Question d'origine :
Bonjour
J'aurai voulu savoir dans quel pays exactement il est possible de déshériter son enfant, quelle loi ( en terme de numéro d'article de loi) qui le permet?
Et quels sont les modalités , le fonctionnement, détails des modalités compensatoires du déshérité.
Merci infiniment
Cordialement
Réponse du Guichet

Si la loi française impose de léguer au moins une part de son patrimoine à ses enfants, un certain nombre de pays, en particulier les pays anglo-saxons, n'appliquent pas le principe de la "réserve héréditaire". Et si le droit étranger s'applique en cas de successions d'un défunt résidant dans un autre pays, les enfants peuvent encore recourir à certaines dispositions pour ne pas être totalement exclus d'un héritage.
“Je te déshérite ! ” Ainsi Harpagon menaçait il son fils dans L’Avare. Cette formule est encore utilisée comme boutade dans des conversations mais elle ne correspond absolument pas aux dispositions du droit français qui protège les enfants dans une succession.
En effet, la loi française impose de léguer au moins une part de son patrimoine à ses enfants. C’est ce qu’on appelle la “réserve héréditaire”, définie par le Code Civil soit la fraction du patrimoine du défunt qui doit obligatoirement revenir aux héritiers réservataires (descendants) ou conjoint survivant si le défunt ne laisse pas de descendants (source)
En d’autres termes, la loi française interdit de déshériter ces héritiers à hauteur (Source) :
- Pour les enfants,
- de la 1/2 de son patrimoine en présence d’un enfant,
- des 2/3 de son patrimoine en présence de deux enfants,
- des 3/4 de son patrimoine en présence de trois enfants ou plus.
- Pour le conjoint en l’absence d’enfant, du 1/4 de son patrimoine ,
Mais un certain nombre de pays n'appliquent pas la réserve héréditaire comme le montre cette carte produite par le Sénat.
La plupart des pays anglo-saxons ont un système juridique dit de la “Common Law” qui ne prévoit pas de réserve héréditaire (excepté l’Ecosse ou encore en Louisiane marqués par l’héritage napoléonien) et qui laisse “une grande liberté testamentaire permettant de léguer l’ensemble de son patrimoine à la personne de son choix”, explique Nathalie Thevenet-Grospiron, notaire à Annecy. C’est le cas de l’Angleterre et du Pays-de-Galles côté européen.
Pour l’autrice de «L’héritage pour les nuls» aux Éditions First et chargée d’enseignement à l’École nationale de la magistrature, « il est incontestable que les Américains sont, tout autant que les Français, attachés à la famille ; cependant, leur histoire, profondément liée à celle des Pilgrims Fathers et des pionniers de l’Ouest, est teintée d’individualisme, induisant une totale maîtrise de la propriété de ses biens, qui ne disparaît pas au décès de son titulaire. »
Et quand le défunt résidait à l'étranger, la loi étrangère s'applique à sa succession et certains pays admettent la possibilité de déshériter ses enfants.
Le cas de Johnny Hallyday illustre parfaitement ce procédé. Etant donné que la résidence principale de Johnny était en Californie, c’est donc la loi de l'État américain qui s’applique pour régler sa succession. Tous ses biens, y compris son patrimoine mobilier en France ou ailleurs dans le monde, étaient soumis à la loi californienne. Ily a rédigé son testament dans lequel il lègue l’ensemble de son patrimoine et de ses royalties à sa dernière compagne Laeticia. Ses enfants Laura Smet et David Hallyday en ont été exclus.
Peut on en conclure que pour transmettre l'intégralité de son patrimoine à d'autres personnes que ses enfants, il faut larguer les amarres dans un pays qui ne prévoit pas de réserve héréditaire ?
Il faut savoir que dans le cas de successions internationales, un prélèvement compensatoire peut être alloué aux enfants déshérités :
"Pour garantir la part de l'héritage qui doit obligatoirement revenir aux héritiers réservataires (descendants) ou au conjoint survivant en l'absence de descendants, un prélèvement compensatoire a été mis en place. Il permet aux enfants déshérités par une loi étrangère de récupérer l'équivalent sur les biens de la succession situés en France. Ce dispositif s'inscrit dans le cadre de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Le détail avec Service-Public.fr."
Il existe aussi l'"exception d’ordre public international": ce mécanisme permet, en cas de conflit de lois applicables à une situation, d’écarter une règle étrangère (loi, jurisprudence, acte) qui serait contraire à une règle nationale fondamentale. (source)
La Cour de Cassation a néanmoins validé, dans deux arrêts en date du 27 septembre 2017 (n°16-17.198 et 16-13.151), l’application d’une loi étrangère ne reconnaissant pas la réserve héréditaire à deux successions internationales, aboutissant à priver les héritiers réservataires français de tout droit dans ces successions. (source)
Aussi, le Sénat a travaillé en 2019 sur un Projet de loi confortant le respect des principes de la République dont l'article 13 "vise à rétablir un droit de prélèvement compensatoire sur les biens situés en France au profit d'enfants qui ne bénéficieraient pas d'une réserve successorale en application d'une loi étrangère. Ses effets seraient réservés aux cas où soit le défunt, soit l'un de ses enfants est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou y réside habituellement." (source)
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