Pouvez-vous m'expliquer ces vers de Baudelaire ?
Question d'origine :
Bonjour,
Dans le poème de Baudelaire "Hymne à la beauté", j'ai du mal à comprendre les termes relatifs au crime, au meurtre et aux morts, notamment :
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques;
De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
Merci.
Christian
Réponse du Guichet
Les figures de style d'un poète épris de beauté.
Réponse du département Langues et littératures :
Dans cet Hymne à la beauté, Baudelaire montre sa modernité en associant à la beauté, non seulement les images traditionnelles du bien, mais aussi et surtout les images nouvelles du mal, du monstrueux.
Cette beauté monstrueuse lui permet de s'extirper du spleen et du temps qui passe.
La beauté est associée à l'idée de la mort, comme le montre le champ lexical de la mort dans tout le poème ("crime", "moribond", "morts", "tombeau").
Cela est particulièrement visible au vers 13 "Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques" dans lequel les mots "morts" et "Beauté" sont répartis de part et d'autre de la césure.
La beauté n'a pas de morale, elle fait indifféremment le bien et le mal. L'allitération en [r] dans "le Meurtre, parmi tes plus chères breloques, / Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement" montre la dureté de la beauté lorsqu'elle fait le mal. Ainsi, la beauté est bien une fleur du mal. Baudelaire utilise ici la figure de l'oxymore pour décrire la beauté comme étant à la fois cruel et bienfaisant.
Plutôt que le registre moral, le poème s'inscrirait dans le genre pictural du tableau des "horreurs sympathiques" (pour reprendre le titre d'un autre poème des Fleurs du mal). Il s'agirait pour Baudelaire de représenter le crime pour lui-même, dans une forme de vérité nue, sans dieu et sans ordre. Le poète souhaite décrire "simplement le développement d'un vice, et des résultats successifs d'une situation".