Qu'était un lieutenant des Maréchaux de France sous l'Ancien Régime ?
Question d'origine :
Bonjour,
En quoi consistait sous l'Ancien Régime la fonction de "Lieutenant des Maréchaux de France."
De quand date-t-elle ?
Quelles étaient leur fonctions?
Quelles étaient leurs conditions de recrutement ?
Où peut-on trouver la liste de ces Lieutenants ?
Merci
Réponse du Guichet
Les lieutenants des maréchaux de France furent des auxiliaires du Tribunal des maréchaux de France, ou Tribunal du point d'honneur, qui officièrent de 1651 à 1793 dans les provinces. Leur fonction principale était d'empêcher les duels. Ils étaient nommés par décret et appartenaient à la haute noblesse. Nous n'avons pas trouvé de liste exhaustive de ces officiers mais quelques ouvrages spécialisés existent.
Bonjour,
Selon une page des Archives nationales, c'est sous Louis XIV qu'est créé le Tribunal des maréchaux de France, dont le lieutenant était un relai dans les provinces :
La dignité de maréchal de France fut créée par Philippe-Auguste. Grand officier de la Couronne, le maréchal devint le premier dignitaire après la suppression du connétable en 1626. Après les interdictions de duel, Louis XIV institua un Tribunal des maréchaux de France ou Tribunal du point d’honneur, qui connaissait, sans appel, de tous les différends nés entre gentilshommes pour des questions d’honneur. Des édits créèrent dans chaque bailliage ou sénéchaussée un lieutenant des maréchaux de France, qui y exerçait la même juridiction que le tribunal des maréchaux à Paris. En 1791, le nombre des maréchaux fut réduit à six, il fut spécifié que les maréchaux ne pourraient plus avoir que des fonctions militaires. Cette dignité fut complètement supprimée par la Convention en 1793.
L'ordonnance de Moulins interdit en 1566 les duels entre gentilshommes et impose le recours aux connétables et maréchaux pour trancher le différend. L'arrêt du parlement du , les édits de 1602 et 1609 qualifiant les duels de crime de lèse-majesté ne suffisent cependant pas à mettre un terme à cette pratique aristocratique dont sont victimes quatre mille personnes en vingt ans. Les déclarations et édits de 1624 et 1626 tentent encore de faire appliquer l'interdiction par les maréchaux. François de Montmorency-Bouteville et son second François de Rosmadec, comte de Chapelles, sont décapités le en place de Grève pour avoir défié l'édit royal.
Par un nouvel édit de 1643 les justiciables ne relèvent plus des maréchaux mais des parlements et des juges ordinaires. Les maréchaux retrouvent leur compétence en 1651 tout en la partageant avec les juges ordinaires (édits de 1679 et 1723).
La juridiction du point d'honneur est constituée à Paris par le tribunal des maréchaux et en province par les lieutenants des maréchaux qui préviennent les duels en réglant les différends avant la commission du délit. Les charges des maréchaux et de leurs lieutenants sont vénales jusqu'en 1771. Les indemnités sont fixées par le règlement du .
Ces formations sont compétentes pour connaître « des injures, de vive voix ou par écrit, et des voies de fait, excès réels ou simples menaces accompagnées de gestes outrageants ». Les sanctions sont prévues par les règlements et déclarations des , , et relatifs aux « satisfactions et réparations d'honneur ». Un édit de 1704 précise les peines encourues par les « officiers de robe coupables de paroles injurieuses ou de voies de fait ». Ces différends, qu'il s'agit d'empêcher de dégénérer, sont de tous ordres touchant aux droits honorifiques mais aussi aux droits de chasse et de pêche.
Le règlement du étend la compétence de ces juridictions aux litiges concernant des roturiers lorsque des gentilshommes leur sont redevables par la souscription d'un billet d'honneur. Le tribunal des maréchaux ne juge pas au fond qui est de la compétence des juges ordinaires mais il peut sanctionner de peines de prison lorsque les justiciables n'ont pas satisfait à leur engagement.
En province un office de lieutenant des maréchaux est installé dans chaque bailliage et sénéchaussée par les édits de 1651, 1679, 1693, 1702 « pour connaître et juger des différends qui surviendront entre les gentilshommes, ou autres faisant profession des armes, soit à cause des choses, droits honorifiques des églises, prééminences des fiefs et seigneuries, ou autres querelles mêlées avec le point d'honneur ». L'édit de 1707 porte leur nombre à deux. En outre, un conseiller-rapporteur du point d'honneur est nommé par un édit de 1704 pour l'instruction des affaires. La fonction des lieutenants et des conseillers est encore précisée par deux règlements de 1653 et de 1679 et par un édit de 1723. Le lieutenant des maréchaux de France a essentiellement un rôle de conciliation. Si la conciliation n'aboutit pas, le cas remonte à Paris au tribunal des maréchaux de France qui se réunit chez le plus ancien d'entre eux. Les lieutenants des maréchaux rendent compte au tribunal des ordonnances rendues en conciliation. Selon la gravité et l'urgence de l'affaire, le lieutenant peut statuer provisoirement et faire exécuter par un cavalier de maréchaussée une promesse de paiement au même titre que les juges du tribunal des maréchaux. La maréchaussée est tenue d'obéir aux ordres des maréchaux comme à ceux des lieutenants de la juridiction du point d'honneur.
Les édits de septembre 1651 et d'août 1679 donnaient pouvoir aux maréchaux de France de commettre, dans chaque bailliage et sénéchaussée, un ou plusieurs gentilshommes. Un édit de mars 1693 créa un office d'archer-garde pour servir auprès du lieutenant dans chaque bailliage ou sénéchaussée. En octobre 1702, un autre édit portant création de lieutenants des maréchaux de France et d'archers-gardes dans les duchés-pairies. En octobre 1704, un autre édit considéra que les lieutenants ne pouvaient suffire à tout et leur adjoignit, en plus de l'archer, un conseiller rapporteur et un secrétaire-graffier.
Les lieutenants des maréchaux de France avaient les mêmes attributions de police que les maréchaux, pouvaient faire comparaître les parties dans les mêmes conditions. Mais ils ne pouvaient juger leur différend que si elles y consentaient. Sinon, ils devaient les renvoyer par-devant les maréchaux de France. Et, si leurs ordonnances intéressaient l'honneur d'un gentilhomme, ils ne devaient pas la faire exécuter sans avoir rendu compte au Tribunal et sans avoir reçu son approbation [...]. Il ne pouvait en être autrement que dans les cas très urgents. Dans toutes les hypothèses, les lieutenants devaient tenir les maréchaux de France exactement et immédiatement au courant de leurs décisions. Si l'affaire était grave et si la preuve des voies de fait pouvait dépérir, les lieutenants devaient entendre ou faire entendre tous témoins utiles sans attendre une réponse du Tribunal.Dès leur réception, les lieutenants devaient entrer en relations avec le prévôt général de la maréchaussée du département qui, de son côté, devait les faire connaître par les brigades qui étaient sous ses ordres. Les lieutenants pouvaient donner des ordres aux officiers commandant les cavaliers, mais non directement aux cavaliers.Les lieutenants des maréchaux de France devaient exercer effectivement leurs fonctions et ne pouvaient quitter leur département sans l'autorisation du maréchal-doyen.
Au mois de juin 1713, notamment, le duc d'Estrées et le comte d'Harcourt, soupçonnés de vouloir en découdre, n'ont pas voulu [rester sous la surveillance d'agents du Tribunal] ; le premier en tant que duc, le second comme prince étranger, préétendirent qu'ils n'étaient pas justiciables des maréchaux de France ; trois de ceux-ci ont bien fini par régler le différend, mais il fut précisé qu'ils n'étaient pas mandatés par leurs collègues et que le Roi leur avait donné une commission exprès. Cet incident montre que le Roi ne pouvait pas élever à la dignité de maréchal de France des personnes d'une qualité inférieure à celle des gentilshommes susceptibles de comparaître devant le tribunal du Point d'honneur.
Des édits de 1693 et 1702 créent un lieutenant des maréchaux par bailliage et par duché-pairie, chiffre porté à deux en 1707 ; à la fin de l'Ancien Régime on compte environ 370 de ces charges. Elles sont vénales jusqu'en 1771.
L'ordonnance de 1693 ne requiert pas explicitement la noblesse des lieutenants des maréchaux de France. Cela est cependant sous-entendu. La déclaration du 13 janvier 1771 est quant à elle plus explicite : désormais nul ne peut en être pourvu s'il n'est gentilhomme et militaire. Le contrôle est effectué par les maréchaux de France, qui exigent des postulants trois degrés de noblesse et le grade de capitaine. Cependant "pour des considérations particulières" les maréchaux de France sont parfois amenés à s'écarter de cette règle.
En 1781, un règlement porte les exigences à quatre degrés de noblesse, avec dix ans de service comme officier. Cependant, les maréchaux de France se réservent la possibilité d'y déroger en raison de "services militaires assez distingués pour mériter d'être dispensé de faire la preuve de quatre degrés de noblesse". Au moins depuis 1787, les preuves se font sur titres devant le généalogiste des ordres du roi.
Nous n'avons malheureusement pas pu consulter cet ouvrage qui n'apparaît pas dans nos collections, mais vous pourriez en apprendre beaucoup sur le sujet qui vous intéresse, puisque selon le site de l'éditeur "Ce dictionnaire biographique recense quelque 1200 lieutenants des maréchaux de France, donnant pour chacun d’eux, outre ses nom et prénom, dates et lieux de naissance et de baptême, prénoms et noms de ses parents, date de son mariage, ses titre et nom de terre portés, ses services avant et pendant sa lieutenance, ses dates de mariage et de décès, les prénom et nom de son épouse."
- Jean III de Dax, Sgr et baron d’Axat, de Leuc et autres places, sénéchal de Limoux, lieutenant des maréchaux de France et juge du point d'honneur dans l'étendue de la sénéchaussée de Limoux en 16665.
- Nicolas Charles de Malon de Bercy, Chevalier, Sgr de Bercy, Conflans, Charenton et autres lieux, Conseiller du Roy en ses Conseils, maître des Requêtes honoraire, est conseiller-rapporteur du point d'honneur au Tribunal des maréchaux en 1745 6
- Pierre Coustard de Massi, lieutenant des maréchaux de France à Nantes entre mars 1771 et janvier 1773.
- Vincent-Marie de Vaublanc, lieutenant des maréchaux de France pour Dammarie-les-Lys en 1782.
- Bertrand Pierre Marie de la Boëssière, lieutenant des maréchaux de France et juge du point d'honneur à Guingamp autour de 1766
- Alexandre-Claude Bellier Du Chesnay, lieutenant des maréchaux de France et greffier du point d'honneur de Chartres autour de 1780.
- Le père du peintre Fleury François Richard est conseiller-rapporteur du point d'honneur à Lyon autour de 1771.
- Louis François Leblanc (dit Leblanc de Neauville) né à Chartres, paroisse Sainte-Foy, le , décédé même commune le 7, est rapporteur du point d'honneur8.
- Vincent-Casimir Audren comte de Kerdrel [archive], Lieutenant des maréchaux de France en 1776.
- Gabriel Jean Dominique de Rochefort reçu le 5/05/1773 à Issoudun, lieutenant des maréchaux de France.
- Pierre Dubern, secrétaire-greffier du point d'honneur à Nantes de 1771 à 1789 environ
- Henri Jacques Goüin-Moisant, secrétaire-greffier du point d'honneur au département de Langeais vers 1780.
- Vincent-Marie Viénot de Vaublanc
- Jacques Louis de Bournon
- Gilles-François de Graimberg de Belleau
- Gaspard-François Toustain de Richebourg
- Michel de Bullioud,(1742-1789)
- Nicolas Louis de Salligny
Savez que les Archives nationales disposent d'un fonds pléthorique sur le Tribunal des maréchaux de France avec un répertoire détaillé disponible en pdf. Peut-être pouvez-vous les contacter.
Les lieutenants des maréchaux de France, René de Belleval
« L’intérêt est normand, et l’honneur est gascon » Le Tribunal des maréchaux de France : agent régulateur du comportement et du crédit des nobles et militaires au xviiie siècle thèse de Romain Benoît, et un entretien de l'auteur sur chartes.hypotheses.org