, au château de Gerland: un «asile» de 35 lits pour recevoir les femmes enceintes sans domicile qui sont ensuite accueillies avec leur bébé après leur accouchement à l’hôpital de la charité. En 1920, une structure similaire est fondée à Bron, autre commune au sud-est de l’agglomération lyonnaise. Il s’agit de la nourricerie départementale du Vinatier, qui reçoit, à leur sortie de la maternité, des femmes sans ressources avec leur nourrisson.
L’originalité de ce dernier établissement tient au fait que chaque mère accueillie s’engage à nourrir également un nourrisson pupille de l’assistance publique. Ces maisons s’insèrent dans le dispositif de lutte contre la mortalité infantile en agissant contre les abandons d’enfants et pour la promotion de l’allaitement maternel. Ces initiatives sont complétées à Lyon, comme dans d’autres villes, par l’ouverture de restaurants où les mères nourrices peuvent venir se restaurer gratuitement, par la construction de crèches municipales et par une politique active en matière de suivi médical des nourrissons.»
Bonnes lectures.