Pourquoi l’eau de pluie est devenue impropre à la consommation dans le monde ?
Réponse du Guichet
"L’eau de pluie contient une telle concentration de substances per- et polyfluoroalkyles qu’elle est désormais impropre à la consommation et ce, même dans les endroits les plus reculés de la planète" (Science&Vie). Ces PFAS se répandent partout de l'Antartique jusqu'au plateau Tibétain, ils ne se dégradent pas dans les conditions environnementales et "s'accumulent dans le biote par de multiples voies " (Per- and polyfluoroalkyl substances in the environment). Elles ont "des effets sur le système immunitaire, le système cardiovasculaire, le développement humain et le cancer" (Pourquoi l’eau de pluie est-elle «désormais considérée impropre à la consommation» à l’échelle du globe ?).
A ces PFAS viennent s'ajouter la dégradation des réserves d'eau à cause du réchauffement climatique.
Cependant, il existerait une solution au problème des PFAS.
Bonjour,
En réponse à votre question Pourquoi l’eau de pluie est devenue impropre à la consommation dans le monde ?, l'article de Fleur Brosseau publié en septembre 2022 sur le site Science & vie est sans équivoque :
l’eau de pluie contient une telle concentration de substances per- et polyfluoroalkyles qu’elle est désormais impropre à la consommation et ce, même dans les endroits les plus reculés de la planète.
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De par les activités humaines, l’eau de pluie concentre aujourd’hui des niveaux toxiques de substances per- et polyfluoroalkylées (ou PFAS, de l’anglais per- and polyfluoroalkyl substances). Ces produits chimiques sont des composés organofluorés largement utilisés dans l’industrie, pour leurs propriétés antiadhésives et imperméabilisantes, ou encore pour leur grande résistance à la chaleur. Problème : ces produits toxiques persistent dans l’environnement, et se retrouvent dans le sang et certains organes humains et animaux. Des chercheurs de l’Université de Stockholm et de l’ETH Zurich montrent dans une nouvelle étude que les niveaux de PFAS dans l’eau de pluie (et dans la neige) ont largement dépassé les limites fixées par les organismes de veille sanitaire.
Source : L’eau de pluie est devenue impropre à la consommation sur l’ensemble de la planète
Ces PFAS se répandent partout car elles "sont rejetées dans l’air au moment de la fabrication et de l’utilisation de ces produits ; elles s’infiltrent également dans les océans et se retrouvent dans les embruns. Ainsi dispersées dans l’atmosphère, elles retombent sur Terre sous forme de pluie ou de neige" (Brosseau). De plus elles mettent très longtemps à se décomposer "et s’accumulent peu à peu dans les organismes vivants et dans l’environnement. On a détecté leur présence jusqu’en Antarctique et sur le plateau tibétain !" (Brosseau).
La synthèse Per- and polyfluoroalkyl substances in the environment / Substances per- et polyfluoroalkyles dans l'environnement publiée dans La Science n°6580 de février 2022 confirme que :
de telles molécules, contenant des groupes méthyle ou méthylène entièrement substitués par du fluor, persisteront à des échelles de temps géologiques et peuvent se bioaccumuler à des niveaux toxiques.
Such molecules, containing fully fluorine-substituted methyl or methylene groups, will persist on geologic time scales and can bioaccumulate to toxic levels.
et se conclue par ce constat :
Over the past several years, the term PFAS (per- and polyfluoroalkyl substances) has grown to be emblematic of environmental contamination, garnering public, scientific, and regulatory concern. PFAS are synthesized by two processes, direct fluorination (e.g., electrochemical fluorination) and oligomerization (e.g., fluorotelomerization). More than a megatonne of PFAS is produced yearly, and thousands of PFAS wind up in end-use products. Atmospheric and aqueous fugitive releases during manufacturing, use, and disposal have resulted in the global distribution of these compounds. Volatile PFAS facilitate long-range transport, commonly followed by complex transformation schemes to recalcitrant terminal PFAS, which do not degrade under environmental conditions and thus migrate through the environment and accumulate in biota through multiple pathways. Efforts to remediate PFAS-contaminated matrices still are in their infancy, with much current research targeting drinking water.
Traduction
Au cours des dernières années, le terme PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) est devenu emblématique de la contamination de l'environnement, suscitant des préoccupations publiques, scientifiques et réglementaires.Les PFAS sont synthétisés par deux processus, la fluoration directe (par exemple, la fluoration électrochimique) et l'oligomérisation (par exemple, la fluorotélomérisation).Plus d'une mégatonne de PFAS est produite chaque année et des milliers de PFAS se retrouvent dans les produits d'utilisation finale.Les rejets fugitifs atmosphériques et aqueux pendant la fabrication, l'utilisation et l'élimination ont entraîné la distribution mondiale de ces composés. Les PFAS volatils facilitent le transport à longue distance, généralement suivi de schémas de transformation complexes en PFAS terminaux récalcitrants, qui ne se dégradent pas dans les conditions environnementales et migrent donc à travers l'environnement et s'accumulent dans le biote par de multiples voies.
L'article de Fleur Brosseau cité en introduction précise en quoi ces PFAS sont mauvais pour la santé :
Un constat particulièrement inquiétant, d’autant que plusieurs études suggèrent que l’exposition à des niveaux élevés de certains PFAS peut avoir des effets néfastes sur la santé.
Ces substances peuvent notamment entraîner une diminution de la fertilité, des retards de développement chez les enfants, un risque accru de certains cancers (notamment les cancers de la prostate, des reins et des testicules), une diminution des défenses immunitaires (y compris une réduction de la réponse vaccinale), des dérèglements hormonaux, une augmentation du taux de cholestérol, etc. Mais comme pour les microplastiques, il est difficile d’identifier de manière exhaustive leurs effets durables sur la santé, car ils comportent de nombreux composés différents.
Même si "au cours des 20 dernières années, les valeurs limites des PFAS dans l’eau potable, les eaux de surface et les sols ont considérablement diminué", Ian Cousins, professeur au Département des sciences environnementales de l’Université de Stockholm, et ses collaborateurs
ont constaté que la concentration de ces produits toxiques ne diminuait pas de manière significative et ce, alors que depuis 2010, leur production a été réglementée, voire supprimée par les principaux fabricants (tels que 3M, DuPont, Daikin et Miteni), aux États-Unis, au Japon et en Europe.
En juin 2022, l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA), sur la base de nouvelles preuves d’impacts sur la santé a revu à la baisse ses directives concernant les quantités d’APFO et de PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) dans l’eau potable : ces substances sont désormais limitées à 4 pg/L et 20 pg/L respectivement. Mais les niveaux de ces deux substances dépassent aujourd’hui largement ces limites. Pour les chercheurs, il est d’une importance vitale que les utilisations et les émissions de PFAS soient rapidement limitées.
Source : L’eau de pluie est devenue impropre à la consommation sur l’ensemble de la planète
L'article Pourquoi l’eau de pluie est-elle «désormais considérée impropre à la consommation» à l’échelle du globe ?, publié dans Libération le 25 août 2022, donne des précisions sur cette réévaluation :
Cette réévaluation drastique repose sur les résultats de récentes études épidémiologiques humaines dans les populations exposées à ces substances : «Des études sur l’être humain ont mis en évidence des associations entre l’exposition à l’APFO et /ou au PFOS et des effets sur le système immunitaire, le système cardiovasculaire, le développement humain (par exemple une diminution du poids à la naissance), et le cancer» (1).
L’effet biologique «le plus sensible» – à partir duquel sont établis les nouveaux seuils – «est la suppression de la réponse vaccinale chez les enfants (diminution des concentrations d’anticorps dans le sérum)».
Sur ce dernier sujet, si vous lisez l'anglais, vous pouvez compléter votre lecture avec How “forever chemicals” might impair the immune system / Comment les "produits chimiques éternels" pourraient altérer le système immunitaire, publié en 2021 par The Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Vous pouvez aussi lire l'étude du Pr Cousins et ses collaborateurs, Outside the Safe Operating Space of a New Planetary Boundary for Per- and Polyfluoroalkyl Substances (PFAS) publiée par American Chemical Society en 2022.
Concernant les PFAS, les dernières recommandations de l’agence gouvernementale des Etats-Unis pour l’environnement (EPA) ont été rendues publiques en juin 2022.
A ces PFAS viennent s'ajouter la dégradation des réserves d'eau dont la capacité à se régénérer est touchée par le dérèglement climatique note l'article La Terre manquera-t-elle bientôt d’eau potable ? toujours publié par Science & Vie en 2021.
L'article Impact des changements climatiques et du réchauffement climatique sur la disponibilité de l'eau. Pollution anthropique de Hussain, S., Aslam, M., Javed, M., Zahra, M., Ejaz, H., kubra, K. et Mushtaq, I. daté de 2021 nous informe des effets "du réchauffement climatique et des changements climatiques sur la disponibilité de l'eau, sa qualité/quantité/rendement et [des] effets qui en résultent sur les nutriments, l'eau douce et le biote". La principale conséquence est une contamination de l’eau douce par l’eau de mer à cause de précipitations importantes dans les pays de l'hémisphère nord où elles vont augmenter.
Ces précipitations ont pour conséquence un ruissellement plus important, qui impacte à son tour les écosystèmes et génère inondations et glissements de terrain. La disponibilité de cette eau dépend de la capacité de l’homme à la retenir.
Source : Réchauffement climatique : quelles conséquences sur l’eau ?, Centre d'information sur l'eau
Cependant, selon cet autre article de Science&Vie, PFAS : un catalyseur à atome unique efficace pour la dépollution des eaux, publié en janvier 2022 et consultable en ligne dans les bibliothèques de Lyon ou à distance via Europresse, il existerait une solution à ce problème. Des chercheurs américains ont développé un catalyseur à atome unique pour dépolluer les eaux.
Leur objectif : mettre en œuvre un système de traitement de l'eau modulaire qui cible différents polluants. Dans leur ligne de mire, notamment, les composés organohalogénés -- parmi lesquels les substances perfluoroalkylées (PFAS) -- présents dans les produits agrochimiques, dans les substances pharmaceutiques, dans les solvants et les tensioactifs, ainsi que dans les effluents de la fracturation hydraulique. Leurs effets néfastes tant sur l'environnement que sur la santé humaine -- certains sont cancérigènes, d'autres sont suspectés d'être des perturbateurs endocriniens -- ont mené à la mise en place de réglementations strictes. La solution proposée par les chercheurs pourrait ainsi représenter une avancée majeure dans le domaine du traitement de l'eau.
Pour en savoir plus les PFAS : Foire aux questions sur les PFAS( en anglais), Université de Stockholm
Autres études à propose des effets des PAFS sur la santé :
- Exposure to Perfluoroalkyl Chemicals and Cardiovascular Disease: Experimental and Epidemiological Evidence / Exposition aux produits chimiques perfluoroalkylés et maladies cardiovasculaires : preuves expérimentales et épidémiologiques / Alessandra Meneguzzi, Cristiano Fava, Marco Castelli and Pietro Minuz, Department of Medicine, University of Verona, Verona, Italy, 2021
- Metabolic effects PFAS / Effets métaboliques PFAS de Qixiao Jiang ,Hui Gao &Lei Zhang. In : Toxicological Effects of Perfluoroalkyl and Polyfluoroalkyl Substances / Effets toxicologiques des substances perfluoroalkyles et polyfluoroalkyles, édition Jamie C.DeWitt, 2015
- Gnansia, Elisabeth. « Perfluoroalkylés et développement pubertaire des garçons et des filles : analyse de données de la cohorte de naissance danoise », Environnement, Risques & Santé, vol. 19, no. 1, 2020, pp. 58-59.
- Caudeville, Julien. « Synthèse des voies d’exposition humaine aux substances poly- et perfluoroalkylées (PFAS) et compréhension actuelle des effets sur la santé », Environnement, Risques & Santé, vol. 19, no. 6, 2020, pp. 470-471.
- PFAS and cancer, a scoping review of the epidemiologic evidence / Les PFAS et le cancer, un examen de la portée des preuves épidémiologiques, Environmental Research, Volume 194, 2021
- Boyd, R.I.; Ahmad, S.; Singh, R.; Fazal, Z.; Prins, G.S.; Madak Erdogan, Z.; Irudayaraj, J.; Spinella, M.J. Toward a Mechanistic Understanding of Poly- and Perfluoroalkylated Substances and Cancer / Vers une compréhension mécaniste des substances poly- et perfluoroalkylées et du cancer. Cancers 2022, 14, 2919
Bonne journée.