Que signife cette mention sur un livret personnel des enfants assistés du Rhône ?
Question d'origine :
Bonjour,
Sur un livret personnel des enfants assistés du département du Rhône que signifie la mention écrite par l'agent de surveillance (nous sommes en 1899/1900 ): Gagé120 dont 60 à la caisse? la somme variant selon la date de la visite.S'agit-il de la constitution d'un pécule dont pourra disposer la personne placée à sa majorité?
Merci pour votre réponse
par ailleurs je vous remercie pour la pertinence des réponses précédentes.
Clami
Réponse du Guichet
La mention portée sur le livret personnel des enfants assistés auquel vous faites référence est vraisemblablement liée à la rétribution que percevaient les pupilles de l’assistance publique en échange de leur travail, défalquée de la somme «réservée», c’est-à-dire placée sur un livret de caisse d’épargne.
Nous avons été mis sur la voie par les textes que nous avons consultés relatifs à l’apprentissage des pupilles de l’assistance publique au XIXe siècle. Nous citerons ici notamment l’ouvrage, Aux marges de la famille et de la société. Filles-mères et enfants assistés à Lyon au XIXe siècle.
Tout d’abord, rappelons qu’à partir de l’âge de 13 ans à compter de 1889, les pupilles doivent être placés chez un patron. Il cesse alors d’être à la charge entière du service départemental «des enfants abandonnés et trouvés».
C’est lors du changement de statut, au douzième ou au treizième anniversaire, que les pupilles signent leur premier contrat d’apprentissage. Ces contrats sont négociés entre les patrons et directeurs d’agence, parfois par l’inspecteur lui-même.
Par ce contrat, le patron s’engage à loger l’enfant, à l’entretenir, à le nourrir, à le blanchir, à le soigner et à veiller à son instruction. Il a également pour devoir de former l’enfant au travail, de lui apprendre un état pour lui permettre à sa majorité de gagner sa vie [...]
Sous la troisième république, l’inspecteur des enfants assistés est chargé de veiller à l’intérêt pécuniaire de ses protégés. A partir de leur placement chez un patron, les pupilles perçoivent en effet des gages qui sont parfois âprement négociés, face à certains employeurs prompts à minorer les services rendus par les enfants placés et à surestimer le coût de leur alimentation. Les sommes indiquées dans les contrats, sont évaluées en fonction du travail fourni et, d’autre part, de l’entretien et des besoins de l’enfant, notamment en ce qui concerne l’achat de vêtures décentes, de chaussures, d’habits et de sabots de travail. Les contrats indiquent les sommes que doit percevoir l’enfant, aussi bien sous forme de gages que sous forme d’argent de poche que le patron doit lui «offrir» périodiquement pour ses loisirs […]
Annuellement, à chaque fin de placement, le patron a pour obligation d’envoyer à l’inspecteur du service des enfants assistés les gages de l’enfant accompagnés d’une liste détaillée des dépenses faites par le pupille tel qu’il est stipulé dans le contrat de placement […]
Les deux tiers environ des dépenses engagées pour l’entretien des adolescents sont consacrés à l’habillement, dont une partie importante à l’achat de chaussures et de sabots. Les gages, qui représentent le tiers environ de la «location» du pupille, sont récupérés par l’inspecteur. Celui-ci constitue avec cette somme un pécule, qui augmente régulièrement tant que l’enfant travaille, et qui est placé sur le livret de Caisse d’Epargne établi au nom de l’enfant. De l’argent gagné grâce à son activité, le pupille n’est pas responsable et n’en a pas la libre disponibilité. C’est l’inspecteur, son tuteur qui en est le garant. Ce n’est qu’une fois la majorité atteinte que le pupille peut disposer à sa guise du pécule placé sur ce compte [...]
Aux yeux de certains inspecteurs, le mérite et les qualités d’un pupille peuvent se mesurer au montant inscrit sur son livret d’épargne. En effet, le livret d’un pupille travailleur et docile sera régulièrement alimenté, tandis que celui d’un «vaurien» restera pratiquement vide.
Au sujet du livret de caisse d’épargne, il est dit dans le livre, L’Assistance publique en 1900
En vertu des contrats de placement passés entre les directeurs d’agence et les patrons, une partie des gages est remise au pupille pour son entretien et ses menus frais; le surplus est versé à la caisse d’épargne au compte de l’enfant. Le livret de caisse d’épargne, outre qu’il peut rendre service à l’élève en un moment de besoin, constitue un encouragement au travail et à l’ordre.
Les Archives Départementales du Rhône conservent le fonds des archives du service des Enfants assistés (1797-1940). Celui-ci contient notamment de nombreux dossiers se rapportant à la gestion des deniers pupillaires. La présence de ce fonds aux Archives Départementales laisse présumer que vous pourriez trouver auprès de ce service de plus amples renseignements sur ces livrets personnels d’enfants assistés.
Bonne journée