Vasco de Gama est-il à l'origine du nom "noix de coco" ?
Question d'origine :
Bonjour,
Est-il vrai que c'est Vasco de Gama qui a donné à la noix de coco le nom de noix de coco ?
La légende est belle mais je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est peut-être une légende...
Merci d'avance !
Réponse du Guichet
L’étymologie de la noix de coco n’est pas aussi évidente et si elle est parfois rattachée à Vasco de Gama, rien ne permet d'en valider les hypothèses.
Bonjour,
L’étymologie de la noix de coco est complexe et les sources diffèrent, citant ou non Vasco de Gama comme étant à l’origine de l’usage de ce terme.
Le Dictionnaire Historique de la langue française écrit à la définition noix:
employé seul (1555) puis dans noix de coco (1610) est empreint par l’intermédiaire de l’italien et de l’espagnol, au portugais coco (1330), lequel serait issu, par métaphore ( d’après l’aspect hirsute de la noix) de coco «croque-mitaine». Il s’agit probablement d’une métaphore de l’ibéro-roman coco, désignation de divers fruits ronds, de même origine que coque…
Le Centre national de Ressources textuelles et lexicales apporte de plus amples précisions sur son étymologie :
Étymol. et Hist. 1. 1525 coche « noix de coco » (A. Fabre, Le Voyage et navigation fait par les Espaignolz és Isles de Mollucques [trad. de l'ital.], fo16 rods Arv., p. 180); 1555 coco (J. Poleur, L'Hist. naturelle et generalle des Indes [trad. de l'esp.], fo124 vo, ibid.); 1610 noix de Cocos (Hist. de la navigation de Jean Hugues de Linscot Hollandois et de son voyage es Indes Orientales [trad. du lat.], p. 148 ds Arv., p. 183); 2. a) 1718 coco « eau-de-vie » (Le Roux, p. 124); b) 1774 « boisson à la réglisse » (d'apr. Esn.); 1808 « id. » (Hautel); 3. p. anal. de 1. 1847 coco « tête » (P. Féval, Le Fils du diable, p. 113 : dévisser le coco). 1 empr., d'abord par l'intermédiaire de l'ital. et de l'esp., au port. coco « id. », attesté dep. 1330 (Ben-Batuta ds Dalg.), qui pourrait être issu, p. métaph. due à l'aspect de la noix de coco fraîche qui présente trois trous la faisant ressembler à une tête humaine, de coco « croque-mitaine » à tête sphérique grossièrement figurée avec lequel on effraie les enfants (cf. doc. du xvies. cité ds Mach., s.v. coco1; v. Fried., Dalg.), lui-même issu p. métaph. de l'ibéro-roman coco désignant de nombreux fruits ronds, de même orig. que coque* (v. Cor., s.v. coco I). 2. a) s'explique par le fait qu'on fabriquait une eau-de-vie en distillant le suc vineux tiré des tiges du jeune cocotier (v. Encyclop. t. 3, p. 563).
Par ailleurs, dans Des fruits et des graines comestibles du monde entier, François Gallouin, Nicole Tonelli indiquent que
Le nom de genre Cocos viendrait d’un terme portugais désignant un singe dont on reconnaîtrait le museau en regardant les trois pores germinatifs de la noix; dans cette langue, coco désigne aussi un fruit sphérique. Pour d’autres le mot remonterait au XVIe siècle où, en Italie, il aurait désigné croquemitaine toujours en raison d’une sorte de face grimaçante que donnent les trois pores germinatifs de la noix.
En latin, nux signifie noie et le suffixe fera, je porte. Coco nucifera est donc le cocotier poretur de noix. Jusqu’au XVIIe siècle, le fuit se disait simplement coco, puis ultérieurement l’appellation noix de coco a prévalu.
Pourquoi alors associer la "noix de coco" à Vasco de Gama ?
Henriette Walter et Pierre Avenas, dans La Majestueuse Histoire du nom des arbres citent les marins accompagnant Vasco de Gama :
Les noms de la noix de coco dans les langues d’Europe de l’Ouest viennent de l’espagnol ou du portugais, où la noix de coco se dit simplement coco. Cette appellation concise est attribuée aux marins de l’explorateur portugais Vasco de Gama lors de leur premier séjour en Inde aux environs de l’an 1500: ils avaient vu la noix de coco comme une tête caricaturale, avec la bouche ouverte et les yeux écarquillés. ..
Tout comme Payl teyssier, Jacquelin Brunet, Jack Schmidely dans Comprendre les langues romanes du français à l'espagnol, au portugais, à l'italien & au roumain : méthode d'intercompréhension :
A l’époque des découvertes le portugais fournit à l’Europe entière un abondant vocabulaire exotique, par exemple pagode, mandarin, banane (emprunté à une langue de l’Afrique occidentale) et, coco (vieux mot portugais qui désignait «croquemitaine» dont on menaçait les enfants, et que les compagnons de Vasco de Gama ont utilisé pour désigner la noix de coco, à cause de sa ressemblance une fois pelée, avec une tête grimaçante).
Enfin, dans Le voyage de Ludovico di Varthema en Arabie & aux Indes orientales, 1503-1508, Ludovico di Varthema, Paul Teyssier et Jean Aubin l'associent non plus aux compagnons mais à Vasco de Gama lui-même :
Le texte de 1510 ignore le mot coco. On le trouvera pour la première fois en italique dans le récit de Pigafetta du voyage de Magellan (C. 1524). Le mot est néanmoins apparu dans divers manuscrits, en premier lieu, semble-t-il, dans le journal (1499) du premier voyage de Vasco de Gama (resté manuscrit jusqu’au XIXe siècle : «les vivres étaient des equos [cocos]», ce que nous avions annoté ainsi: «le manuscrit porte ici equos. On peut supposer, sans en être absolument certain, que le texte original avait ici coquos, c’est-à-dire cocos, et que c’est le copiste qui, ne comprenant pas le mot, l’a déformé en equos. Si cette hypothèse est exacte, nous avons ici le premier exemple du mot coco pour désigner le fruit du cocotier. Cette désignation s’explique par la ressemblance de la noix de coco (sans son écorce) avec une tête grimaçante (le coco est, en portugais, le croquemitaine). Au voyage aller (p. 110), notre texte décrit des fruits qui doivent être des noix de cocos, mais sans leur donner de nom.» (Voyages de Vasco de Gama, 2ed 1998, p. 159 et note p. 366). Le terme s’est ensuite vite répnaud, car on le trouve déjà dans les manuscrits de Tomé Pires (1515) et de Duarte Barbosa (C. 1516). En malais et en javanias, le cocotier a reçu le nom de Kepala, sans doute du sanskrit kalpa, l’arbre des désirs de la mythologie hindoue. La première référence au coco en occident est celle du petit traité sur l’inde et sur les brahmanes, qui figure en appendice à l’Histoire Lausaique de Palladius, évêque d’Hélennopolis au Vie, siècle, suivie au siècle suivant par celle de cosmas indicopleustès accompagnée d’un dessin.