Comment le numérique intervient-il dans le métier d'océanologue ?
Question d'origine :
Comment le numérique intervient-il dans le métier d'océanologue ?
Réponse du Guichet
Le numérique intervient à tous les niveaux mais est particulièrement présent en matière de recueil de données ainsi que de modélisations et prévisions océanographiques.
Bonjour,
Voici en préambule une courte présentation du métier d'océanologue :
le rôle de l’océanologue est d’étudier la mer au sens large, c’est-à-dire les fonds marins, les mers, les océans ainsi que les organismes animaux et végétaux. Son objectif : approfondir les connaissances sur la mer, protéger son environnement et en exploiter les ressources.
L’océanologue, plus souvent en laboratoire que sur le terrain
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce scientifique de haut niveau passe peu de temps en mer (moins d’un mois par an en moyenne). L’océanologue passe la plupart de son temps de travail dans un laboratoire ou derrière un ordinateur. Lors des campagnes en mer, sur un navire spécialisé, le chercheur fait des observations et des prélèvements qui lui donneront matière à travailler à son retour. Dans son laboratoire, à l’aide d’appareils ultra-technologiques, il traite les données recueillies et réalise des expériences. Il diffuse ensuite ses connaissances en publiant des articles dans les revues spécialisées ou en participant à des conférences et des colloques. Le scientifique peut également enseigner à l’université.
source : Studyrama
Pour plus d'informations sur le métier d'océanologue, nous vous invitons à consulter cette précédente réponse : J'aimerais avoir différents sites et/ou livres à consulter sur le métier d'océanologue.
Comme pour beaucoup de professions, le métier d'océanologue use de données numériques pour alimenter des systèmes d'information. Le programme mondial de bases de données océanographiques (WODP) permet le partage de données océanographiques mondiales de qualité connue, librement accessibles, adaptables et complètes. WOD est la plus grande base de données numérique de profils océaniques sans restriction, au format uniforme et à la qualité contrôlée, disponible de 1778 à aujourd'hui.
En France, l'IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) recueille de nombreuses données et notamment des mesures numériques. Vous en trouverez quelques exemples en consultant l'infographie proposée en page d'accueil : Portail des données marines.
L'Ifremer contribue à la connaissance des océans et de leurs ressources, à la surveillance du milieu marin et du littoral ainsi qu’au développement durable des activités maritimes.
Dans ce cadre, l’institut opère ou participe à des systèmes d’observations variés : navires océanographiques et submersibles, observatoires automatisés (bouées de surface, mouillages, flotteurs), satellites, réseaux d’observateurs scientifiques ou d’observateurs volontaires (professionnels de la mer ou grand public). Tous ces systèmes produisent de nombreuses données sur l’état des océans qu’il faut ensuite classer, analyser et partager.
Une grande variété de données
Les données recueillies par les systèmes d’observation et de mesure proviennent de l’ensemble des océans : eaux de surface, sous-sol sous-marin, colonne d’eau, écosystèmes, etc.). Elles sont recueillies selon différentes temporalités – en continu pour les phénomènes évolutifs, avec des périodicités moins fréquentes pour les évolutions plus lentes, ou de façon ponctuelle pour l’exploration initiale – et sont de natures très variées :
- mesures physiques (température, courants, turbidité, etc.),
- mesures chimiques (salinité, gaz dissous, sels nutritifs, éléments traces, contaminants, etc.),
- observations géophysiques et géologiques (profondeur, sismique, magnétisme, gravimétrie, nature du fond et du sous-sol),
- mesures biologiques des espèces végétales (algues, phytoplancton) ou animales (zooplancton et autres micro-organismes, poissons, crustacés), sauvages ou élevées (conchyliculture, aquaculture).
Toutes ces données sont généralement des mesures numériques. Mais elles regroupent également des descriptions d’échantillons recueillis (biologiques ou géologiques), des images fixes ou animées (photographies, images radar, images acoustiques ou sismiques, vidéos).
Gestion des données : du contrôle au partage
Afin de s’assurer du bon fonctionnement global des systèmes d’observation et ainsi produire des informations fiables et standardisées, les données font l’objet de contrôles et de traitements effectués par les gestionnaires de données et/ou par les équipes scientifiques. De puissants moyens de calcul sont mis en œuvre : intégration de données de différentes sources, prise en compte des différentes échelles de temps et d’espace, visualisation, cartographie, traitements géostatistiques, modèles.
L’ensemble des données est conservé dans des bases de données permettant de les réceptionner, de les mettre en forme, de les décrire, de les classer, d’en assurer la disponibilité et d’en permettre la diffusion, sur des portails Internet ou à la demande. Cette diffusion s’exerce dans le cadre de règles établies en accord avec les équipes scientifiques ayant effectué la collecte des informations et dans le respect des directives nationales et internationales (convention d’Aarhus, directive INSPIRE, par exemple).
La gestion des données et les traitements associés sont menés dans le cadre d’une démarche qualité, destinée à garantir l’intégrité et la pérennité des informations gérées et leur adéquation à l’état de l’art scientifique, conformément aux standards de qualité de chaque discipline. Cette démarche concerne également la qualité des services proposés : disponibilité des portails internet et des outils de prévisualisation et de téléchargement, détection et prévention des interruptions de service, support aux utilisateurs...
source : IFREMER : Tout savoir sur les données
C'est dans la modélisation numérique que le métier d'océanographe se plonge pleinement.
Mercator Ocean International (MOi) a développé des systèmes complexes de simulation de l’océan (modèles numériques) basés sur des données d’observation de l’océan (satellite et in situ) qui sont capables de décrire, analyser et prévoir l’état physique et biogéochimique de l’océan à tout moment, en surface ou en profondeur, à l’échelle globale ou pour une zone spécifique, en temps réel ou en différé. L’organisation a été fondée et est financée par les cinq grandes institutions françaises impliquées dans l’océanographie opérationnelle : CNRS (Centre national de la recherche scientifique), Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), IRD (Institut de recherche pour le développement), Météo-France et SHOM (Service hydrographique et océanographique de la marine nationale).
On peut par exemple citer le projet de création du jumeau numérique de l'océan :
Mercator Ocean International (MOi) a été à l’avant-garde du développement de modèles numériques au cours des deux dernières décennies pour représenter l’océan mondial et les mers régionales. MOi a investi le champ de l’océanographie opérationnelle en développant des modèles numériques mathématiques de représentation de l’Océan. Ces modèles sont régis par des équations dites « équations primitives », issues de la dynamique des fluides et de leur intégration opérationnelle pour des calculs en temps réel. Ces équations numériques sont le résultat de millions de calculs effectués sur des super calculateurs. Les données d’observation sont ensuite assimilées dans le modèle, en combinant les résultats du modèle mathématique avec les données d’observation (par exemple, des données provenant des satellites ou de l’in-situ) afin de générer une représentation finale la plus réaliste possible de l’état de l’océan. Cela permet également de fournir des prévisions à 10 jours de l’état de l’océan. Un modèle numérique permet donc de montrer une représentation quadridimensionnelle, actuelle, passée ou future, de l’état physique et biogéochimique de l’océan. Avec le programme Copernicus de l’Union européenne (UE), MOi s’est investi auprès d’une large communauté de centres experts européens pour transformer cette océanographie numérique en un service opérationnel de surveillance et de prévision de l’océan, ainsi que pour fournir au public un accès libre et gratuit à cette navigation 4D de l’océan numérique.
La prochaine innovation consiste à développer un véritable jumeau numérique européen de l’océan – une représentation cohérente, haute résolution, multidimensionnelle, multi-variable et en temps quasi réel de l’océan. Intégrant un large éventail de ressources et de sources de données européennes existantes et nouvelles, le DTO combinera la modélisation océanique de nouvelle génération, l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique et le calcul à haute performance, en développant l’interactivité et en transformant le paradigme du partage des connaissances.
Ronan Fablet, Professeur en traitement du signal et intelligence artificielle à l'IMT Atlantique, explique en quoi cette numérisation des océans est importante :
L’océan est un milieu et un domaine encore largement inconnu, notre capacité d‘exploration de l’environnement marin aussi bien physique que biologique est assez limité par rapport à notre perception très fine de l’environnement terrestre. Aujourd’hui on observe l’océan avec des satellites mais sous l’eau ils sont complètement aveugles, on utilise alors d’autres technologies de type sonars et échosondeurs pour obtenir des « images » des fonds sous-marins mais le nombre de données reste limité, on parle d’échantillonnage. C’est pourquoi on utilise beaucoup d’outils de modélisation numérique de l’océan.
Pour en savoir plus sur la modélisation et le jumeau numérique océanique :
- Un jumeau numérique pour une meilleure gouvernance de l’océan
- L’océan aura son « jumeau numérique » en 2024 : en quoi est-ce une révolution ?
- Modéliser et prévoir les socio-écosystèmes marins L’anticipation au profit de la gouvernance / Olivier Maury in Futuribles 2022/3 (N° 448), pages 73 à 86
- Modélisation et prévision océanographiques / Encyclopedia universalis (accessible en texte intégral aux abonnés BML à distance)
Un dernier exemple ici avec l'institut des géosciences de l'environnement dont voici les missions :
Depuis plus de 40 ans, MEOM enrichit son expertise technique sur les différents aspects de l’océanographie numérique, en particulier les outils de modélisation, la réalisation de simulations frontière sur des architectures de calcul haute performance, et les méthodes et outils d’inversion et d’assimilation de données.
Nos projets sont étroitement liés aux programmes de recherche français, européens et internationaux dédiés au climat, à l’environnement, et à la modélisation numérique.
Bonne journée.