Existait-il un interdit canonique sur l'étude de la gynécologie au XVIIIe siècle ?
Question d'origine :
Existait-il un interdit canonique sur l'étude de la gynécologie au XVIIIe siècle ?
Merci,
Réponse du Guichet

Bonjour,
Vous souhaitez savoir s'il existe un interdit canonique sur la gynécologie au 18e siècle.
Un interdit canonique est une sanction prévue dans le cadre du droit canonique, droit reconnu par l'Eglise catholique.
Nous n'avons pas trouvé trace d'un interdit canonique en matière de gynécologie au XVIIIe siècle.
D'après nos recherches, des écrits relatant des observations obstétricales ont d'ailleurs été publiées durant cette période.
Le droit canonique est l'ensemble des lois et des droits, adoptés ou acceptés par les autorités catholiques et ses membres d'après le site "encyclopédie.fr".
Dans le code de droit canonique paru en 1983, l'interdit canonique est une sanction pénale, imposée par l'Eglise catholique, d'après sa définition dans l'article "peines écclésiastiques" paru sur le site internet de l'encyclopédie Universalis.
Selon l'article "Histoire (s) de la, naissance. L'observation obstétricale au 18ème siècle", publié sur le site internet du cairn, la gynécologie a été étudiée au 18ème siècle car des écrits ont été publiés dans "Le journal de la Médecine, Pharmacie, etc..." entre 1754 et 1822, et relatent près de 300 observations obstétricales.
Nous en déduisons donc qu'il n'existait pas d'interdit canonique concernant la gynécologie au 18e siècle.
Par ailleurs, la gynécologie s'est développée au cours du 19e siècle en France, où elle se constitue alors comme "science de la femme", d'après l'article "Gynécologie" publié dans "L'encyclopédie critique du genre".
Nous avons bien conscience que ces éléments sont peut-être insuffisants pour répondre à votre question. Aussi, nous vous invitons à contacter le service des bibliothèques universitaires de Paris, via leur rubrique "Poser une question", afin d'obtenir des éléments plus concrets concernant votre demande.
Bonne fin de journée.
Cordialement.
L'équipe de la médiathèque du Bachut Santé.
Réponse du Guichet

Nous n'avons pas trouvé trace d'un interdit canonique à l'encontre de l'étude de la gynécologie. Ni au XVIIIe siècle, ni à un autre moment.
Bonjour,
Voici quelques informations concernant le pan religieux de votre question. Rappelons que nous ne sommes pas des experts dans ce domaine, et que de ce fait, nous avons peu d’éléments de réponse à vous fournir.
Le XVIIIe siècle est plutôt synonyme de progrès dans le domaine gynécologique. Comme le mentionne Nicole Stockmann dans son ouvrage L'obstétrique et la gynécologie dans la vie française au XVIIIe siècle:
«Ce sont les sages-femmes qui effectuent la plupart des accouchements, mais leur ignorance est de plus en plus souvent dénoncée et plusieurs tentatives sont faites pour leur procurer une formation valable : à côté du stage pratique à l'Hôtel-Dieu, sont créés des cours théoriques au Collège de Chirurgie et à la Faculté de Médecine. Pour les sages-femmes de la campagne, Marie-Angélique Leboursier du Coudray organise, dans différentes régions, des séances de démonstrations sur des mannequins de son invention.
A côté des sages-femmes, les accoucheurs vont jouer un rôle de plus en plus important, malgré les critiques de certains, en particulier Hecquet, qui pensent qu'il est « indécent aux hommes d'accoucher les femmes »; mais aucun enseignement officiel de l'obstétrique n'est prévu pour les étudiants en médecine qui doivent souvent s'adresser à des écoles clandestines installées dans des maternités privées, dirigées par des sages-femmes.
C'est à la fin du XVIIIe siècle que se crée, rue d'Enfer, la Maternité de Paris qui remplace l'Office des Accouchées de l'Hôtel- Dieu, dont l'insalubrité a été maintes fois dénoncée, en particulier par Tenon.Des progrès peuvent être réalisés, en obstétrique, grâce à une meilleure connaissance de l'anatomie du bassin et du mécanisme de l'accouchement. A côté de l'obstétrique, la gynécologie n'a pas une place très individualisée, car, au XVIIIe siècle, les maladies des femmes sont indifféremment traitées par les accoucheurs, les chirurgiens et les médecins. La contraception commence à se répandre, mais ses motivations, de même que ses conséquences, sont en général très critiquées. Les seuls procédés tolérés sont la continence et le célibat, toutes les autres méthodes sont violemment condamnées, en particulier par les confesseurs.
Néanmoins, l'usage du condom en caecum d'agneau est connu dans le Sud-Ouest de la France et le mécanisme de la conception est assez vulgarisé pour atteindre le grand public.»
Nous le voyons, l’église à l'époque ne semble pas condamner l’étude de la gynécologie en elle-même, mais plutôt les méthodes de contraception utilisées en dehors de la continence (on évite la pénétration) et du célibat.
Dans Le livre noir de la gynécologie, Mélanie Déchalotte explique :
«Si l’accouchement reste longtemps une affaire de femmes dont les hommes se désintéressent, la situation évolue dès le XVIe siècle. Soucieux d’assurer l’accroissement démographique, l’Eglise et l’Etat veulent lutter contre l’avortement et l’infanticide, mais aussi contre la religion prétendue réformée: des fléaux qui peuvent priver un nouveau-né du baptême catholique.
La matrone devient suspecte: soupçonnée d’user de sorcellerie, elle est accusée de connaître des méthodes de contraception et d’avortement. Influente auprès des villageoises, elle doit être placée sous tutelle de l’Eglise. Dans chaque communauté, les évêques intronisent une sage-femme jurée qui sait réciter les formules du «bon» baptême et convaincre une femme de garder son enfant. Sans regimber, les matrones se soumettent à ces nouvelles directives: elles savent que cette dévotion au clergé, au détriment de la solidarité féminine, est le prix à payer pour être reconnues dans leur pratique.»
Enfin, terminons par préciser que les interdits canoniques sont des sanctions pénales prises par le pape ou ses évêques, et qu’on distingue deux types d’interdits:
- L’interdit local qui «fut abondamment utilisé par la papauté contre les rois et princes qui entendaient limiter son pouvoir spirituel ou temporel.À partir du XIIIe siècle, l’interdit local est moins utilisé dans un but politique. Il est cependant maintenu par le concile de Trente. Maintenu dans le Code de droit canonique de 1917, il a disparu de celui de 1983.»
- L’interdit personnel "a également été employé dans un but politique. Il fit l’objet d’importants développements dans le Code de 1917 mais perdit de son importance dans celui de 1983, où il apparaît comme une version atténuée de l’excommunication. Sont désormais passibles d’interdit:
La violence contre un évêque
La célébration de l’eucharistie ou du sacrement de pénitence par une personne qui n’en a pas le pouvoir
La fausse dénonciation d’un confesseur du crime de sollicitation, c’est-à-dire d’avoir au cours du sacrement de la réconciliation sollicité d’un pénitent un péché contre le sixième commandement (l’interdit de l’adultère) que l’Église comprend comme la conservation de la pureté; ou le fait de porter atteinte à la réputation d’autrui.
Le mariage (même civil) d’un religieux." (source : Wikipédia )
Pas d'interdit donc de l'Eglise concernant la gynécologie et son étude. Ni au XVIIIe siècle, ni à un autre moment semble-t-il.
Pour aller plus loin :
Formation du droit canonique et gouvernement de l’Eglise de l’Antiquité à l’âge classique / Jean Gaudemet
Chronique d´histoire du droit canonique / Stéphane Boiron
L'Eglise et le contrôle des naissances / Jean-Louis Flandrin
L'Eglise et la contraception / Jean-Louis Flandrin